Partie 3.3
Je hausse les épaules et la regarde.
— Je ne veux pas être égoïste. Je considère ces lois sur le nombre d’enfants et sur les postes complètement archaïques. Tout le monde devrait pouvoir choisir le métier qu’il veut faire. Et évoluer. Choisir le nombre d’enfants qu’il souhaite. Et s’il ne veut pas d’enfants ? Ça ne posait pas de problèmes avant !
— Mais que penses-tu de l’égalité des chances ? Mon arrière-grand-père venait d’une famille très pauvre. Lorsque la loi a été mise en place, en 2030, après les soulèvements des peuples, il a été plus qu’heureux de voir son fils aîné devenir Directeur. Et son petit dernier ne s’en est pas si mal sorti non plus.
— Ils n’ont fait que choisir parmi une liste de métiers. Aucun d’eux n’avait accès à l’intégralité des possibles. Postuler pour un poste qu’on ne veut même pas, comment veux-tu que les gens soient motivés ? Je n’avais aucune envie de devenir ramasseuse de crottes de chiens ! Mais les postes d’Ouvriers les mieux placés sont tous pris d’assaut ! Il n’y a que les meilleurs qui réussissent à avoir un poste correct. Si tant est qu’on puisse considérer les métiers d’Ouvriers comme corrects.
— Tu es injuste. Tu as un toit sur la tête, des revenus tous les mois ! Avant cette loi, beaucoup de personnes vivaient sous les ponts ! Tout le monde n’avait pas à manger ! Des personnes mouraient de froid l’hivers venu !
— Est-ce qu’il ne vaut pas mieux mourir plutôt que d’être obligé d’être ce qu’on ne veut pas ?!
— Tu ne penses pas sérieusement ce que tu dis, souffle ma belle-sœur.
Sloane commence à chougner sur son épaule. Je le regarde, la mine décomposée.
— Je trouve injuste que des petits bouts comme Sloane se retrouvent à faire les métiers dont personne ne veut. Obligé de faire des enfants, alors qu’il n’en voudra peut-être jamais. Le nombre de suicidés augmente…
Marie pose comme elle peut ses mains sur les oreilles de son fils.
— Ne parle pas de ça, m’ordonne-t-elle sèchement.
Je pousse un profond soupir.
— Pourquoi obliger les femmes à avoir des enfants ?
La mine sévère, elle berce son fils pour le calmer.
— C’est un contrôle des naissances. Avant cette loi, la population devenait bien trop importante, tu le sais. Les ressources n’avaient pas le temps de se renouveler, beaucoup de gens mouraient de faim. Aujourd’hui, tout le monde travaille, et surtout, tout le monde mange à sa faim. Fin de la discussion.
Je me lève pour commencer à débarrasser.
— Je sais tout ça.
Je n’ose rien ajouter. D’un point de vue global, elle a raison bien sûr. La planète se porte bien mieux depuis la loi des naissances. Mais bon sang, d’un point de vue individuel, quelle torture ! Personne n’a réellement le choix ! Nous ne sommes plus que du bétail, assujettis à la loi des naissances et de l’égalité des chances ! Aucun libre arbitre. Avoir l’illusion du choix par celui d’un métier dans une liste réduite… Mais finalement, nous sommes classés dans des sortes de castes, obligés de faire 3 enfants, pas un de plus, pas un de moins.
Bien sûr qu’il est important de préserver la planète. Je sais parfaitement que nous n’aurions pas pu continuer comme auparavant. Que la planète allait mourir, et tous les êtres humains avec elle. Entre la surconsommation des ressources, la surpopulation… Cette loi est tombée à pic. Mais pourquoi imposer autant de contraintes à la population ? Je suis peut-être égoïste. Aux yeux des autres, je le suis. Mais je ne comprends pas pourquoi je les gêne à ne pas vouloir faire d’enfant. Ne pas procréer veut dire aussi ne pas augmenter la population. Et quel mal y a-t-il à vouloir choisir son métier ?
Ces lois ne sont finalement qu’une autre manière de contrôler les populations.
Lorsque toute la vaisselle est dans l’évier, je m’assois sur le plan de travail.
— Je comprends que vous vous inquiétiez, Marie. Et tu as sans doute raison. Mais il faut que tu comprennes que je fais ce que je veux. Et Josselin aussi. Le Ministère des Naissance ne peut rien faire contre moi. Rien du tout.
— Si tu le dis.
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