Acte IV : Enquête de rédemption

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— Je t’offre la possibilité de te racheter. Et j’ai besoin de toi. Mais on n’a pas toute la nuit. Tu me suis ou pas ?

Hector avait longtemps réfléchi avant de prendre cette décision difficile, et il s’attendait davantage à un sec et impitoyable « Va te faire foutre ! » qu’à un accord de raison entre ces deux anciens complices.

— Tu as passé du temps avec Alban. Je veux que tu me dises tout ce que tu sais, que tu me répètes tout ce que tu as entendu. En échange de quoi, je suis prêt à oublier ce que tu as fait. Décide-toi maintenant !

La clé avait tourné dans la serrure, une larme coula sur sa joue droite, elle se leva, marcha lentement vers la porte, saisit la poignée et ouvrit lentement. Nathalie inspecta le couloir du regard, seul Hector était là, ça ne semblait pas être un piège, de toutes façons, ça n’était pas son style. Il l’avait, certes, abandonnée, une fois, il y avait tellement longtemps, elle en avait souffert, terriblement, mais il ne l’avait jamais piégée. Il l’avait même ramenée de Santa Monica. Elle devait pouvoir lui faire confiance.

La nuit était sans lune, Hector et Nathalie se faufilèrent sans bruit vers la sortie de la base. Ils étaient passés devant des caméras de surveillance, mais la restauration du système n’avait pas encore commencé, faute de matériel, aucun enregistrement ne se faisait. L’Aston-Martin démarra silencieusement, toutes lumières éteintes, puis reprit une course normale dès qu’elle fut suffisamment loin de la base pour être détectée par quiconque.

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Debout dès potron-minet, Fred avait avalé un petit déjeuner frugal et avait commencé à fouiller dans les entrailles de son serveur, coffre-fort numérique de toutes ses données, afin de retrouver des traces objectives confirmant ses souvenirs de ces vacances de Noël, en 2002. Des images d’articles de journaux numérisées de cette époque confirmait l’avalanche, sur le site californien de San Bernardino. Dans un répertoire voisin, Fred trouva la copie d’une facture liée à son admission au UCLA Medical Center de Santa Monica, du 22 au 26 décembre. Jusque-là, rien ne le surprenait, tout juste cela lui apportait-il une preuve, si besoin en était, que sa mémoire ne lui faisait pas défaut. Il lui fallait trouver autre chose, mais rien dans ses archives personnelles ne lui permettait de faire le lien avec Joanie, de quelque façon que ce fût. S’il avait gardé un certain côté maniaque depuis son adolescence, ces habitudes de tout documenter avaient gagné en quantité et en précision avec le temps, et elles n’avaient pas toujours été aussi poussées qu’elles pouvaient l’être à présent. Il y avait, bien entendu, encore des trous à combler.

Faute de mieux, il lui fallait rechercher dans ses propres souvenirs, encore et encore. Même les plus récents pouvaient encore le guider, comme cette conversation avec Hector, quelques semaines avant la brouille.

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— Merci d’être venu, quand même. Merci d’avoir sauvé Angélique. Et Jo.

Sur le parking, Hector et Fred, qui venaient de laisser Joanie en compagnie de Madame Barreau, débriefaient rapidement, et de façon très informelle, la soirée de la veille.

— La petite ? Je ne l’ai même pas vue, répondit Fred.

— Tu sais bien ce que je veux dire…

— Comment Hélène a-t-elle pu atterrir chez Winter ? demanda Fred.

— Elle a travaillé en face, à l’UCLA. Elle s’est mariée avec un de ses patients, qui se trouvait être le neveu de Winter. Elle a été embauchée à la clinique, et tu connais la suite…

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Devant le canapé du salon, une commode servait de support à une véritable collection de photographies d’un petit garçon, de son plus jeune âge à une petite douzaine d’années. Parmi les clichés, un tirage au format plus important montrait le petit garçon entouré de ses parents, visiblement. La parenté se lisait dans les yeux de son père, mais le garçonnet avait le sourire de Nathalie. Hector examinait cet album de fortune posé devant ses yeux, tout en nouant ses chaussures, quand Nathalie s’approcha avec une grande tasse de café.

— Noir, sans sucre, ça n’a pas changé ?

Hector accepta le maigre petit déjeuner que lui offrit son ancienne partenaire.

— C’est mon fils, Lucas.

— Il est où, en ce moment ?

— Chez Florence. Elle le garde quand je suis prise par mon travail, répondit Nathalie, en mimant de l’index et du majeur de chaque main les guillemets qui entouraient ce dernier mot.

— Il a ton sourire. C’est un beau gamin.

— Merci. C’est notre dernière photo, tous les trois. Lucas avait cinq ans. Alain a eu un accident de moto, quelques semaines après ça…

— Alors, il a dit quelque chose ? Tu as entendu quelque chose, quand tu étais chez lui ?

— Le premier soir, je ne pouvais pas dormir, je suis allé dans sa salle de sport privée. Dans un couloir, je l’ai entendu à travers une porte. Il parlait à un médecin, il disait qu’il allait lui présenter quelqu’un. Quelques jours plus tard, il a reçu le docteur Winter chez lui. C’est là que j’ai fait sa connaissance. Il m’a dit que le docteur avait les moyens de me faire disparaître des écrans radars.

— Winter, ça ne colle pas, il faisait de la chirurgie réparatrice, comme il disait. Pas de la transplantation de fœtus, réfléchissait Hector, à voix haute. Tu n’as rien vu d’autre ? Rien entendu d’autre ? Fais un effort.

— Transplantation de fœtus ? Je ne sais pas si c’est lié, mais il m’a demandé si j’avais des enfants. J’ai pensé qu’il se foutait de moi, il était tellement bien renseigné sur nous tous.

— Et donc ? s’impatienta Hector.

— J’ai tout de suite su qu’il savait, pour Lucas. J’ai compris qu’il savait pour mon mari quand il m’a demandé si je n’avais pas de regret de ne pas avoir eu un deuxième enfant. Il m’a dit qu’il existait des solutions miracles.

— Il parlait de ça…

— Je savais de quoi il parlait, mais ça me semblait tellement hors de propos… Je n’y ai pas prêté attention, sur le moment.

— Tu n’as rien de plus précis, un détail, un nom, un téléphone ?

— Quatre jours avant l’incendie, il s’est absenté. Je suis restée au manoir, pour m’entraîner, avec mon nouvel équipement. Pendant son absence, je suis tombée par hasard, en feuilletant un magazine, sur une pub pour un site internet pour les couples ayant des difficultés familiales…

— Quel genre de difficultés ? Procréation ?

— Il n’y avait pas de précision, mais, maintenant, avec le recul…

— Et connaissant le personnage… Est-ce que c’était vraiment un hasard ? L’adresse du site ?

— Je ne sais plus, mais le magazine, c’était tellement inadapté à cette maison, « Jeune Parents Magazine ».

Hector tapota sur l’écran de son téléphone portable, qu’il posa ensuite sur la table, en mode « mains libres ». La voix de Marie, à l’autre bout, semblait affolée.

— Hector, on a un gros problème, il faut que tu viennes, rapidement.

— Pas de panique, elle est avec moi. Elle va m’aider à comprendre ce qui est arrivé à Angélique.

— Non mais ça va pas ? Tu l’as fait sortir ? Tu te rends compte ?

— Si elle est enfermée, nous n’arriverons pas à tout démêler. Rien n’est fini. Elle va m’aider à trouver des réponses.

— Et ensuite ? demanda Marie.

Hector regarda Nathalie dans les yeux, puis se pencha de nouveau vers le téléphone.

— Écoute, il faut trouver, dans une édition, récente… il demanda du regard une confirmation à la clandestine qui acquiesça d’un mouvement de tête, une édition récente du magazine « Jeunes Parents », une pub pour un site internet pour couples en difficulté. Tu peux me trouver ça ?

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Le centre médical de l’Université de Californie Los Angeles, un établissement qui revenait de manière récurrente, depuis quelques semaines, dans les conversations et les événements. Fred y avait séjourné une quinzaine d’années auparavant, il était repassé devant au moment de l’intervention de Santa Monica, quoi d’autre ? Et Hélène qui y avait débuté sa carrière professionnelle. Fred pianota sur le clavier de son ordinateur, faisant apparaître sur l’écran diverses fenêtre qui eussent pu perturber le premier utilisateur venu. Lui continua de pianoter, affichant dans une petite case noire une série d’étoiles, puis une nouvelle fenêtre apparut, affichant des séries interminables de noms, visiblement la liste des employés, année par année, du Medical Center. Hélène Pierrard était sur la liste, entre juillet 1995 et février 1997. Quelques manipulations de clavier plus tard, une nouvelle fenêtre confirma la présence d’Hélène dans les effectifs de la clinique Winter à partir de mars 1997. Fred revint machinalement consulter la liste de l’UCLA, quand Philippe entra dans son bureau.

— Qu’est-ce que tu fous dans les dossiers d’archives d’un hôpital de Californie ?

— Des recherches…

— Merci, prends-moi pour un imbécile. Mais quand tu décideras de hacker le Pentagone, fais-moi signe avant, que je prenne des vacances en Australie. Je ne veux pas être emmerdé…

— J’ai été hospitalisé quelques jours là-bas, il y a longtemps. Il y a eu quelque chose avec une employée…

— Rien à voir avec notre aller-retour à Santa, je suppose.

— Absolument rien, sauf qu’il paraît que je suis le père de la petite.

— Ah, oui, tu as raison, trois fois rien… Et tu as trouvé quelque chose d’intéressant ?

— Jusqu’ici, encore rien… des noms d’employés, des listes de patients…

— Et c’est quoi, ces noms en rouge, de temps en temps ?

— Ceux qui sont dans ma base de données personnelle. Le programme fait des recoupements. Hélène, John, son mari, qui a d’abord été son patient…

— Tiens regarde, « Mitchell Wagner » ! un parent à toi ? demanda Philippe amusé.

Surpris par ce nom que son visiteur venait de prononcer, Fred se retourna vers son écran et sembla particulièrement intrigué par ce qu’il pouvait lire à l’écran.

— Wagner est un nom répandu, sûrement un homonyme, ou une branche très éloignée du même arbre, au mieux. Aucun intérêt. En revanche, lui…

Philippe lut à son tour le nom de cet homme qui, dans les souvenirs de Fred, se faisait nommer « Bernie Ash ». Le Docteur Ashcroft, titulaire à l’UCLA, en chirurgie obstétrique, venait donc de faire une apparition opportune dans la recherche de Fred. Celui-ci lança une nouvelle fonction de son programme. Puis, imperturbable, il se retourna vers Philippe.

— Maintenant, ils sont deux, là-bas, à me détester. Hector a rejoint ta mère, qui a un super apport d’eau à son moulin…

— S’il y a une faille, tu n’as qu’à la trouver, ça les calmera…

C’était précisément ce que Fred avait l’intention de faire. En attendant, il fixa de nouveau son écran, pour voir sa requête aboutir. Le docteur Bernard Ashcroft, né en 1963, avait commencé à travailler à l’UCLA en 1999, soit à trente-six ans, mais semblait y être apparu comme une fleur. Aucune base de données parmi les cibles du programme n’avait trouvé de trace antérieure à cette date du docteur Ashcroft.

— C’est drôle, ça, s’étonna Philippe, on dirait que ton programme a trouvé son maître.

— Je vais le retravailler, pour faire des recherches plus poussées. Ça va me prendre un peu de temps.

— Bon, ben, je te laisse, je venais voir le Hibou, le nettoyer un peu…

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— Tu ne fumes toujours pas ? demanda Nathalie en s’allumant une cigarette.

En la voyant prendre le cendrier sur la table pour l’emporter dans la cuisine, où elle allait s’installer afin de ne pas enfumer la salle de séjour, Hector eut comme une révélation.

— Les cendres !

— Ne t’inquiète pas, c’est pour ça que j’ai pris le cendrier.

— Non, c’est Alban, il a mentionné mon talent pour chercher dans les tas de cendres ! Quand je lui ai parlé, à la prison. Je dois retourner là-bas !

— À la prison ?

— Non, au manoir, dans le tas de ruines !

Hector et Nathalie s’installèrent dans l’Aston-Martin qui démarra tranquillement. Il était inutile d’attirer davantage l’attention du voisinage avec cette voiture déjà peu discrète.

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Devant les restes du manoir effondré, que personne n’avait pris le temps de déblayer, le coupé anglais était stationné, ses deux occupant examinaient de loin la zone sinistrée.

— Nous reviendrons quand il fera nuit, on ne sera pas dérangés, décida Hector.

— C’est sage, répondit Nathalie, plus machinalement que pour montrer son approbation.

— Un conseil que quelqu’un m’a donné, la première fois que je suis venu.

— Sympa de sa part, même si ça semble évident…

— Maigre compensation… lâcha Hector, de dépit. Quel salopard, quand j’y pense…

— On peut savoir de qui tu parles ? demanda Nathalie qui sentit que les banalités avaient cessé tout à coup.

— Le père de Joanie…

— Mais je croyais qu’il avait été tué dans sa maison, quand tu lui as ramené sa fille.

— On le croyait tous, sauf que John n’était pas son père. Juste un joyeux cocu. Quel enfoiré ! Et dire qu’il a prétendu toutes ces années être toujours mon ami ! Il m’a conseillé, équipé, entraîné…

— Quelle ironie, reprit Nathalie, basculant la tête en arrière, un petit sourire en coin. La parfaite Hélène, que tu n’as jamais pu te sortir de la tête, ça m’a emmerdée un moment, j’en sais quelque chose, n’a jamais dû parler de toi à son mari et ne t’a jamais parlé de ton pote. Et en une seule fois, elle a trahi les deux hommes de sa vie…

— Ne recommence pas, s’agaça Hector. On revient ce soir !

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La nuit était tombée, Philippe était déjà reparti depuis plusieurs heures, quand Fred compila la nouvelle mouture de son programme. Une nouvelle recherche sur le réseau mondial, avec des paramètres enrichis, une liste de mots clés complétée, fut lancée et Fred quitta son bureau pour rejoindre le Bar de l’Apocalypse, où l’attendait un burger et une assiette de frites. Depuis longtemps déjà, il ne croyait plus aux coïncidences, persuadé qu’une volonté se cachait toujours derrière ces phénomènes étonnants. Il s’agissait parfois d’une bonne surprise, parfois d’un plan machiavélique. En l’occurrence, Fred avait décidé. Si la nouvelle version du programme ne renvoyait pas de résultat, il pencherait pour de la malice, de la part du docteur Ashcroft. Tout allait être passé en revue, du moindre bulletin d’information local aux documents les plus secrets que la machine parviendrait à découvrir. Cela prendrait du temps, probablement le reste de la nuit. Une nuit qui serait agitée, les cauchemars de son passé viendraient hanter son sommeil.

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— Wagner, vous avez trouvé quelque chose sur Menkievic ?

— Affirmatif, mon capitaine. Il s’est connecté il y a une heure, du coup, on a pu entrer dans son système, et on a son emploi du temps. Ou plutôt ses emplois du temps possibles. Il est malin, il essaie de brouiller les pistes.

— Ne me dites pas que vous l’admirez, Wagner.

— Non, mon capitaine, Je dis juste qu’il prend ses précautions, au cas où il y aurait une intrusion.

— Et il vous a eu ?

— Non, on a étudié ses grilles, comparé avec ses habitudes, ses impératifs, ses empêchements, on pense savoir où on va pouvoir le piéger. A priori, ça devrait être… ici ; dans trois jours.

— Vous n’avez pas été repérés ?

— Mon capitaine, il est malin, mais on l’est plus que lui.

— OK, rassemblez votre section, briefing dans cinq minutes.

Tibor Menkievic était la cible d’une opération militaire au cours de laquelle Fred et sa section devait l’arrêter pour le faire répondre de ses actes devant le tribunal international de La Haye. Il avait passé les deux dernières années à se cacher, se sachant traqué par les forces de l’OTAN. Mais en ce mois de juillet, la section, qui venait de fêter le premier anniversaire de la victoire française en Coupe de Monde, s’apprêtait à célébrer un autre succès, militaire, celui-là, pour la dernière mission avant la quille.

À trente ans, Tibor Menkievic, fils de Sofia Menkievicka et d’un inconnu que sa mère avait rencontré brièvement en Allemagne, était devenu un haut gradé de l’armée serbe, et la colère du petit garçon, qui avait continuellement entendu les insultes à l’adresse de la pauvre Sofia, fille mère célibataire, le déshonneur de la famille, s’était, au cours des années, muée en haine et en cruauté, au point qu’il s’était livré aux pires exactions depuis le début de la guerre en Europe Centrale.

L’inconnu qui avait aimé Sofia, jadis, n’avait pu rester auprès de sa princesse slave, mais il ne s’était pas résolu à l’abandonner. En attendant qu’elle puisse un jour le rejoindre à l’ouest, il était régulièrement intervenu pour subvenir à ses besoins, ce qui l’avait mise à l’abri financièrement, mais n’avait pas servi sa réputation dans le village. Tibor avait nourri la haine qui l’habitait maintenant, et tiré avantage de la petite fortune qu’il s’était constituée grâce à l’apport secret de son géniteur.

Les hommes de la section de Fred avaient été formés aux techniques les plus modernes afin de débusquer le plus rapidement possible les cibles les mieux cachées. Aux cours des trois dernières années, les missions à succès s’étaient enchaîné avec une régularité de métronome et la section baptisée des cyber-techno commandos s’était forgé une solide réputation de croquemitaine pour criminels de guerre. À la précision des recherches sur les réseaux s’ajoutait une efficacité sur le terrain que personne ne pouvait plus remettre en question. Ainsi, lors du briefing d’avant mission, l’information qui avait été donnée ne laissait planer aucun doute auprès de l’état-major. Tibor Menkievic ne passerait plus que ces trois derniers jours en liberté avant d’aller répondre de ses actes devant la communauté internationale.

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Il était dix-neuf heures trente lorsque les cyber-techno commandos se levèrent de table comme un seul homme pour se rendre au foyer. Le caporal Lambert avait lancé l’invitation.

— Chef, on a tous fait la visite médicale réglementaire, demain, c’est notre dernière mission. Jusqu’ici, tout s’est toujours bien passé, mais on ne sait jamais. On a décidé d’aller prendre un verre tous ensemble, le dernier avant la quille. Vous venez avec ?

Cette unité spéciale suscitait à la fois l’admiration, du fait de son efficacité, et l’agacement de ceux qui voyaient de l’arrogance dans le comportement de rock-stars de ses membres.

— Une grenadine ? s’étonna Fred, Lambert, tu déconnes !

— Chef, vous êtes la tête pensante de l’équipe, vous, vous devez garder les idées claires. Nous, après, on vous suivra.

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La nuit était tombée depuis deux heures déjà, une nuit sans lune, arrosée d’une pluie battante. Deux silhouettes erraient au milieu des ruines du manoir, semblant scruter le sol, comme si elles cherchaient quelque aiguille dans cette botte de foin calcinée.

— J’ai trouvé quelque chose, je crois ! appela Nathalie.

Dans son armure perfectionnée qu’Hector lui avait redonnée, Nathalie avait scanné le sol et voyait, sous les décombres calcinés, une sorte de bloc compact, qu’il s’agissait maintenant de déterrer. Quand Hector tint enfin la mystérieuse boîte dans ses mains, lui et Nathalie comprirent que sa serrure à code ne s’ouvrirait pas sans résistance. Il fallait donc partir avec cette boîte, avant la venue du jour ou de quelque passant.

— Attends, on peut encore trouver autre chose, reprit Nathalie. Laisse-moi continuer à scanner le terrain.

— On n’a pas le temps. On reviendra. Il y a quoi dans cette boîte, d’après toi ?

— J’ai essayé, je n’ai pas vu à travers…

Dans l’Aston-Martin, les deux anciens complices avaient ôté leur cagoule, et inspectaient la boîte encore couverte de poussière et de cendres. Un petit écran noir et un petit clavier se trouvaient sur le couvercle d’une centaine de centimètres carrés, à côté d’une zone noire suffisamment large pour y apposer un pouce. Hector y apposa le sien, mais rien ne se passa. Il jeta un regard à Nathalie.

— Tu as passé du temps avec lui, il a pu enregistrer l’empreinte de ton pouce.

La réaction du système ne se fit pas attendre, l’écran afficha en rouge une invitation à taper un code à cinq caractères alphanumériques. Hector pressa sur le clavier les lettres A, L, B, A, N, puis pressa une touche sur laquelle était écrit le mot ENTER. À ce moment, cinq étoiles rouges prirent la place des lettres, et une ligne s’éclaira de rouge sur le tiers de la longueur de l’écran.

— Encore un essai, conseilla Nathalie.

— Je dirais plutôt : « plus que deux essais », répondit Hector. Réfléchissons. Cinq caractères, un mot de passe qui nous lie à lui… à ton avis ?

Nathalie bascula la tête en arrière pour réfléchir, elle ferma les yeux et inspira profondément. Quelques secondes passèrent quand, sans bouger, elle dicta à Hector.

— Essaie L, N, P, R, 1. Il m’en a parlé en 2003.

Hector pressa les cinq caractères. Aussitôt, l’écran s’éteignit, un petit déclic se fit entendre et le couvercle de la boîte s’entre-ouvrit. À l’intérieur de la boîte, un étui rigide transparent contenait un disque métallique sur lequel était écrites au feutre les deux lettres H et F.

— L’enfoiré, il avait vraiment tout prévu, s’agaça Hector, prenant le disque et l’insérant dans le lecteur intégré au tableau de bord.

Automatiquement, un écran apparut en une sorte de projection holographique sur le pare-brise, ce qui arracha à Nathalie un petit murmure d’admiration. Parmi les différents fichiers informatiques enregistrés sur le disque, un fichier vidéo, intitulé « HF » attira l’attention d’Hector.

— J’étais sûr que tu trouverais ce disque. Je savais qu’un tas de cendres ne t’empêcherait pas d’arriver à tes fins. Maintenant que tu as ce disque, je suppose que tu as déjà résolu pas mal de questions, sur notre petite aventure. Tu as sans doute remarqué qu’il y a plusieurs fichiers à côté de cette vidéo. Pour les ouvrir, tu devras taper les bons mots clés, que tu sauras deviner si tu as résolu l’énigme correspondante. Ainsi, je ne te délivrerai que la confirmation des choses que tu sais déjà. Bonne chance, mon ami !

Hector survola le contenu du disque. Un fichier intitulé « HPmeetsJJ » dévoilait probablement les détails de la rencontre entre Hélène et son futur mari, tandis qu’un fichier, intitulé « AMdeath », et un autre, « AMmeetsHW », évoquaient respectivement la mort simulée d’Alban et sa rencontre avec le docteur Hans Winter. Enfin, Hector fut particulièrement intriqué par le titre « DAprgn », expliquant probablement la grossesse forcée d’Angélique Drouillot, qui jouxtait le titre « ABbirth », certainement consacré à la naissance d’un inconnu dont les initiales étaient les deux premières lettres de l’alphabet. Cependant, Hector, pour accéder à ces fichiers, devait trouver au préalable des réponses par lui-même.

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Fred travaillait de nouveau le code de son programme qui avait cherché en vain, toute la nuit, des traces du docteur Ashcroft antérieures à 1999, lorsque la sonnerie du téléphone de son bureau retentit.

— C’est Jo, on peut parler ?

— Je t’écoute…

— Marie et Hector. Ils m’ont dit que tu étais mon père.

— J’ai encore du mal à y croire, malgré les évidences.

— Pourquoi tu m’as menti, pourquoi tu ne m’as rien dit ?

— Je ne t’ai jamais menti, Jo.

— Mais tu m’as dit que tu ne connaissais pas ma mère. Tu sais comment on fait des enfants, non ?

— Je t’ai dit que je ne l’avais rencontrée qu’une seule fois. Trop peu pour la connaître vraiment. Elle avait l’air sympa. Et elle était vraiment d’une beauté à se faire damner tous les saints du Paradis.

— Et du coup, t’as craqué, comme un con, t’as séduit ma mère, et moi je suis née neuf mois plus tard…

— Jo, je ne suis pas un saint…

— Ouais, je vois bien. Mais il faudra qu’on en rediscute. En attendant, je sais qu’ils ne vont pas t’en parler, mais Hector et Marie, ils ont un problème. Tu sais, Angélique, la fille du toit…

— Je l’ai scannée, elle est enceinte. Tout va bien ?

— Ouais, le bébé va bien, sauf que, apparemment, c’est pas le sien. Tu peux chercher ?

— Je ne comprends pas…

— Apparemment, le fœtus a été transplanté. Je ne sais pas comment on fait ça, mais Marie dit qu’en théorie, c’est possible, moyennant les bonnes précautions. C’est un pro qui a dû faire ça.

— Je vais chercher, je te tiens au courant.

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Fred avait ouvert sur son ordinateur un nouveau programme de son cru, très largement inspiré de ceux qu’il avait pu utiliser avec la section des cyber-technos, jadis. Il s’agissait pour lui, cette fois, de fouiller dans l’agenda passé d’un nouveau client, comme il avait coutume de nommer les individus sur lesquels il faisait des recherches. La conversation qu’il venait d’avoir avec Joanie, ses souvenirs, récemment ressurgis, les résultats fortuits de ses dernières recherches, son intuition, tout lui donnait envie d’en savoir plus sur ce docteur Ashcroft, qui semblait ne pas avoir de passé. La recherche fut plus rapide que celle de l’aiguille dans la botte de foin de la veille, et l’agenda du docteur apparu sur l’écran de Fred après quelques manipulations de clavier seulement. Fred remonta le temps jour après jour, jusqu’à la première semaine du mois d’août, soit quelques jours avant les événements de Santa Monica. Le docteur Ashcroft avait un rendez-vous extérieur avec un certain Allan Mobunis et ce rendez-vous était, à la différence des autres, noté en caractères gras, en rouge, comme pour mieux souligner son importance pour le docteur. La rencontre avait eu lieu, selon les informations affichées, dans un centre commercial du centre-ville de Santa Monica, à 10:00. Il était temps pour Fred de passer à l’exploration des archives des caméras de surveillance de la ville, à faire mener par sa machine en parallèle avec son programme de reconnaissance faciale, qui travaillerait à partir d’une photo d’identité issue d’une copie du permis de conduire du docteur.

Alors que la recherche s’exécutait, Fred eut une autre intuition. S’il avait recherché jusqu’à présent, dans les diverses bases de données accessibles, des informations sur le docteur Ashcroft, il avait tout simplement oublié de concentrer ses requêtes sur le surnom du docteur, Bernie Ash. Peut-être aurait-il maintenant plus de succès.

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En se rendant au centre commercial, le docteur Ashcroft n’avait même pas pris la précaution de se cacher, que ce fût sous un chapeau, dans un imperméable discret, rien. Sur les images datées du 5 août, à dix heures, on le voyait très distinctement, de face, parler à un inconnu qui, lui, tournait le dos à une caméra et avait trouvé la place idéale pour se dissimuler aux objectifs opposés. Tout ce que Fred put en distinguer fut une taille d’environ un mètre quatre-vingt-cinq, ainsi que des cheveux noirs. Peut-être portait-il une barbe mais Fred n’eût pu le jurer. Si des traces audio avaient pu être enregistrées, d’une façon ou d’une autre, Fred eût été intéressé de savoir ce qui se disait entre les deux hommes.

— Mon capitaine, c’est Wagner, j’aurais besoin d’un petit service, si vous permettez.

— Wagner, je vous l’ai déjà dit, je suis lieutenant colonel, maintenant. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

Fred avait gardé de bonnes relations avec son capitaine de l’époque de la Yougoslavie, qui, depuis était bien entendu monté en grade. Avoir dirigé les cyber-technos lui avait ouvert les portes de la direction de ce qu’il appelait l’armée 4.0. Ce qu’on appelait communément les nouvelles technologies était, pour l’unité dont il avait la charge, déjà de l’histoire, et il traquait, avec ses experts, toutes sortes d’enregistrements qui pouvaient laisser des traces dans les téléphones portables, les tablettes numériques, tous les appareils, dits connectés, possibles et imaginables.

L’officier supérieur transmit bientôt à son ancien sergent-chef l’intégralité de la conversation qui s’était tenue entre le docteur Bernard Ashcroft et Allan Mobunis, le 5 août, à dix heures précises.

Une demie minute plus tard, l’écran renvoya à Fred une alerte. La recherche de Bernie Ash venait d’aboutir, à la surprise de l’enquêteur, et grâce à son module de reconnaissance optique de caractères, à une image extraite d’une vidéo récente que Fred avait tournée. Celui-ci reconnut en effet le visage sur la photo que la légende présentait comme Bernie Ash. Comment avait-il pu ne pas réagir, lorsque, caméra Go-Pro sur le casque, il avait filmé la salle secrète du docteur Winter, à Santa Monica, et son mur de la honte ? La mission d’alors revêtait une importance qui avait probablement relégué le traitement de cette information au rang des futilités. Aujourd’hui, Fred avait cependant tout le temps de se consacrer à cette découverte, et fit donc défiler le film qu’il avait réalisé. Le portrait de Bernie Ash prenait la place de la photo récente, sur une paire où l’autre photo présentait un certain docteur Perry Wilson. Une nouvelle recherche fit apparaître un feu d’artifice de petites fenêtres sur l’écran, jusqu’à dévoiler entièrement l’histoire du Docteur Wilson.

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Né en 1963, Perry Wilson avait eu une enfance aisée, fils d’un couple d’avocats qui le firent voyager autour du monde pendant sa jeunesse. Un article de journal numérisé relatait le départ pour un voyage scolaire en Europe d’un groupe d’étudiants de Los Angeles en 1978. Sous la photo de groupe qui accompagnait l’article, Fred put lire, au milieu des autres, le nom de Perry Wilson. Les étudiants avaient rédigé une sorte de journal de bord de leur voyage et l’ordinateur de Fred en avait retrouvé une trace dans les archives de l’école. Là encore, un cliché montrait Perry Wilson, cette fois en galante compagnie, au bras d’une jeune Sofia, d’après la légende. Le classement dans l’ordre chronologique des résultats de la recherche mit en évidence des virements internationaux réguliers de sommes importantes du compte de Perry Wilson vers celui de Sofia Menkievicka à partir de septembre 1979. Le nom de famille de Sofia fit réagir Fred qui relança aussitôt une requête sur le réseau mondial. En attendant le résultat de cette nouvelle demande, il continua à parcourir le curriculum vitae de Perry, qui avait fait des études de médecine avant de s’engager dans la Navy avec le grade de lieutenant. Perry avait gravi les échelons de la hiérarchie pour devenir officier supérieur, en qualité de médecin militaire, et avait été envoyé en Irak pour la première guerre du Golfe, avant de partir pour la Yougoslavie, où sa progression avait soudainement été stoppée par une enquête pour empoisonnement qui n’aboutit pas, faute de suspect, le docteur étant simultanément recherché par les autorités militaires pour désertion.

Ce fut alors que l’information la plus importante pour Fred sur l’histoire de Sofia apparut à l’écran. Voyant que Sofia était la mère de Tibor Menkievic, Fred comprit que Perry Wilson avait empoisonné son unité, jadis, et ainsi participé au massacre des cyber-technos, pour tenter de sauver Tibor. Il fut aussi troublé par le souvenir furtif de l’avalanche de San Bernardino en 2002, alors que Bernie Ash n’avait, très opportunément, pas pu les rejoindre au spa, lui et Franck. Bernie Ash qui faisait, d’ailleurs partie, en tant que chargé du service obstétrique, du personnel de l’UCLA Medical Center, cette année-là. Fred retourna virtuellement dans les archives de l’UCLA, se concentrant sur la transition des années 2002 et 2003.

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Philippe arriva pour le petit déjeuner à la base, par ce beau matin d’automne, alors que Roger faisait le tour du parc en boitant, simplement appuyé sur une canne.

— Salut, mon grand, il y a un moment que tu n’étais pas venu, ça me fait plaisir.

— J’ai appris que tu avais fait refaire l’installation, après l’attaque de cet été…

— On a remis en état les bâtiments, les travaux touchent à leur fin. Pour le système informatique, on a confié ça à Luc, le fils d’Élisabeth. On a eu juste un défaut de sécurité, il y a peu, alors que le système vidéo était encore HS.

— Je sais, maman m’en a parlé. Il avait une bonne raison, non ?

— Mouais, je ne suis pas tout à fait d’accord, là-dessus, mais il n’en a toujours fait qu’à sa tête, alors… Et puis, souvent, ça s’est révélé payant, donc attendons de voir… Et toi, de ton côté, ça se passe comment ?

— On repart bientôt, je ne peux pas te dire où, il m’a demandé de garder ça pour moi, mais il tient une piste.

— OK, évite de parler de lui à ta mère. Depuis l’histoire avec la petite, elle l’a encore plus dans le nez qu’avant. Et maintenant, elle a Hector dans sa poche.

— En fait, il faut que je voie Joanie, de sa part, un truc à lui donner.

— Viens, je t’accompagne.

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— Il voudrait que tu regardes ça. Il a compilé des dossiers, des tas de données, il a des explications à tout.

Mystérieux, Philippe venait de confier à Joanie une clé informatique que Fred lui faisait passer.

— Il est trop bizarre, j’arrive pas à croire qu’il soit mon père. Il a même pas pu me dire comment c’est arrivé, lui et ma mère. Il se noie dans des espèces de plaintes, du genre « tu ne comprends pas », « ce n’était pas de ma faute » ou ce genre de conneries. Pourquoi il veut pas me dire comment il a réussi à séduire ma mère, à coucher avec elle ? Ou alors… Merde, si ça se trouve, c’est ça, la drogue du violeur, l’enfoiré, il aurait fait ça ? C’est pour ça que ma mère m’a jamais rien dit ! Elle était même pas au courant ! Je vais le tuer, ce con !

— Arrête, tempéra Philippe, regarde ce qu’il t’a compilé, il faut que tu lui fasses confiance. Après, tu te feras une idée sur ce que tu dois faire, le tuer ou non, d’accord ?

— Mais pourquoi il me fait passer ça à moi, d’abord ?

— S’il a trouvé la réponse à votre problème, suggéra Roger, à qui veux-tu qu’il en parle ? À Hector ? Il n’écouterait même pas. Marie ? Il y a longtemps qu’il n’attend plus rien d’elle. Toi, s’il a admis la vérité, tu es le choix le plus logique, le moyen de créer un lien entre un père et sa fille de quinze ans dont il ignorait tout jusqu’à présent.

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La journée touchait à sa fin lorsque Philippe fit décoller verticalement le Hibou. Marie et Roger regardèrent leur fils s’éloigner, quand Joanie arriva en courant, l’air complètement affolée.

— Non ! Retenez-le, il ne doit pas partir, il faut que j’aille avec lui !

Philippe, depuis le cockpit vitré du Hibou, fit un signe de la main à Joanie tout en lui adressant un sourire affectueux, puis fit faire volte face à son engin qui prit la direction du ciel à pleine vitesse.

— Il faut que vous voyiez ça, il faut l’empêcher d’y aller, il faut prévenir Hector ! Il faut que vous voyiez ça ! cria Joanie, tendant à Marie la clé de Fred.

Complètement paniquée par une situation qu’elle ne maîtrisait pas plus que Marie et Roger ne la comprenaient, Joanie, le cœur battant, le souffle haletant, laissa couler une larme sur sa joue. Roger et Marie se regardèrent, surpris de cette réaction excessive, puis emmenèrent Joanie vers le centre de contrôle. Luc finalisait l’installation du système. Il prit la clé et l’inséra dans le premier lecteur à portée de main. Aussitôt, sans qu’aucun protocole n’eût besoin d’être activé, le visage de Fred apparut sur l’écran principal.

— Qu’est-ce qu’il fout là, lui ? demanda, agacée, la voix d’Hector dans le dos des quatre spectateurs.

Mais, au moment où Hector faisait son entrée à l’improviste dans la salle de contrôle, la lecture du fichier vidéo avait déjà commencé.

— Bonjour Jo. Je sais que tu te poses beaucoup de questions, sur moi, sur ta mère, sur toi. J’ai également pas mal réfléchi, ces derniers jours. Rien de tout ça ne me semblait possible, et pourtant, les faits sont là. Rappelle-toi que je ne t’ai jamais menti, quand je t’ai dit que je n’avais rencontré ta mère qu’une seule fois dans ma vie, quand je t’ai dit que je la trouvais belle à faire damner tous les saints du paradis. Mais, encore une fois, je ne suis pas un saint, Jo. Aujourd’hui, je peux tout t’expliquer, tout est dans cette clé. Au moment où tu regarderas cette vidéo, je serai parti faire le grand ménage dans mon passé. Trop de souffrance, dans cette histoire, ne peut pas rester impunie. Je n’ai jamais eu aucune raison de te mentir. Ça ne va pas commencer aujourd’hui.

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