tout est dit

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Inventer l’autre, accepter mon semblable.

L'autre reste, et restera toujours, une énigme perpétuelle à mes yeux. L'autre, c'est aussi bien le visage que je croise pour la première fois, ou celui de l'enfant dont les questions s'inscrivent dans le regard, ou encore celui que je connais depuis des années et qui n'en finit pas de me surprendre. Mais tous, même aux portes de l'inaudible, sont envahis d'une part d’infini, tous sont au cœur d'un sacré ou d'une tragédie qu'ils sont les seuls à pouvoir traverser. L'autre, cette immense steppe où résonnent les morceaux d'un réel dont je ne sais cueillir que quelques brindilles éparses.

Au miroir des ressemblances, c'est mon alter ego, une sorte de double, là où s'affichent les manques, les pensées désespérantes, les murmures fatigués, l'inaudible parole d'aucune utilité, l'apothéose d'un délabrement, une pelletée de cendres froides que sont les mots jetés sur le clavier et qui peuvent s'effacer d'un geste rapide. Mémoire noire où ne tressaille qu'un éphémère râpeux englué dans les arcanes d'une masse sombre qui se résorbe puis s'éteint, et on est bien loin du magnifique bois flotté que l'on avait langoureusement imaginé avoir mis à jour. Repousser, rouler en boule, jeter, immerger, enfouir, noyer ce fardeau inutile.

La tête pleine de brouillard, de pensées qui se télescopent, de questions sans réponses, dans la complexité d'un monde où on ne sait que faire. Serrée dans l'étroitesse d'une raison qui apparemment n'est plus d'actualité. On voudrait bien bloquer le curseur de la pensée sur les fondamentaux qui nous ont construits, mais on bute sur des réalités qui bouleversent quelque peu nos schémas de réflexion. On se sent au cœur même d'un tableau de Magritte pris dans ce décalage entre ce qui est, et la représentation qui en est faite. Quand tout autour de soi le ciel semble froissé, que le jour perd sa vie dans les chaînes de la nuit, que des doigts serrent plus fort les soupirs de la gorge, que les reflets qui dansent soudain ne bougent plus, il reste malgré-tout, des pépites de bleu à cueillir çà et là entre les pages ouvertes et les mots du poète, au creux des phrases rondes et dans leurs tourbillons, cachées derrière un mot, ou sous la peau des lettres qui mises bout à bout tracent les arches d'un pont où bleuir son pas et toucher l'horizon. Au matin, le ciel s'est entr'ouvert, les pensées allégées clignent un peu dans les yeux pour se fixer sur des lointains plus bleus, on sourit quand filtrent les rais de lumière et le front se boucle de nouvelles envies. On oublie vite l’ornière où l'on avait glissé.

Trouver sa juste pensée pour continuer à être. Il n'y a vraiment pas de place en moi pour une parole enfiévrée s'emportant contre tout et n'importe quoi, ivre d'elle-même et chancelante sous les mots qui lacèrent ou salissent. Non, j'ai juste besoin d'une langue basse, pâle, même un peu défaite ou cabossée, une parole de peu qui constelle la page de petits pétales, pas encore fleurs, juste une rosée de mots se glissant dans la trouée des arbres, s'étourdissant sur l'aile hospitalière d'une mésange, puis flottant rouge de plaisir sur une onde songeuse. Ce serait une sorte de parole murmurée de l'envers du monde.

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