Discours pour la présidence (Lamartine)
Janvier 2021
L'orateur représente Alphonse de Lamartine en décembre 1848. Il a donc une écharpe représentant son ancien mandat. Il s'apprête à prononcer son discours de campagne, face aux autres candidats.
Eclaircissement de la voix, le silence se fait.
Nation française ! Libre peuple de France !
Il y a neuf mois, je me présentais à toi, en ce moment où tu t'émancipais de l'oppression dans la fraternité pour défendre tes vraies couleurs et principes face aux oligarques. Tu me choisis après comme celui qui devrait faire renaître ta République, et j'accepta avec honneur et humilité la lourde charge de te protéger contre tes ennemis extérieurs et les séditieux intérieurs, et de donner une Loi solide et des institutions fortes à ta démocratie.
Je me présente aujourd'hui devant toi pour continuer à faire vivre à travers ces mêmes institutions que nous avons créées ces idéaux, à qui par déjà trois fois tu as affirmés être attaché, que nous nommons République et démocratie. Mais non pas, comme le voudrait certains, une République despotique, où ils t'ôteront, comme ils l'ont déjà fait, ta liberté récemment reconquise au nom d'un ordre fictif et d'une sécurité contre des complots inexistants, ou comme telle est la volonté d'autres, qui, en se prétendant représentant du peuple, ne représentent qu'une partie des Français, qui en croyant défendre les prolétaires ne défendent que la cause oligarque, cette volonté, donc, d'une République ne ferait que t'asservir aussi sûrement qu'un despote le ferait.
Non ! je rejette ces républiques malsaines et ces fausses démocraties ! Et tu devras les rejeter comme moi, car elles sont le symbole d'un peuple naïf, faible et opprimé !
Au contraire, je souhaite continuer à construire une République créée par le Peuple unie de France, pour le Peuple et au nom de la grandeur de ce peuple, cette République qui resplendira à travers ses trois couleurs de liberté, d'égalité et de fraternité.
Ainsi j'ai garanti et je continuerai à garantir qu'aucune de ses valeurs ne prennent le pas sur l'autre, ce qui n'est pas moins mauvais que leur disparition : pour que le bleu de la liberté jamais ne devienne l'asur impitoyable brillant de la guillotine permanente, pour que jamais le blanc égalitaire devienne le blanc de quelques uns, travaillant pour eux, et non pas pour la Nation, et, enfin, pour que jamais le rouge du sang versé par la Nation et pour la Nation ne devienne le brun de la loi martiale meurtrière. En te garantissant ces valeurs inscrites en lettres d'or sur notre nouvelle Constitution, je t'assurerai en même temps les moyens de vivre paisiblement et stablement. Certains imposteurs t'affirmeront que la République, c'est le chaos et la révolution... la guerre enfin ! Moi je dis non ! la République c'est la stabilité et la paix.
Car la démocratie, notre démocratie, est un régime pacifique et de prospérité.
Je dis pacifique, parce qu'une guerre menée pour une gloire éphémère de quelques Césars ou Napoléon est toujours une dictature, une tyrannie, tournée contre les intérêts du peuple, contre tes intérêts. D'une main, ces despotes envoient tes enfants se battre pour l'honneur d'un Prince, et non pas pour celui de la Nation, tandis que, de l'autre, ils t'affament sur ta propre terre pourtant fertile, pillent le fruit de ton labeur et te forcent à produire toujours plus pour leurs appétits gigantesques. Au contraire, notre République n'a eu de cesse, depuis ces derniers mois, de renforcer sa position en Europe, depuis mon ministère, dans le sens d'une coopération pacifique et européenne. Cependant la naïveté n'est plus, et je plains la puissance qui oserait t'attaquer sur ton propre sol, car elle aurait à subir le génie martial français qui, décuplé par la juste cause de la défense de la Nation, ne saurait connaître de défaite : mourir pour la Patrie, c'est le sort le plus beau !
Je dis aussi : prospérité, car la République ne saurait aller à l'encontre de tes intérêts, car ils sont les siens ! Elle ne peut que garantir la prospérité du peuple entier, sans quoi elle aurait perdu sa légitimité, sa raison d'être : elle serait déchu en un mot. Ainsi, la République veut dire : développement de notre système ferroviaire, investissement pour et dans le progrès de la Nation, stabilité des cours, liberté de l'entreprise et de l'investissement, mais aussi droit à un travail, assurance d'une juste rétribution et diminution de la charge horaire. En effet, la République, étant prospérité, ne peut se limiter à aider une partie de la population, à favoriser une portion de la Nation, fut-il pour des nobles intentions, qui sont celles des aristocrates ou celles de la cause ouvrière.
Voilà en quelques mots ce qu'est la République que nous avons fondée et que je continuerai à porter.
Ce projet rassembleur est celui que tu as choisi il y a neuf mois en choisissant son drapeau.
Français, accordes-tu aujourd'hui encore ta confiance en ce projet ? Ou préfereras-tu de te laisser être gouverné par des étrangers qui, non content d'avoir tenté d'attenter à ta stabilité plusieurs fois, veulent désormais t'asservir au nom d'un nom qui n'a de sens que dans les livres d'histoire ? Ou alors, préfereras-tu, à la République unique, un despotisme social ?
Voilà enfin ton vrai rôle, Nation ! Pour la première fois, tu choisireras qui te dirigera en ton âme et conscience et personne ne pourra s'y opposer.
Moi, Alphonse de Lamartine, ancien chef du Gouvernement provisoire et ministre des Affaires extérieures, me propose comme candidat à la première élection présidentielle française.
Pour que vive la France, vive la Constitution et vive la République !
Applaudissements.
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