21 Mai 2018 – 14h17
Urgences de l’hôpital Sainte-Croix
Quand je tirais le rideau entourant l’un des lits de la salle des urgences, je fut plus que surpris de me trouver face à face avec Elisa Bozzio, la femme de Vincent. Je ne l’avais vu, ou plutôt aperçut, que deux fois auparavant. La première fois lorsque je l’avais surprise avec mon mari, les jambes écartées, assise sur la table de la cuisine, la tête rejeté en arrière, une expression d’extase sur le visage alors que Vincent la baisait sauvagement. Je ne m’était pas attardé ce jour là et j’avais directement tourné les talons, me réfugiant chez Zoé. La deuxième, je l’avais aperçut de loin, alors qu’elle attendait Vincent à la sortie du tribunal le jour ou le divorce avait été prononcé.
Aujourd’hui, plus d’un an après notre rencontre, elle se trouvait assise sur un lit, dans mes urgences, tenant un petit garçon sur ses genoux. Le fils de Vincent pleurait de toutes les larmes de son corps, une vilaine entaille sur le front. L’entaille était plutôt profonde et saignait abondamment. Je me remettait rapidement de ma surprise, et me présentait à Elisa Bozzio, avant de me pencher vers Mickael pour examiner la plaie. Une foie satisfait, je me tournais vers la mère :
_ Ca n’a pas l’air trop grave, mais votre fils va avoir besoin de quelques points de sutures. Comme il a reçut un choc à la tête, j’aimerais aussi lui faire passer un scanner et le garder quelques heures en observation afin d’être sure qu’il n’a pas de commotion cérébrale.
J’avais conscience que ma voie était un peu plus froide et cassante que nécessaire, mais je n’arrivais pas à m’en empêcher. Je demandais encore certains détails et demandais à Sandra, l’infirmière de garde, d’apporter un anesthésiant et un kit de suture. Je demandais aussi à Sandra de rester pour m’aider à tenir Mickael. Une fois l’anesthésie en plus, je commençais les sutures sans un regard en direction de la mère. Je parlais au petit garçon d’une voie tranquille, lui expliquant pas à pas ce que je lui faisais. Je ne pense pas qu’a un an et cinq mois, il compris grand-chose, mais au moins il semblait m’écouter et il arrêta bientôt de pleurer.
Deux heures plus tard, alors que je faisais la queue pour m’acheter un café, je me retrouvais face à face avec Elisa.
_ Docteur Seguin ! m’appela t’elle.
Je ravalais un grognement et me tournais vers la jeune femme. Elle était belle, je devais le lui accorder, avec sa peau caramel et ses yeux de biche.
_ Madame Bozzio, tout va bien avec Mickael ? je demandais d’un ton professionnel.
_ Oui, Oui, tout va bien ! On pourra rentrer dans cinq heures si tout va bien ! Mon mari vient d’arriver alors je profite pour faire une pause café.
Je hochais la tête, avant de me détourner de la conversation. Nous patientâmes en silence quelques secondes avant qu’Elisa ne reprenne la parole. Elle semblait un peu énervé cette fois.
_ Vous avez quelque chose contre moi docteur ? Vous n’aimez pas les arabes peut être ?
Je me tournais vers elle à mon tour.
_ Contre les arabes ? Non. Contre la femme qui couchait avec mon mari ? Oui !
Je regardais son visage pâlir légèrement, sa main recouvrant sa bouche, dans le geste universelle signifiant « Oh mon dieu ». Elisa se reprit rapidement.
_ Je suis désolée me dit elle.
Elle semblait sincère, mais les excuses ne servait plus à rien maintenant. Et sachant que j’avais failli coucher avec son mari il y a peine quelques jours, je n’étais pas le mieux placer pour lui faire la morale. Je balayais donc ses excuses d’un geste de la main, espérant mettre fin à la conversation une bonne fois pour toute.
_ Je savais qu’il était marié quand nous avons commencé à nous voir.
Je soupirais. Je n’avais vraiment pas besoin d’entendre ça maintenant.
_ Si ça peut vous soulager un petit peu, il me trompe aussi.
Cette fois, je ne pu m’empêcher de me tourner vers elle. Elisa rit devant mon air surpris.
_ Je sais qu’elle genre d’homme j’ai épousé docteur. Il ne changeras probablement jamais.
_ Et cela vous va comme ça ?
Je ne pouvais pas m’empêcher de poser la question.
_ Mon ex-mari était un alcoolique et une brute. J’ai passé des années à vivre en enfer. Vincent me trompe c’est vrai. Mais il prends soin de moi et de Mickael. Avec lui je ne manque de rien et je ne passe pas mes journées dans l’attente du coup suivant. C’est tout ce que je demande.
Une fois mon café acheté, je retournais dans mon bureau, réfléchissant aux paroles d’Elisa. Sa tranquillité et sa force m’avait touché. Elle savait ce qu’elle voulait : la sécurité financière et physique, pour elle et son fils. Je l’enviais d’une certaine façon, car si je pouvais accepter ce que Gabriel me proposait je serai peut être plus heureux. Du moins plus tranquille.
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