COMBAT

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Aucune visibilité, seul le feu follet au bout de mon chapeau désépaissit l’inconnu et les quelques plantes photoluminescentes me permettent de me repérer. J’use seul de mes sens à ressentir les vibrations de la terre et tente de me concentrer pour situer le danger. Cependant, n’ai-je estimé qu’un buggan ? Une autre présence se dévoile sous mes pieds, aussi légère soit-elle, son aura, demeure discrète et méfiante tandis que le buggan creuse sa galerie. La course de ce dernier s’assoupit peu à peu, je pense que la distance qui nous sépare est suffisante pour anticiper une esquive. Mais cette nouvelle étrangeté m’intrigue. La flûte prête à accueillir mon souffle, j’inspire profondement, mais un tremblement brusque et imprévisible déséquilibre ma posture, m’empêchant d’agir. Mon manque de vivacité n’est pas à mon avantage. Une racine me prend au dépourvu, traverse l’épaisse couche du terrain, s’aggrippe à ma cheville, certainement pour me noyer plus en profondeur. Par sa force, ma jambe plonge et m’entrave dans le sol. Le buggan savait qu’il était repéré, il ne cherchait pas à camoufler sa position mais patientait pour tenter de me prendre comme proix au meilleur endroit.

- Rhaa sale plante vorace, tu n’étais qu’à peine enterrée!

Ma jambe me fait mal. Pendant que cette bête m’enfonce, ma priorité est de vaincre le buggan. La créature opportuniste se révèle, détruit la cachette dans laquelle elle s’etait enfuie, pulvérisant brusquement les roches qui l’avait constituée. Des projectiles et de la poussière filants m’aveuglent un instant.. seul mon bras pour me protéger de la puissance de l’explosion. Lorsque j’ouvre les yeux, la bête galope déjà d’une allure inquiétante en ma direction. Je n’ai plus le choix, sa gueule béante salivera bientôt à quelques centimètres de la mienne; je prends une profonde inspiration et emet une note stridente qui ricoche sur les rochers dénudés de la caverne, faisant de celle-ci une immense boîte de résonnance. Passagèrement assourdi, le buggan s’arrête net en secouant la tête et ses immenses griffes s’enfoncent dans la pierre sous la pression de ses membres crispés, mais une simple note ne suffira pas. Hélas, les vibrations causées par la flûte ont aussi pour effet de resserer l’étau végetal autour de mon tibia. Ce temps m’est précieux pour une fouille latente dans mon manteau en bazard, je dois les identifier à travers leurs étiquettes pendant que mes elixirs, philtres et serum variés s’entrechoquent. Jamais on me laisse une pause, j’attire les bêtes comme la poisse. Un soupir s’en va pour une balade.

- Voyons ce que j’ai là dans ce manteau délabré… serum de vérité, potion de metaferus, fiole de delirium, essences de rêves … fiole de jouvence !

En la voyant, je ne suis pris que d’un éclat de rire, l’idée de dompter la mordeuse de talon est un revers de situation qui m’amuse. Cette fiole conçue pour n’être débouché que d’une seule main me permet d’enchaîner avec ma flûte de pan pour distancer le buggan. Je verse le contenu devant moi, les racines de ce foutu carnitalus l’absorberont. Maintenant, récupérer quelques miettes de temps, ne pas trépasser sous les dents de la bête assomée. Cette fois je me méfie de lui, car il a compris... perdu dans sa confusion , il gratte sauvagement le sol pour éviter de peiner sous les effets de mon instrument. Mon corps est à nu, vulnérable au combat, ma posture est mauvaise, je range mon arme dans mon dos.

Cependant, l’étau de la lianne perd de sa prise ; elle rétrécit et rétrécira jusqu’à revenir à l’état de graine. De mon autre jambe je m’aide à m’extirper de ce trou, échappant in extremis à la gueule du buggan. Par instinct je profite de cet élan pour retirer ma cape et la lancer sur sa fourrure d’épines où elle s’y accroche. Entraîné par sa charge, le buggan se retrouve plus loin avant de freiner. Ainsi, je profite de ce court répit : je cours en direction des plantes photoluminescentes et en arrache quelques feuilles. Le voilà à nouveau, sa silhouette se précipite et montre une puissante détermination à finir sa chasse. Je l’attends de pied ferme me disant que je ne pourrais pas l’apprivoiser, quand il s’empêtre dans le sol et se met à trébucher. J’esquisse un sourire ; bien sûr, c’étaient les racines du carnitalus qui retenaient la terre et les rochers ensembles… Le tas de matériaux meubles abandonnés par la plante s’affaisse sous les quatre tonnes de buggan enragé. C’est lui maintenant la fourmi, prise dans un entonnoir de sable… Je le laisserai bien là, mais il finirai par s’en extraire et se remettre à ma poursuite. C’est bien ce qui fait de lui un si terrible prédateur, les buggans n’abandonnent jamais leur proie : ils la pistent à l’odeur des jours durant, et finissent toujours par s’en emparer. Je n’ai pas d’autre choix que de le tuer.

D’une marche assurée, je me place aux abords du creux, le regardant piégé. De là, je bondis de roche en roche brisée, l’animal me fixe et se débat jusqu’à montrer des premiers signes d’épuisements. Je profite de cette faiblesse pour déposer les feuilles sur mon manteau humide, et m’évade aussitôt . Le buggan semblait inquiet par mon action, assez éloigné de moi, il commence à gémir.. un spectacle très rare à assister. Les composantes chimiques secrétées par les feuilles au contact du liquide épongé par mon habit activent la subtance inflammable qui prend rapidement feu. Lors de ma fouille durant le combat j’avais pu remarqué les potions brisées, la stratégie improvisée méritait d’être tentée. Puis commencent les cris du monstre, résonnant dans la caverne, il agonise par les flammes dévoreuse qui progressent sur une grande partie de son corps. Mes contenants sont assez solide et fabriqués d’un matériaux qui les préservent face aux contraintes comme la chaleur. Honnêtement, ce n’est pas agréable d’observer un animal souffrir surtout jusqu’à que sa vie s’éteigne, hideux même. Après avoir attendu, à exercer ma patience, mon adversaire gisant sans vie est une occasion d’établir un camp, il sera ma source de nourriture, puis de lui arracher quelque matériaux et matières qui m’intéressent. Je m’attèle à le dépecer, premièrement par sa fourrure, j’espère récolter certains de ces organes avant de déguerpir. Après des heures à l’avoir vidé du contenu de son ventre, au centre de l’entonnoir sous l’immense cadavre, j’effectue quelques tatonnements dans la terre ensanglantée. Je soulève une dalle pour ramasser la graine rajeunie du carnitalus entre mes deux doigts. Grâce au sang de la bête infiltré dans le sol, la graine a germé. Je m’extasie devant le bourgeon. Pour bientôt la reprise du voyage : le tas de viande risque d’attirer d’autres soiffards, même si désormais l’odeur est imprégnée sur moi.

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