Euphorbion était à bout de souffle. Une nuit et une journée entières s’étaient écoulées sans qu’il puisse quitter la salle de bal, entraîné malgré lui dans seize gigues endiablées, douze bourrées, vingt-six branles et quarante-cinq farandoles. Il en était à sa dix-septième tentative d’évasion de la fête des korrigans quand un homme se glissa à son côté.

– Par tous les dieux ! J’espère que… vous êtes… l’envoyé… du Concile… venu me… délivrer ! ahana-t-il.

L’homme exécuta un petit bond et sautilla en rythme pour accompagner le mouvement.

– Exact. Archimage Vertulian le Mirifique, en mission spéciale mandaté par les douze… euh, onze sages.

Euphorbion poussa un glapissement.

– C’est un malentendu ! Le siège… d’archimage était… pour moi !

Vertulian haussa les épaules en tapant des pieds sur le sol et en frappant dans ses mains.

– Ne vous plaignez pas trop.

– Comment ? Ne pas… me plaindre ? Vous ne savez pas… ce que j’endure depuis… presque deux jours ! Un cuistre… a ensorcelé mes bottes ! Je suis entraîné… malgré moi… à un rythme infernal ! Et ces maudits Korri...

– Voyons maître Euphorbion ! Gardez votre calme. Vous allez nous attirer des ennuis. J’ai apporté votre sauf-conduit pour vous tirer de là.

Vertulian fit une grimace de dégoût en tirant un parchemin de son pourpoint. Euphorbion l’attrapa avec avidité.

– Qu’est-ce que c’est ?

– L’acte de rançon…

Euphorbion ouvrit le rouleau et lut :

« Nous, sages du Grand Concile Suprême de Bretagne, déclarons l’archimage Vertulian otage de sa majesté Kor Ki Du Galawen Gwenn Ki, prince des Korrigans, en échange de la libération du mage Euphorbion le Sémillant. Nous vous offrons en sus une semaine de danses sur le compte du Conseil, exécutées par notre dernier élu : l’inimitable seigneur de la branle, roi de la bourrée et maître de toute bombance – Vertulian l’Outrecuidant. Merci d’accepter l’échange en signe de l’amitié qui unit nos deux peuples. »

Euphorbion jeta un regard en biais à son homologue.

– Et encore, ajouta Vertulian, c’est rien à côté de la libération de Phalangstène… Après les Korrigans, J’ai trois cents vampires à aller dérider dans les terres du rêve profond…