- 4 -cubus Versus -lupus
Si ce sont seulement des réponses que je voulais, je fus servi.
Là, ce qu’il serait en droit de nommer ‘’des amazones’’, sales, hirsutes, le faciès déformé par la démence, jaillissaient de temps à autres de la forêt ténébreuse, accourant, les bras dressés ou tendus en croix, les mains griffues, les dents acérées sous un sourire cynique, les iris veinés d'hémoglobine, se jetant en direction des brasiers. Puis, peu avant de les atteindre, bondissaient en se dissolvant dans les airs, mutant en silhouettes sombres – celles-là même qui possédaient les sorcières lubriques des sabbats orgiaques !
Prenais-je donc le risque de me faire assaillir, moi aussi, en entrant dans le domaine de tous les périls ?
Et de terminer avec les cobayes !
J’avoue être resté longtemps à y songer, terriblement hésitant. Pétrifié par ce que je venais de voir.
Puis quelque-chose m’a décidé. Quelque-chose que personne ne croira en le lisant, tant la vision fut cinématographique :
le long de l’orée maléfique, où le brouillard se dissipait par endroits, des clans de bellâtres aux torses nus déambulaient ensemble, au pas mesuré, s’arrêtant souvent et sans quitter les bois du regard, qu’ils sondaient. Et quoique l’un sentit ma présence et y répondit en émettant un grognement retenu, il me fit signe d’approcher sans hâte ; après quoi il m’ordonna de ne pas parler, fouillant mes yeux afin de s’assurer que j’obéirai, m’autorisant de la sorte à rester un peu parmi eux.
De toute évidence, ils voyaient et entendaient ce qui moi m’échappait. Or, n’étant doté ni de leur vue perçante ni de leur ouïe affûtée, je pus pourtant apercevoir ce qu’ils surveillaient comme l’huile sur le feu : des silhouettes massives au museau assez allongé, les oreilles dressées sur les flancs du crâne, de longs bras au devant du corps et touchant terre, des pattes arrières courtes et repliées et à l’avant des mains griffues ; qui tantôt stoppaient leur avancée en reniflant je ne saurais dire quoi, tantôt repartaient dans une course incroyablement véloce.
J’en restais sidéré.
Si je pus identifier ces créatures, en les classant dans la catégorie des ‘’lycanthropes’’ ou de ‘’homo-lupus’’, je n’aurais su dire avec qui je me trouvais présentement. Tout en eux paraissait humain, quoique atteignant sans peine les deux mètres cinquante ou trois, d’une musculature exemplaire et une puissance maîtrisée se devinant en eux. J’eus tout de même une espèce de réponse à ce mystère, il semblerait, quand je vis l’un d’eux sourire en se retournant vers moi : ses dents n’étaient qu’une rangée de canines carnassières, qui auraient pu m’arracher la main en une seule morsure. Il dit :
— Nous n’avons besoin ni de chair ni de sang. Et personne ici. La faim pour nous n’est pas celle de votre réalité. L’on se nourrit exclusivement de l’énergie. Celle du désir, de la colère, de la peine, du désespoir ou de la peur. C’est cela la nourriture. Ces crocs, que tu vois, sont le vestige d’un passé archaïque révolu, lorsque nous avions encore des queues comme les reptiles, des cornes comme certains démons et des pattes en bas comme les lycaons. Nous avons évolué depuis et rejoins la nature humaine. Cependant, beaucoup d’entre nous sommes d’anciens humanoïdes, peu ne le sont pas. Les uns relativement récents, les autres antédiluviens.
Avait-il lu ma pensée !? J’aurais voulu l’asséner de mille questions, mon cerveau partait dans une ébullition d’énigmes vertigineuses à résoudre ! Il ne m’en laissa ni le temps ni la possibilité : me poussa, d’une main, assez fort pour m’éjecter loin en arrière, puis disparut avec sa compagnie dans la brume épaisse, comme s’ils avaient été téléportés.
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