Quand je me père…

Une minute de lecture

La rue, les gens, moi…

Putain ! Qu’est-ce que je fous là ? En plus, y’a que des vieux !

Yambol [1], un patelin improbable dans un pays qui l’est encore plus.

Mais j’avais envie de partir, loin.

Loin de chez moi, loin des miens.

Je n’avais plus la force de rester.

J’en pouvais plus de l’hosto, des chimios, de te voir dépérir et lutter, malgré tout.

Un gosse, ça doit passer son temps sur les bancs de l’école ou sur les terrains de foot, pas sans cheveux, pas là-bas, entouré de blouses blanches dans ce mouroir.

Parce que j’ai peur, mon fils.

J’ai peur de te voir nous quitter, de ne pas pouvoir retenir mes larmes, ni même me relever.

De ne pas savoir vivre sans toi.

Alors j’ai fui.

J’ai balancé mon portable et sauté dans le premier train, une photo de toi entre les mains.

Une photo d’avant.

Pour ne pas t’oublier.

Je ne voulais pas t’oublier, juste faire comme si la maladie n’existait pas, n’existait plus.

Revenir en arrière et profiter de tout, tout ce qui nous échappe et est désormais derrière nous.

Je suis avec toi, Tom, même si je suis là.

Je suis tellement las tu sais, j’ai tellement froid aussi sans toi.

Je devrais peut-être rentrer. Oui, rentrer…

Attends-moi mon bonhomme, attends-moi !


[1] ville du Sud de la Bulgarie

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