Chapitre 69 – Epilogue – Les promesses d’un Trahi

12 minutes de lecture

*Ludwig

Il cligna des yeux.

Après être entré dans la lumière du sous-espace, Ludwig s'était retrouvé sous le soleil familier de la Terre. La traversée du portail s'était faite sans encombre, mais celui-ci s'était refermé aussi vite qu'il était apparu. Ludwig n'avait donc pas pu essayé de retourner en arrière… Mais était-ce vraiment utile ? Il avait fait ses adieux, plus besoin de revenir voir si il restait une quelconque lueur d'espoir.

Il commença à hurler.

Cette douleur, il ne l'oublierait jamais. Au début, elle le tailladerait de part en part, mais petit à petit, il pourrait la supporter, puis la surmonter. Soudain, quelqu'un vint à sa rencontre ; surpris, il remarqua que la terre autour de lui était familière, comme si… Mais oui ! L'extraordinaire s'était produit, car Yannis avait réussi un tour de force colossal : grâce à ses pouvoirs, il avait non seulement réussi à téléporter chaque mournien sur Terre, mais également toutes les terres de l'Empire, créant un septième continent.

C'est pour ça qu'il lui avait confié la mission de protéger les deux peuples ; il parlait autant de leurs terres que de leurs habitants…

Sur le seul vestige de Mourn, ce fut Éléanora qu'il aperçut approcher. Elle avait l'air complètement claquée. Cependant, une fois à son niveau, elle avait l'air soulagée :

— Ludwig ! Tout va bien ?

— Oui, lâcha-t-il en regardant une dernière fois l'endroit d'où il était sorti, puis se tourna vers la magicienne : Est-ce que tout le monde est là ?

— Il me semble que oui, confirma-t-elle. Le contact psychique que j'ai pu établir grâce aux restes des tours de l'Académie m'a permis de voir que tous les mourniens natifs étaient présents. Les esclaves ne sont pas ici ; je n'en doutais pas, mais Syn… Il a tenu sa promesse.

Ludwig opina du chef, quand tout à coup, il entendit un vrombissement lointain. Il leva la tête : un hélicoptère ! Ce dernier les survolait, et d'après lui, la machine devait contenir au moins le corps armé du pays le plus proche. Si ses déductions étaient exactes, la nouvelle Mourn se trouvait dans le Pacifique, donc c'était soit l'Amérique soit le Japon qui étaient venu les accueillir.

L'hélicoptère descendit en cercles, jusqu'à se poser non loin, envoyant de la poussière dans leur direction, ainsi qu'un son assourdissant. Des personnes descendirent de l'hélicoptère, des gens de l'armée… française ? Ils portaient en effet les couleurs du pays, étonnant Ludwig par cette heureuse coïncidence… À moins bien sûr que son crétin d'ami mage n'ait prévu tout cela ?

Quand le groupe arriva, lui et Éléanora remarquèrent qu'ils étaient accompagnés de deux jeunes scientifiques, à en juger à leur blouse blanche. L'une était inconnue de Ludwig, avec ses cheveux bouclés et ses lunettes posées sur son visage souriant, l'autre…

— Béryl ! cria-t-il en se précipitant vers son amie, qui suivit son mouvement pour le serrer dans ses bras.

— Ha ha ha !!! s'émerveilla cette dernière, en s'écartant pour l'observer de la tête. T'es vivant, mouton d'mes deux !

À l'entente de son surnom, Ludwig lui asséna un coup à l'épaule avant de se rendre compte que son amie…

— Tu as grandi, ou c'est moi ? observa-t-il en regardant les traits tirés et fatigués de la plus trop jeune femme.

Soudain, Béryl eut l'air d'être gênée… Elle se tourna vers les soldats français et l'autre scientifique, leur fit un signe de tête. Ces derniers rebroussèrent chemin, et l'amie de Ludwig se tourna vers lui, l'air grave :

— Tu ne rêves pas, Ludwig. J'ai déjà 25 ans, et ça fait 7 ans que toi et tout le reste de la TSB a été portée disparue.

Le cœur du jeune blond s'arrêta de battre. Comment une telle chose pouvait être possible ? Il se remémora les paroles d'Eikorna : « Nous sommes près d'un trou noir. L'effet de distortion temporel relativiste. Est-ce que quand on rentrera chez nous, on est sûr de revenir exactement à la bonne époque ? »

C'était là l'ultime défaut de Yannis : il ne savait pas viser quand c'était important.

* * *

*Edward

Wipping Hollow, 734°, 3e étage.

Edward gravit les marches grinçantes avec précaution, car il avait l'habitude que celles-ci se dérobent pour vous dévorer. L'odeur de moisissure était néanmoins la plus gênante, s'apparentant presque à de la pourriture, et la rouille sur la rampe vous collait aux doigts. Il soupira.

Il arriva au troisième étage, aux murs décolorés et ébréchés, devant une porte délabrée, ne possédant aucune serrure. Mais à quoi ça servait ici ? Personne n'osait venir chez quelqu'un qui pouvait vous déchiqueter pour revendre vos organes au plus offrant. Cependant, le skaldnjol n'avait pas le choix : il devait utiliser toute l'aide dont il pouvait disposer pour parfaire son objectif.

Trois coups.

Le silence l'accueillit en premier, mais dans cet endroit, la patience vous permettait de rester en vie plus longtemps. Alors Edward attendit. Pendant plusieurs minutes, il resta là à fixer la porte pourrie, en pensant à tout ce qu'elle faisait ressurgir en lui. Pourquoi suis-je ici, à respecter la promesse d'un type mort, qui n'aurait peut-être pas fait la même chose pour moi ? Il secoua la tête : si il menait cette entreprise, c'était pour lui-même… et pour elle. Il n'y avait aucune autre solution.

Soudain, une voix surgit de derrière la porte, grave et grinçante :

— Qui ose troubler mon sommeil ? Partez avant que je vous…

— C'est pour une affaire, le coupa Edward.

Un silence. Puis de drôles de bruits, comme si on marchait avec des casseroles accrochées au corps. Et la porte s'ouvrit.

Une armure de métal sombre, rouillée et réclamant avec assurance un surplus d'huile, se tenait face à lui. Du haut de ses deux mètres et demi, le casque de ce gigantesque locataire cachait des ténèbres seulement éclairées par deux yeux jaunes, brillant comme deux gemmes à l'éclat mourant. L'armure grinça en bougeant, approchant son « visage » de celui d'Edward, qui resta impassible.

—…, et elle continua de l'observer, avant de ricaner : Tu m'as fait peur ; j'ai cru que c'était le concierge !

Edward sourit.

— Content de te revoir, Zion.

—De même ! Je t'en prie – et l'armure s'écarta – j'ai préparé un glagoui de premier choix !

Edward passa le pas de la porte, et en effet, l'odeur du glagoui envahissait la maison, une sorte de mélange de brûlé et de rouille. Même si l'appartement était aussi délabré que l'extérieur, il était très bien tenu. Dans ses souvenirs, il y avait beaucoup de meubles car Zion les appréciait par dessus tout. Cependant, il n'y avait plus que les installations pour son… « travail » qui prenaient du volume.

— Tu as repris du service ? demanda-t-il en s'asseyant sur un fauteuil tandis que Zion lui apportait une assiette de glagoui.

— Eh ! Il faut bien faire tourner la machine, expliqua l'armure mouvante en se posant à son tour sur un autre fauteuil en face d'Edward. Mais j'ai eu un peu de mal à redémarrer la machine ! ricana-t-il en frappant son torse, qui résonna comme un gong.

Edward sourit, et dégusta son glagoui ; si il y avait une chose qui n'avait pas changé, c'est que Zion était toujours aussi mauvais cuisinier… Mais quand on ne possède pas de langue, c'est assez normal de ne pas réussir dans ce domaine. Il reposa son assiette, et Zion l'observa ; les expressions faciales ne pouvaient s'appliquer à lui, mais le skaldnjol sentit qu'il était préocuppé.

— Tu te doutes du pourquoi de ma présence, devina-t-il.

— Oui… Et non, concéda l'armure. Je pensais bien sûr que tu reviendrais, sans savoir quand. Et je savais pourquoi tu aurais besoin de mes services...

Zion reposa son assiette, et reprit :

—… et c'est non.

Edward soupira. Bien entendu, il avait prévu que cette boîte de conserve n'accepte pas d'office de lui offrir son aide. Il se leva, et marcha jusqu'à la fenêtre : dehors, il faisait nuit, comme toujours depuis des millions d'années. Mais la ville était toujours aussi bien éclairée, et on pouvait voir les créatures de la nuit sortir des bars en rigolant, soupirer après une bonne journée de travail, ou discrètes pour échapper à la Milice Terrible.

— C'est toujours aussi décadent, commença le skaldnjol. Et personne ne se rend compte à quel point ce monde est mort.

—…C'est le principe, non ? hasarda Zion, confus par les dires de son invité.

— Le monde doit changer, Zion, continua-t-il comme si il n'avait pas entendu la remarque. On doit le transformer de l'intérieur pour que les autorités se rendent compte du mal qu'ils font à leurs habitants.

Il se tourna vers Zion, et celui-ci tressaillit ; ce qu'il voyait, bien entendu, ça n'était pas le skaldnjol plein d'espoirs et de rêves parti sur Terre pour s'amuser et découvrir de nouvelles choses. C'était Kor'Al'Tain, le MarcheSoleil, le seul de sa race à pouvoir braver les rayons du destructeur ardent.

— J'ai besoin de toi pour initier cette transformation (et Edward s'approcha de la table soutenant le nécessaire d'alchimie), et si ça capote, tu pourras faire ce que tu souhaites, car personne ne sera jamais au courant de ce que tu as entrepris.

Zion aurait voulu lui demander comment il en était aussi sûr, mais le regard acéré d'Edward lui fit directement comprendre le « comment ». Cependant, l'armure mouvante répondit :

— Je sais que j'ai une dette envers toi, mais tu m'en demandes trop : ce n'est pas une bête transmutation, ni une hybridation. C'est un acte de pur déni envers la vie elle-même !

Edward sourit, son visage blafard éclairé par les quelques lumières lui donnaient un air de faucheuse.

— Mais nous sommes les Engeances des Ombres ; si la vie amène à la mort, nous façonnerons la mort pour engendrer la vie.

* * *

*Ugo

— Bien, vous allez me donner ce que je demande sans plus tarder, si vous ne voulez pas que j'extermine chacun d'entre vous.

Les habitants du village Iiklo'atkta regardaient cet homme avec effroi, dont le visage était constamment déformé par la fureur. Derrière lui, leurs maisons étaient en feu, et tous leurs guerriers et guerrières avaient été massacrés par ce vindicateur. Aucun d'entre eux n'avait pu le toucher, comme si il pouvait prévoir tous leurs coups. Pour les massacrer, il avait juste collé une sorte de bille de métal sur le corps, et ils avaient ensuite explosé.

Le chef du village était le dernier homme debout, trop vieux pour pouvoir tenir une arme. Cependant, il se tenait fièrement entre cet inconnu couvert du sang de leur peuple et le reste des habitants trop faibles pour combattre. Comprenant que cet être cherchait quelque chose : d'un ton qu'il voulait pacifique, il dit :

— Je ne sais pas ce que vous cherchez, étranger, mais vous ne trouverez rien d'autre ici que des personnes qui souhaitent vivre en paix avec la nature.

— ENCORE VOS PUTAINS DE SORNETTES !!! hurla-t-il, provoquant la frayeur des jeunes enfants. L'inconnu reprit : Je sais que la prochaine Liqueur de Vérité se trouve ici, alors vous allez m'y mener avant que je m'occupe aussi de votre cas.

Laï-caeur déou Vairitai ? La langue de cet inconnu était impossible à comprendre, son accent écharpé comme les fruits qu'ils grattaient pour récolter leur précieuse pulpe. Mais le chef avait entendu que ce mot sortait plus que les autres. Est-ce que… ? Si cet étranger était à la recherche du trésor ancestral, il fallait à tout prix l'arrêter !

L'ancien se tourna vers les enfants ; certains d'entre eux avaient le Don, et ils pourraient l'aider à arrêter cet étranger. Il leur demanda de suivre ses instructions, et l'envahisseur entendit leurs messes basses, et se courrouça de plus belle :

— Qu'est-ce que vous baragouinez ?

L'ancien se tourna, et leva ses mains, comme tous les enfants à qui il avait parlé : leurs mains s'illuminèrent, et des flammes se formèrent devant leurs paumes, avant de filer en un coup de canon vers l'étranger. Quand elles atteignirent leur but, elles explosèrent avec fracas, et ceux qui ne possédaient le Don hurlèrent sous le coup de la peur.

La fumée et la poussière d'après coup empêchaient de voir quoi que ce soit, et l'ancien tomba à genoux, soutenu par les jeunes ; il avait dépensé tout son pouvoir. Mais c'était suffisant, l'étranger, qui pourrait-il être, ne serait pas mesure de combattre le D…

— Vous avez osé… grinça une voix derrière lui.

Il se retourna.

L'étranger n'avait aucune brûlure, aucune égratignure. Il le regardait avec un air dégoûté, comme un enfant Iiklo'atktain regardait une larve Tss'arki se balancer au bout son fil. Le tueur leva le poing, et décapita la tête d'un enfant.

Sous le regard terrifié du chef, l'inconnu massacra femmes et enfants, sans que personne ne puisse faire quoi que ce soit. Certains Doués avaient encore du pouvoir en eux, et tentèrent de faire une attaque groupée qui aurait pu émouvoir l'ancien si la situation n'avait pas été aussi dramatique. Cette fois, il vit pourquoi l'étranger avait réussi à éviter leurs pouvoirs : il sembla s'effacer, et réapparut devant les enfants, les décapitant d'un coup de poing. C'est alors qu'il remarqua que le corps du tueur était couvert des pièces métalliques, de jointures et d'engrenages qui coulissaient, grinçaient et s'entrechoquaient pour le faire bouger plus vite, plus fort. Un guerrier de métal.

L'étranger décapita le dernier enfant, un bambin pas plus vieux qu'un printemps. Horrifié, le chef du village recula tandis que ce monstre s'approchait de lui, tranquillement, comme si c'était un de leurs chasseurs qui revenaient après une longue journée de labeur. Le vieil homme buta contre le mur extérieur d'une maison, et fut paralysé devant le regard calme et froid qui plongeait dans son âme.

— Taleasin !

Le vieil homme vit que l'inconnu avait appelé sa bande, menée par un géant aux cheveux de couleur flamboyante, et aux appendices auditifs pointus. Il était accompagné d'êtres que le chef n'avait jamais vu, certains ressemblant plus à des animaux qu'à des Iiklo'atkta.

— Tu peux plonger dans sa mémoire pour voir ce qu'il en est ?

Le géant acquiesça sous les paroles incompréhensibles de l'étranger, et s'approcha de l'ancien, qui ne put reculer. Il s'accroupit à côté de lui, et le vieillard put constater la tristesse dans le regard cet être, qui lui dit dans sa propre langue :

— Pardonne-moi.

Il plaça ses mains sur les tempes du vieil homme, et celui-ci sentit son esprit envahi par la volonté du géant, qui écrasa son esprit pour voler ses souvenirs.

* * *

Ugo, sur le pont du vaisseau spatial, regardait la fiole qu'il avait trouvé : celle-ci ressemblait à une petite jarre en terre. Respirant calmement, il la brisa entre ses doigts. Le pouvoir de la connaissance, qui s'était personnifié dans cette jarre, tenta de le ronger, avant d'être abbatu par la volonté titanesque du porteur. Vaincue, l'entité du savoir fusionna avec celle déjà présente dans son corps, et Ugo accéda à toutes les connaissances du monde qu'il avait visité.

Il cligna des yeux pour chasser les images qui tentaient de l'envahir, et vacilla.

— Tout va bien ? lui demanda Taleasin, aux commandes du vaisseau aux côtés de Finch, qui prenait manifestement son pied à conduire un tel engin.

Ugo acquiesça, et regarda la vitre du cockpit : ils utilisaient la puissance gravitationnelle de la planète comme une fronde, pour aller à leur prochaine destination. Et c'était comme ça depuis 7 ans, d'après la montre qui cliquetait toujours à son poignet. De planète en planète, ils débarquaient, cherchaient la Liqueur de Vérité, et repartaient.

Soudain, il reçurent un appel venant de la Générale Maghla Aslaug. Ugo indiqua à Taleasin qu'il fallait décrocher, ce que fit l'Aed Seid ; un visage de femme à la peau bleutée, possédant des cornes en guise de cils, parla :

— Monsieur Gap ! Comment s'est passée votre dernière escarmouche ?

— On en a chié, répondit-il en haussant ses épaules. Mais on a réussi à trouver ce que vous cherchiez.

Il sortit un objet de sa poche : une sorte de boussole ouvragée, qui pointait dans une direction malgré l'absence de champ magnétique.

— Formidable ! s'exclama Aslaug. Le Conseil Galactique tiendra donc sa promesse, et pourra écouter votre proposition. Mais j'espère qu'elle en vaudra la peine.

Ugo sourit de toutes ses dents ; il allait enfin obtenir ce qu'il désirait le plus au monde.

Croyez-moi, générale. Une fois que le Conseil m'entendra, ils ne voudront pas refuser une proposition aussi juteuse.

FIN… ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Reydonn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0