Noyade en folie.
Ce qui avait précipité les flics de Pontarier ce matin-là, ce ne fut pas la mort à plein nez, ce fut plutôt pour le grand nettoyage. Ceux qui s'étaient réveillé avec l'impression de ne pas être encore suffisamment reposés étaient encore en pyjama, dans la voiture de service, au coin d'une rue bordée de vignes et de champs. Même si Helmisain n'était pas tant habité, il y avait tout de même une bonne dizaine de milliers de gens qui s'étaient réunis autour du massacre : deux morts, noyés et égorgés, dans les plinthes obscures d'une grotte. Les catacombes du diable, avait rétorqué un habitué. Mais ce qu'on ne voyaient pas à travers la carrière du site, c'était la présence d'une mauvaise aura que l'on aurait de toute façon jamais remarqué sans la présence de dix flics et treize-mille-six-cents personnes devant la grotte.
- Eh ! bien, dites-moi, c'est Letharface qui est passé par là ou bien Jack L'éventreur ? Je ne vois pas trop la différence sur cette scène de crime, répondit ironiquement Dany Loublier avec une dose de complaisance.
Un inspecteur du service à Reynold, le divisionnaire big boss des gendarmes de Helmisain à Pontarier. Il s'approcha, incrédule, vers les dégâts causés par la tempête de son qui avait déformée le site. Les flics de la Scientifique avaient déjà recouvert les lieux de banderoles jaunes et les gyrophares du Trafic bleu reflétaient la beauté du sol.
- Quand a-t-on découvert les corps ? demanda-t-il, sérieux, suivant du regard la longue ligne sanglante le long de l'herbe.
- Ce matin, à deux heures du matin, répondit un scientifique en blouse de lapin, un voisin paysan qui a perçu des sons étranges. Il semblerait qu'on ai trainé sur des mètres les corps pour pas qu'on les retrouve...
- Si les tueurs de cette ville ne nous volaient pas la vedette...
Dany Loublier, la trentaine, lunettes de soleil sur des bouclettes blondes, une vraie tête brûlée ce mec. Il avait vu des choses durant son service, des choses inimaginables : des meurtres, massacres en abattoir, des cambriolages semblables à Verdun et même des tortures insatiables dans le Nord. Mais jamais une aussi moche création de la part d'un monstre tout droit débarqué du Lochness. Il pouvait tout imaginer, sauf la gloire d'un tueur noyé comme on avait signalé dans le voisinage.
"C'est possible, une telle mise en scène ?".
La pluie ne battait plus depuis des heures mais le quartier ressemblait vaguement à un film d'horreur tiré dans le brouillard. Le ciel était ombrageux tout comme la ligne rectiligne qui longeait la route. Une grande fosse profonde avait été creusée, dans l'unique espoir de s'ouvrir aux morts. Mais cela suffisait tant pour démasquer des horreurs inhospitalières de la ville ?
- La fosse...
- Ouais, des gens de la Scientifique qui ont voulu atteindre les plainthes : un rocher a barré le passage, impossible d'atteindre le sous-sol, si ce fut tant facile ! répliqua le flic en blouse, désobligé par l'avenir.
- Les cons !
Qui ? Why ?
- Mais les flics !! Ils ont bloqué un si bon passage !!!
- Vous ne suivez pas, inspecteur : on ne peut pas passer au sous-sol sans une foreuse, et donc, ainsi, tout nous est barré !
Merde, se dit l'inspecteur Loublier. Il pointa son regard sur le sommet de la grotte. Des inscriptions illisibles, des traces éventuelles de sang. Mais quel massacre avait eu lieu dans cet endroit, même mieux : qui l'avait commis ? Il ne saurait que quand il aurait plongé là-dedans, mais pour c'a, fallait attendre les Gore-Tex et les gants de Latex des équipes Scientifiques de la côte ouest. Vingt ans qu'ils poireautaient tous sur ce trou paumé, jamais fréquenté d'ailleurs.
Soudain, un vieux van Ford couleur rouille se planta devant l'herbe hérissée, les policiers inclinant leur tête comme des caméras inverses, puis une bonne grosse équipe de TV réalisateurs se postèrent devant le massacre, d'autres piétinant les corps sous les bâches. L'heure TV News, quoi. Un mec prit sa caméra et scruta avec le flic de Pontarier, Loublier, même ses parties intimes par ailleurs...
- Monsieur, comment pouvez vous nous justifier cette scène de crime en massacre ? demanda-t-il intrigué.
- Eh ! bien...
Même si Loublier déplorait les perpétuelles visites des équipes de TV show omniprésentes dans la vie des télespectateurs, il admirait la façon de comment on maquillait la scène d'un simple débat qui finissait en un oubli catégorique.
Si les journalistes n'avaient point existé, on serait encore à se demander pourquoi on tue.
Mais si la télé n'avait jamais existé, tout serait bien organisé dans le monde.
- Eh ! bien, la victime -les victimes, notez-le bien- a été d'abord traumatisée par un quelconque individu qui l'aurait ensuite étranglé et laissé pour mort. Ce qui intriguerait mes équipes, surtout le légiste en question, la victime avait une importante quantité d'eau dans la gorge qu'elle a vomie au cours du meurtre. Tout c'a se déroulant approximativement à minuit-une heure, dans une atmsphère plutôt aberrante, sombre...
Loublier racontait, le journaliste notait. Il s'emparait d'informations pour explorer l'insulte humaine. "l'erreur est humaine" qu'ils disaient, non, "l'erreur est humaine, pas l'envie".
Malgré tout, comme on ose dire dans les encyclopédies de l'âge, l'erreur est catégoriquement l'espoir des écrivains et des jeunes, globalement.
- Alors c'est super tout c'a, mais ce que nos spectateurs aimeraient savoir, c'est hum...la façon de comment on a pu étranglé à l'eau une aussi jeune personne ?
Noyade en folie...C'est super c'a, mais le détail fit frétiller Dany Loublier dans tout son ensemble. Il avait compris, vive Reynold et ses employeurs ! Putain, j'ai compris !
Noyade en folie...
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