3 Novembre 2017 -10h05

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Hôpital de Sainte-Croix

Gabriel se réveilla pendant la nuit. C'était bien après la fin de mon service et j’étais profondément endormi à ce moment-là, mais je trouvais un message de Zoé sur mon téléphone en me réveillant. Gabriel s’était réveillé, il n’y avait pas eu de complications, il avait été transféré dans une chambre normale. En lisant ce message, je fus extrêmement heureux et soulagé, pourtant, malgré mon envie de voir Gabriel, je pris tout mon temps pour me préparer. Je me fis un solide petit déjeuner, je fis la vaisselle, je pris une longue douche brûlante, je me coupais même les ongles des doigts de pieds. Une fois toutes les excuses possibles utilisées, je me rendis enfin à l'hôpital. J’entrais dans le bâtiment d’un pas nonchalant, qui ne laissait pas trop percevoir mon, -état d'excitation intense. Vu le regard que me lança Sandra, une infirmière de bloc et très bonne amie, ce fut un échec. Je me précipitais dans mon bureau pour me changer et examiner les dossiers de patients. j'essayais vainement de me concentrer pendant une heure, puis voyant que j’avais à peine avancer dans mon travail, je cédais à la tentation et jetais un rapide coup d’œil au dossier de Gabriel. Comme Zoé me l’avait annoncé, tout était en ordre.

J'avais une visite de contrôle prévue pour quatorze heures ce jour-là, c’est à dire dans deux heures, et je n’arrivais pas à décider si j'étais heureux, anxieux ou je ne sais quoi, mais mon estomac faisait des drôles de galipettes. J'aurais pu aller voir Gabriel avant la visite, mais Sandra m’avait dit que sa famille était avec lui, et j’avais peur de déranger. je verrais Gabriel bien assez tôt de toute façon. Je fis donc un petit tour aux urgences pour me distraire et j'eus la joie de recoudre deux ou trois blessures, de me faire vomir dessus deux fois, par le même petit garçon atteint de gastro, et de charcuter une verrue de la taille d’un œuf, du pied d’un vieil homme atteint d'Alzheimer et ayant visiblement déjà oublié le sens du mot douche. Je soupirais d’aise en me lavant les mains, j’adorais les urgences.

Zoé m'attendait dans mon bureau en mangeant un sandwich, un dossier à la main. Elle ne leva même pas la tête en m'entendant entrer dans la pièce : elle avait l’habitude de squatter pour sa pause midi et sa présence ne me dérangeait absolument pas, c’était même plutôt l’inverse, bien que ce soit en pratique mon bureau, j’avais parfois l’impression de la déranger.

— C’est l’heure de ta visite pour Gabriel Blanc dit Zoé, le nom de famille suivant un peu en retard, comme si Zoé l’avait ajouté après réflexion. Pour prendre de la distance face au patient ? Ou peut être pour me rappeler ce fait. Je soupirais silencieusement.

— Oui répondis-je simplement.

Je changeais de blouse et ajustait ma cravate devant le petit miroir posé sur une commode, dans un coin du bureau. Je regardais ma montre et constate que j’étais déjà en retard. Je me saisi du dossier de Gabriel et me dirigeait vers la chambre de mon ami d’enfance d'un pas rapide.

J’étais tellement perdu dans mes pensées que je ne remarquais même pas les trois personnes qui s’approchaient, venant de l’autre cote du couloir. Ce n’est que lorsque j’entendis mon nom que je relevais la tête et vit Marie, Colline et une grande femme noire, d’une cinquantaine d’années et magnifique, qui me faisaient des signes de la main. Je les rejoignait et serrait la main des deux sœurs.

— Vous êtes là pour Gabriel, docteur ? me demanda Colline.

— En effet, on m’a dit que votre frère s’était réveillé et je voulais passer pour une visite de contrôle.

Colline se contenta de me sourire alors que la femme africaine me tendait la main à son tour en se présentant d’une voix rocailleuse :

— Je suis Dina Chevalier, Gabriel est l’un de mes meilleurs amis. Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous avez fait pour lui.

Je ressenti un léger pincement au cœur en l’entendant se présenter comme le meilleur ami de Gabriel. Bien que se soit idiot, Gabriel n’était plus mon meilleur ami depuis bien longtemps. Ne laissant rien paraître, je dis avec un sourire au lèvre et une fausse révérence :

— A votre service, mon bon monsieur!

Ma petite blague eut l’effet que j’attendais, faisant rire la famille de Gabriel.

Je laissais les trois visiteurs rentrer dans la chambre 503, prenant une minute de plus pour réajuster ma blouse et j’entrais dans la chambre. La chambre de Gabriel était comme toutes les autres chambres de l’hôpital. Des chambres au couleurs pastelles, avec des draps blancs et des murs nus. Des machines émettant des bips et des gargouillements à intervalles régulier. J’avais vu ces chambres des centaines de fois alors que je travaillais. Pour la première fois la chambre me paraissait belle et lumineuse.

Gabriel riait. Il avait la tête tourné vers Colline et Dina, qui lui racontait une histoire que je ne pouvais pas entendre. Et Gabriel riait doucement, avant de laisser échapper une vilaine quinte de toux. Colline se tourna vers la table de chevet pour saisir un verre d’eau lorsqu’elle m’aperçut. La jeune femme me sourit et lança :

— Doc !

Je m’avançait d’un pas vers le lit, ouvrant le dossier à la page des derniers examens de Gabriel et j’étais sur le point de saisir mon stéthoscope, que je portait autour du coup quand le voie de Gabriel me fit lever les yeux :

— A... Alexandre ?

Gabriel dut interrompre à cause d’une autre quinte de toux et je me dépêchais de m’approcher du lit afin de pouvoir écouter sa respiration. Gabriel ne fit aucun commentaire alors que je passais mon instrument sous sa chemise d’hôpital. Il ne me quitta pas des yeux une seconde, mais je ne dis rien et j’évitais son regard. Une fois rassuré par mon examen, je reculais d’un pas et Gabriel demanda de nouveau :

— Alexandre... C’est bien toi ?

Avant que j’ai eu le temps de répondre, Colline prit la parole :

— Vous vous connaissez tous les deux ?

J’échangeais un regard avec Gabriel avant de prendre la parole.

— En effet, je connais votre frère. Nous étions voisins lorsque vous habitiez à Nantes... J’avais l’habitude de vous gardez avec Gabriel lorsque nous étions jeune.

Colline dirigea son regard vers son frère, posant une question silencieuse.

— Pourquoi ne pas l’avoir dit la première fois que nous nous sommes vue ? demanda t elle. Sa voie était légèrement suspicieuse et l’un de ses sourcils était levé alors qu’elle me regardait de haut en bas.

— Je dois avouer que j’ai hésité... mais aucunes d’entre vous ne m’a reconnu et vous aviez assez à vous inquiété comme ça.

Avant que sa petite sœur ne puisse continuer son interrogatoire, Gabriel l’interrompit en posant une main sur son genou.

— Ne fais pas attention à Co’, elle est avocate et un chouia sur les nerfs.

Je ris. Gabriel me sourit.

Et puis l’instant pris fin quand Marie réapparu, son téléphone à la main.

Je me raclais la gorge et annonçais que j’avais encore deux où trois examens à faire, et j’expliquais en détails la suite des opérations.

Je comptais garder Gabriel pour deux semaines de plus à l’hôpital pour être sûre que tout était rentrer dans l’ordre. Ses blessures étant assez graves et comportaient des risques d’infections. De plus, selon les résultats du scanner du prévue pour le lendemain, il y aurait peut être besoin d’une autre intervention légère pour repositionner les os du poignet de Gabriel. Celui-ci et ses trois invité écoutèrent avec attention toutes mes recommandations, posant deux où trois question. J’informais aussi Gabriel que la police voudrait probablement lui poser quelques questions, procédure standard après ce genre d’agression. Une fois que j’eus finit mon petit discours, je restais debout près du lit, sans savoir quoi dire. J’aurais voulu poser mille questions à Gabriel, lui demander ce qu’il était devenu, connaître rien qu’un petit bout de lui maintenant. Me sentant un peu en trop dans la chambre sous le regard insistant et curieux des sœurs et de l’ami de Gabriel, Je finis par prendre congé. Alors que j’allais refermer la porte de la chambre derrière moi, la voix de Gabriel me fit m’arrêter :

— Alexandre... Si tu as du temps plus tard, tu pourrais passer? Je m’ennuie un peu tout seul ici, et on pourrais rattraper le temps perdu?

Les yeux de Gabriel semblait incertain. Comme si j’allais refuser une occasion pareille. Sans perdre une seconde et sans me soucier de paraître trop enthousiaste, je répondait avec un grand sourire :

— J’adorerais ça ! Je passerais te voir bientôt.

Et sur cette promesse, et une dernière vision du sourire incroyable de Gabriel, je refermais la porte de la chambre. Je ne pus pas m’empêcher de sourire du reste de la journée.

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