The moon’s girl
Aux " enfants de la lune ",
atteints du Xeroderma Pigmentosum,
une maladie génétique rare et orpheline.
Elle savait bien qu’elle n’aurait jamais dû ouvrir la persienne,
Qu’elle n’aurait jamais dû s’exposer à ce soleil vert, si pathogène.
Mais elle ne voulait plus vivre ainsi, retirée du monde,
Alors la touffeur extérieure, si prégnante, l’avait appelée.
C’est ce qu’elle racontera plus tard, lorsqu’on lui demandera pourquoi.
Pourquoi avoir bu au goulot de cette bouteille de kéfir jusqu’à s’en enivrer ?
" A cause de la touffeur, dira-t-elle, c’est elle qui a tout déclenché ! "
Cette envie de fouler la pelouse ocre au-dehors, nimbée d’évanescence…
Elle ne voulait pas y aller, elle savait qu’elle en mourrait un jour,
Que les peaux exsangues ne sont pas faites pour s’enduire de cette suie opaque
Qui brûle la chair de ces corps devenus fuligineux.
Elle n’aurait jamais dû ouvrir la persienne,
Ni s’abreuver de ce kéfir presque hallucinogène,
Celui qui rend fou et déforme les réalités rétiniennes.
Il y avait aussi ce ciel jauni-turquoise,
Celui qui ne pouvait qu’attirer les jeunes filles qui ne connaissent rien d’autre que le gris-noir.
Il y avait ses pas de plus en plus lourds, de plus en plus traînants
Jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus la porter,
Équilibre précaire qui s’effondre et fémur qui se brise comme du cristal sur la roche aride.
Et puis, le brancard et l’infirmerie, l’adieu aux couleurs, le lit vide.
Elle refusera de rester à l’ombre toute sa vie.
Alors elle s’enfuira, encore.
Marcher dans l’herbe brunie, d’un pas plus assuré peut-être,
S’habituer doucement à se laisser hâler.
Une fuite sans but, juste pour vivre, même au péril de sa vie.
La laissera-t-on faire cette fois-ci ?
Avoir le choix entre mourir et mourir…
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