Ce photoréalisme seul l'appelait. Sans compter qu'il adorait les films d'apocalypse zombie. Pour finir de le convaincre, le mail contenait toute la documentation dont il avait besoin. En explorant les pièces jointes, il trouva toutes les preuves légales de l'existence des lieux, l'organigrame, et ce qu'ils lui proposaient. Les messages aussi propres et professionnels se raréfiaient.

Il trouva aussi l'explication du rendu réaliste de la décomposition accélérée du présentateur. Tous les employés portaient un maquillage constitué de nano-billes, gérées par un locigiel qui modifiait leur couleur et leur positionnement. Erwin releva d'ailleurs qu'ils se fournissaient auprès du géant de la nano-technologie actuel, ce qui garantissait une qualité rendant leur invitation plus alléchante encore. Il se souvint des derniers films, et des résultats obtenus en diminuant les effets spéciaux post-production grâce à cette nouveauté.

Plus loin dans l'appartement, il entendit În'ga jouer et griffer les murs dans son excitation du jeu.

Vint la cerise sur le gâteau. Ils lui offraient l'avion, et lui proposaient même un séjour à l'emploi du temps déjà prêt, qui lui permettrait non seulement de tout tester, mais aussi de prendre le temps d'en profiter personnellement, un luxe fort appréciable. Une semaine dans chaque pôle, et le meilleur pour la fin : deux semaines d'immersion en territoire zombie. Certainement qu'ils achetaient des cookies, ils lui proposaient précisément un scénario basé sur le monde tel que le voyait la secte de la Lame de Rubis, organisation omniprésente dans l'Histoire de Centrale.

Ces fanatiques passionnaient Erwin depuis toujours. Leur groupuscule ressuscitait une fois tous les deux siècles, et y laissait toujours une trace via ses partisants, qui donnaient l'impression de vivre dans un autre monde. Alors que tout un chacun savait la planète concave, limitée par de la brume impénétrable, où vivaient les humains seuls depuis toujours, les membres de la Lame de Rubis juraient que d'autres continents existaient sur une planète ronde, où vivraient elfes, dragoniens et licorniens. Mieux, que tout ce beau monde détiendrait des pouvoirs, et voyagerait à dos de licornes et de dragons. Quelques squelettes de dinosaures servaient par ailleurs souvent à étayer leurs fantasmes. Sans compter quelques malformations qui pour eux représentaient autant de preuves d'hybridations passées, comme certaines formes de scléroses donnant comme des bulbes d'écailles aux personnes atteintes, ou des iris de couleur tirant sur le jaune ou l'orangé, traces de pigmententations inhumaines selon leurs dires. La manière dont ils tordaient la science à leurs croyances fascinaient le testeur depuis longtemps. On lui proposait ce soir-là d'évoluer avec des imitations de ces êtres de légende, très présents dans la pop-culture.

Non contents de croire en la magie et aux non-humains, ainsi qu'à un monde "caché" au-delà de la brume, les membres de la Lame de Rubis souhaitaient promouvoir l'eugénisme, et éliminer aussi bien les "chimères" que les populations atteintes de diverses maladies génétiques. Cela faisait sourire Erwin. Grâce aux évolutions scientifiques, la majorité des embryons restait viable. Par conséquent, la quasi-totalité de la population souffrait de mille et une malformation et maladie génétique. Céder à cet engouement reviendrait à annihiler l'humanité, pour un idéal assénant sa volonté de "chercher le meilleur pour le Genre Humain". Dire que leurs idées se popularisaient tous les deux siècles, avant de disparaître dans l'hémoglobine !

Parc'o'zombi proposait deux semaines d'immersion en grandeur nature dans cet univers, rendu réaliste grâce aux dernières innovations en maquillage. Il explora les photos des acteurs qui s'entraînaient, et devait reconnaître que tout était bluffant de réalisme, rien ne permettait de douter de la véracité des acteurs en décomposition qui évoluaient sur l'écran. Dire qu'il ne s'agissait que d'entraînements. Il accepta sans plus hésiter dès qu'il sut que sa panthère pouvait l'accompagner, charmé par l'idée. Décidément, ce parc ouvrait en grandes pompes.

Erwin annula ses quelques rendez-vous médicaux prévus sur la durée de son test, et prépara ses bagages. Pour tout organiser et préparer În'ga, il lui restait cinq jours. Lorsqu'il s'absentait, l'IA endormait sa panthère à l'aide de queluqes sédatifs, afin qu'elle ne meure pas de manque d'affection. Pour une fois, elle pourrait découvrir un coin de paradis.

Les quelques offres qu'il éplucha ensuite ne trouvèrent pas grâce à ses yeux. Parc'o'zombi le faisait jubiler. C'est avec bonheur qu'il activa sa couette en nano-robots de carbonne, afin qu'elle l'entoure comme un doux cocon dès qu'il s'allongerait dans le lit.

À huit heures tapantes, le lendemain, ses hologrammes laissèrent percer le soleil, en dirigeant la lumière sur son visage. Aveuglé, il se tourna dans l'autre sens. Peine perdue. Son mur écran ouvrit une nouvelle percée pour laisser l'ennemi du sommeil passer. Poursuivi par le rais, chassé de son lit par la température croissante, il se leva en bougonnant.

Au terme des cinq jours, il était fin prêt. În'ga portait un sa-à-dos sur-mesure, construit expressément pour son premier voyage, contenant sa nourriture lyophilisée, et se frottait à tout ce qu'elle pouvait pour s'en débarrasser, au grand amusement de son maître, lui-même chargé d'une grande valise pour cinq semaines. Plusieurs fois il avait vérifié l'intégralité de ses médicaments nécessaires à sa survie, ainsi que la présence de pharmacies à Parc'o'zombi. Nombre de ses rêves pourraient se réaliser là-bas. Assis à côté de sa panthère qui attirait de nombreux regards envieux, il jubilait, aussi bien durant le trajet en taxi qu'en avion super sonique.

Quelle belle invention que ces sièges adaptés à la morphologie de leur utilisateur. Sans rien programmer, Erwin put changer celui de sa partenaire en fabuleux coussin. Vingt minutes plus tard ils atterrissaient.