Pillages

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Sven portait à nouveau ses armes et, accompagné de ses amis, se dirigeait vers le port de Drakenvik ou Thornald et son équipage se préparaient à embarquer. Ce dernier l'accueillit avec un large sourire, leur différent à propos de Hans qui remontait à trois semaines semblait bien loin.

— Alors, fit Thornald. Tu t'es décidé à nous accompagner ?

— Oui. Tu me l'as proposé et père pense que c'est une bonne idée... Que ça me donnera l'occasion de m'endurcir à ce qu'il dit.

— Et tes amis ?

— Ils restent. Je m'en tiens à notre accord : Hans n'a rien à craindre tant qu'il reste loin de chez moi, même à Drakenvik. Mais s'il rôde autour de chez nous, Orgolf s'occupera de lui.

— A propos, ou se cache-t-il donc ? demanda innocemment Harmin.

— À l'écart ! répondit Thornald. C'est tout ce que vous avez besoin de savoir. Ainsi, s'il lui arrive un accident, personne ne pourra vous accuser d'avoir commis un crime honteux... un crime que je serais obligé de laver dans le sang. Mais je suis certain que ce n'est pas votre intention, alors n'en parlons plus et laissons Hans là ou il est.

Un rire cristalin se fit entendre.

— Et toi, Galdlyn, qu'est ce qui te fait rire ?

— Je me souviens de ce que tu as dit l'autre jour, répondit l'interpellée. Lorsque tu as présenté Hans au banquet de Hjarulf: « Voici un guerrier comme vous n'en avez jamais vu ! ». Sur le moment, j'ai pensé que tu exagérais mais finalement, c'était très juste.

— Je ne trouve pas ça drôle, soupira Thornald. Allons, depêchez-vous d'embarquer. Helketer et ses hommes sont déjà prêts. Sven ! Tu tiens la barre avec Höder, il t'expliquera ce que tu dois faire.


* * * * * *


Chroniques de l'Abbaye de St Jorick

De la fureur des hommes du nord, protégez nous Seigneur,

Nous pensions être à l'abri de toute mauvaise surprise. Nous avions tort. Il faut dire que nous avions pris des précautions, la côte était régulièrement patrouillées et il y avait des postes de guet toutes les trois lieues avec un observateur chargé de corner à chaque passage de navire suspect. Et ce système s'est par le passé révélé efficace car, à plusieurs reprises les années précédentes, des vaisseaux pirates ont été aperçus et l'alerte a chaque fois a été donnée à temps.

Cette fois-ci, les choses se sont passé autrement: Les navires barbares sont venus directement du large alors qu'une troupe arrivée par les terres a neutralisé les postes de gardes. Lorsque les guetteurs des postes voisins se sont rendu compte de leur présence, l'Abbaye était déjà en flammes et les pillards sur le chemin du retour avec leur butin et de nombreux otages.


* * * * * *


Deux hommes du nord étaient sur la route. Ou plutôt, un homme et une femme... Galdlyn en compagnie d'un guerrier hirsute.

— On ferait peut-être mieux de se cacher dans la forêt pour observer les passages. Si une troupe de cavaliers arrive, on ne les retiendra pas longtemps à deux.

— Si une troupe de cavaliers arrive, je les retiendrai toute seule... une faible femme ne peut faire peur à des guerriers, mais elle peut leur faire perdre beaucoup de temps.

— Faible femme ? répliqua le guerrier. Je ne vois pas de qui tu veux parler.

— Bien Ranulf, fit Galdlyn. On ne se connait que depuis quelques semaines, mais tu commences déjà à me connaître.

— Alors je résume, si nous apercevons des cavaliers, je file dans la forêt ou ils ne pourront pas me poursuivre, je corne pour prévenir les autres et toi tu les retardes ?

— C'est presque ça.

— Presque ? Qu'est ce que j'ai oublié ?

— Il y a trois cavaliers qui nous observent, là-bas... Approche-toi un peu.

Ranulf s'approcha.

— Je les vois, fit-il. Ils sont encore loin.

Galdlyn l'attrapa par le bras et le gifla violemment.

— Au secours ! Au secours ! hurla-t-elle. Sauvez-moi de ce monstre !

Ranulf se dégagea brutalement et pris la fuite dans la forêt. Galdlyn s'écroula et se laissa rouler de manière à occuper toute la largeur de la route.

Comme elle s'y attendait les cavaliers s'arrêtèrent à une dizaine de mètres d'elle. Le plus jeune d'entre eux portait une rutillante armure argentée, il était visiblement le chef du groupe.

— Qui êtes vous ? demanda-t-il.

— Je m'appelle Galdlyn, Monseigneur. J'ai aperçu des pirates débarquer et j'ai couru pour donner l'alerte, mais l'un d'eux m'a poursuivi et m'aurait certainement tué si vous n'étiez pas arrivé.

Le chevalier mit pied à terre et dégaina son épée.

— Ce qui est pur deviendra lumière et ce qui est impur se flétrira dans les abysses.

Le chevalier tira son épée, Galdlyn poussa un hurlement surraigü, Galdlyn se jeta sur lui, toutes griffes dehors.


* * * * * *


L'Abbaye était en flammes, personne n'avait eu le temps de réagir. L'alerte avait été donné une heure plus tôt. Les villageois des alentours s'étaient précipités dans les murs de l'abbaye. Pendant la cohue, la roue d'un chariot s'était brisée au moment précis ou il passait la porte, rendant impossible sa fermeture. Trois hommes d'armes s'étaient précipités pour le pousser sur le côté.

C'est à ce moment que le conducteur du chariot sortit une épée et abattit deux hommes avant qu'ils ne comprenne ce qui leur arrive. Aussitôt, d'autres guerriers surgirent du chariot et semèrent la panique parmi les occupants. De l'extérieur, d'autres hommes se ruèrent à l'assaut.

En une demi-heure, l'Abbaye fut prise. En une demi-heure, elle fut mise à sac. Les nordiques y auraient sans doute passé plus de temps si l'appel d'un cor ne les avait pas interrompu.

— On décroche ! cria Thornald. Galdlyn et Ranulf ont repéré du monde. Hicham ! prends deux chevaux et va les chercher.

Il répéta ce dernier ordre en Kytar pour être sûr d'être bien compris pendant que les hommes se ruèrent vers la sortie, emmenant leur butin.

Helketer sortit d'un bâtiment, poussant devant lui une jeune fille attachée et appeurée.

— Celle-là vaut certainement quelque chose. Il y avait dans sa cellule un coffre rempli de breloque en or et en argent... et un vrai miroir. On l'amène avec nous.

— Confie la à Sven, qu'il la conduise jusqu'à la rivière. Hrafn ! Fais le tour des cellules et regarde s'il y a encore quelque chose à prendre... et fais vite, on part tout de suite.

— A Sven ? fit Helketer en s'exécutant de mauvaise grâce. La voilà ! Si tu la perds en route, je t'arrache les tripes tout fils de Jarl que tu sois !

Sans répondre, Sven prit la corde à laquelle les mains de la jeune fille étaient attachées et attacha l'autre bout à sa taille. Puis il quitta l'Abbaye en compagnie de plusieurs guerriers chargés de butin.

— J'espère que tu sais ce que tu fais, ronchonna Helketer.

— Ouais, je le teste. Je veux savoir ce que ce gamin a dans le ventre.


* * * * * *


Au soir tombant, les deux knarrs étaient échoués sur un îlot proche de la côte. Les hommes du nord y avaient établi leur camp. L'endroit était inaccessible par la terre. Le seul risque d'attaque était par la mer et même si les bretons se risquaient à une telle entreprise, ils y perdraient l'avantage de leur redoutable cavalerie. Ranulf faisait son rapport.

— Elle m'a dit qu'elle les retarderait et elle m'a ordonné de partir. C'est ce que j'ai fait et j'ai donné l'alerte. Je m'attendais à ce qu'elle revienne aux bateaux par ses propres moyens.

— Cette bonne femme avait du cran, murmura Helketer. Elle nous manquera aux prochaines batailles.

— Ne nous emballons pas, fit Thornald. Nous ne savons absolument pas ce qui lui est arrivé. Elle a peut-être réussi mais elle a pu être retardée... A moins qu'elle n'ait profité de l'occasion pour faire une reconnaissance des défenses de nos adversaires. C'est une maligne, elle ne raterait pas une occasion pareille.

— Et si on s'occupait de notre butin ? reprit Helketer. On a quelques otages qui valent de l'or, on devrait les rançonner sur place et revendre les autres chez nous. Ou aux marchands du Kytar, il parrait qu'ils aiment bien les peaux claires. Ah, tu sais que je me suis renseigné sur notre captive ? Son père est un seigneur important, cette fille a de la valeur.

— Ouais, pour sûr qu'elle a de la valeur, murmura Thornald.

— Ecoute, fit Helketer. Je sais que tu t'inquiète pour ta guerrière rousse et personne ne te reprochera d'en pincer pour elle... Alors s'il faut perdre une rançon pour la récupérer, même la fille d'un seigneur, ben on le fera.

— Où est-ce que vous avez été chercher que j'en pinçais pour elle ? Elle fait partie de mon équipage et rien de plus ! J'ai pour principe de ne pas abandonner les miens, c'est tout !

— Elle n'est pas des nôtres, murmura Audrunn.

— N'insiste pas Helketer, fit Arnjolf. Il n'est pas encore au courant.

— Et de quoi suis-je censé être "au courant" ? rugit Thornald. Depuis quand mon second est-il mieux renseigné que moi sur les affaires qui me concernent ?

Pour toute réponse, Arnjolf se leva et quitta la tente.

— Viens ! dit-il simplement.


* * * * * *


L'air était frais, Arnjolf s'approcha d'un feu et fit signe à l'homme de garde de partir.

— Le capitaine et moi on a plein de choses à se dire, et l'aube sera levée avant qu'on ait fini... va dormir.

L'homme obéit sans discuter.

— Tu t'engages à la légère, fit Thornald en s'asseyant. Si ta conversation ne me plait pas, moi aussi j'irai dormir, et tu seras de garde jusqu'au matin.

— Je prends le risque, répondit Arnjolf.

— Alors je t'écoute: quel est ce fameux mystère dont je ne suis pas au courant ?

— Chaque chose en son temps, il y a une foule de chose dont j'ai envie de parler en privé avec toi sans en avoir jamais eu l'occasion. Ça risque d'être long.

— J'espère que tu n'as pas l'intention de remonter jusqu'à Tootsnaer.

— Tiens ? tu te souviens même de son nom ?

— Ouais répondit Thornald. Je n'ai rien oublié... Hjarulf disait toujours que l'événement le plus important dans la vie d'un guerrier, c'est le jour ou il tue son premier homme mais je ne suis pas tout à fait d'accord : pour moi, c'est le jour ou il tue son premier ennemi. Et mon premier ennemi, c'était Tootsnaer.

— C'était le meilleur pisteur que j'ai jamais eu et tu l'as égorgé comme on saigne les porcs... enfin, j'avais envoyé ma meute sur ta piste parce que je ne voulais pas que tu réussises ton épreuve du guerrier, tu as tué mon meilleur chien et tu as réussi l'épreuve, en respectant les règles... Mais sur le moment, je me suis juré de te tuer si j'en avais l'occasion.

— Mais douze ans plus tard tu ne l'as toujours pas fait... Tu as changé d'avis ou tu n'as pas eu l'occasion ?

— Pour ça, répondit Arnjolf, je préfère te laisser dans le doute. Mais ce n'est pas de ça que je voulais te parler. Tu avais promis de m'expliquer ce que l'Amiral Rachamas avait à voir dans l'attaque des trois knärrs de Siegfried.

— Ah oui, j'avais promis... ça par exemple, tu en as de la mémoire. Et bien figure toi qu'à la cour de Zalam, il y a deux clans qui se détestent vraiment, au point de régler leurs comptes avec du poison et des assassins. Normalement ça ne nous concerne pas, mais l'année dernière, on a sauvé un bonhomme dans le désert, il faisait partie d'un des deux clans, et comme nous avons été officiellement félicités pour l'avoir tiré d'affaire, l'autre clan nous en veut.

— Et Mafour fait partie de l'autre clan ?

— Pas vraiment... il est trop bête pour ça, mais il a marché dans la combine parce qu'il déteste les étrangers en général, et nous en particulier. Enfin, quelqu'un m'a informé de l'embuscade juste avant notre départ et j'ai eu tout juste le temps de neutraliser Mafour et d'inventer une histoire pour que Massay se décide à partir sans lui, parce que je ne voulais pas laisser à ce crétin de Mafour le temps de retarder notre départ jusqu'à son rétablissement. Le plus délicat, c'est que j'ai dû ensuite expliquer la vérité à Massay... enfin, juste une partie. Comme il venait de se couvrir de gloire et que je lui ai laissé les figures de proues des navires vaincus, il n'a pas posé trop de questions.

— Ah je vois ! Thornald le rusé a toujours une idée géniale pour se sortir des situations épineuses, Thornald le rusé a mis tout le monde dans sa poche et Thornald le rusé est toujours plus malin que tout le monde...

— Bah, je n'aime pas me vanter mais... il y a du vrai là dedans.

— Mais un de ces jours, poursuivit Arnjolf, Thornald le rusé se cassera la figure sur un de ses plans plus tordu que les autres, et je suis impatient de voir la tête qu'il fera.

— Trêve de compliments ! Maintenant que je t'ai révélé mes plans — et les dieux savent que je ne n'accorde pas cet honneur au premier venu —, tu vas peut-être me mettre au courant de cette fameuse histoire.

— Bof, rien d'intéressant comparé à ce que tu viens de me raconter. Enfin... mon père s'est marié deux jours après notre départ.

— Harik ? Et bien en voilà une nouvelle ! fit Thornald. Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? J'aurais retardé le départ pour que tu puisses y assister.

— Ben justement, Harik a attendu notre départ... parce qu'il épouse Svedra Haskellsdottir.

— Svedra ?

— Ça t'étonne ? Pourtant c'est une femme libre. Vous n'étiez même pas mariés.

— Oui mais tout de même... Comment ça s'est passé ? Pourquoi ?

— Très simplement, répondit Arnjolf. Harik lui tournait autour, elle l'a toujours repoussé, elle ne voulait plus d'un homme qui passe les trois quart de sa vie sur les mers. Mon père envisage de raccrocher depuis quelques temps, mais il hésitait. Comme Hjarulf a exigé que deux capitaines expérimentés restent à Drakenvik, Harik sera un des deux. Il a trouvé que c'était le bon moment.

— Et elle a accepté ?

— Oui, ça n'allait plus trop bien entre vous non ? Alors le jour ou elle t'a surpris avec la petite...

— Enfin, rugit Thornald. Il ne s'est rien passé avec la petite comme tu dis. Elle a eu peur à cause de ce qu'on lui a raconté après le banquet de Hjarulf et j'ai été la rassurer.

— J'en sais rien, j'étais pas là. C'était peut être un prétexte au fond. Et puis, tu n'as de compte à rendre à personne, tu fais ce que tu veux avec tes esclaves.

— Bon, laisse tomber... Donc Svedra et Harik se marient... et Helvorg, qu'est ce qu'elle devient dans tout ça ?

— Si tu veux la récupérer... À mon avis il te faudra une femme.

— Peut-être bien, mais certainement pas Galdlyn la valkyrie. De toute façon, ce n'est pas son genre de rester au coin du feu pour s'occuper des gosses, n'est-ce pas ? Mais j'y pense tout à coup, si Harik pose son sac, tu vas hériter de son navire ?

— Pas tout de suite, répondit Arnjolf. Il devra le garder pour protéger Drakenvik en cas d'attaque. Mais de toute façon, ça ne change pas grand chose. J'ai mis de l'argent de côté, j'aurai bientôt mon propre navire. J'ai consulté un oracle, il a été formel.

— Ah oui ? Il t'a prédit ça ?

— Oui. il m'a même prédit que je deviendrais capitaine le jour ou je me montrerais encore plus rusé que Thornald le rusé.

— Et bien il faudra que Sven apprenne à tirer à l'arc pour aller à la pêche, parce que le jour ou ça arrivera, les poissons voleront.

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