Survivre (écho)
" Elle appuie là où ça fait mal jusqu’à ce que je craque
Jusqu’à ce que mes valeurs s’effondrent et que je passe à l’acte "
L’équilibre
Paroles / musique : Benoît Poher / B.Poher - N.Chassagne - Florian & Fabien Dubos
Interprète : Kyo
Le premier jour
Je vais trop vite.
Je sais que je vais trop vite, qu’on ne passera jamais le prochain virage.
Tu l’as compris.
Tu me supplies de ralentir, je ne t’entends pas, je n’écoute plus.
Ma vue se trouble, mes yeux me brûlent, je les ferme.
Le choc.
Puis plus rien…
***
CHU de Grenoble Nord. Un homme et deux enfants. Trois visages ravagés par des larmes. Je les remarque à peine… Je cherche Simon du regard, l’aperçoit, m’élance vers lui, haletante, paroles quasi inintelligibles :
— Qu… Qu’est-ce… Qu’est-ce que…
Simon me serre dans ses bras en me caressant les cheveux.
— Une sortie de route. Il est dans le coma, Diane. Il a besoin de toi…
Je m’écarte de ton meilleur ami.
— On m’a dit… Qu’il était accompagné… Une femme… Qui est-ce, Simon ?
— Je ne peux pas te le dire, j’ai promis à Roman…
— Arrête, Simon, arrête de me prendre pour une conne ! Je sais qu’il me trompe, je sais que c’est sa maîtresse…
— Elle est morte, Diane ! C’est son conjoint, ses enfants que tu viens de croiser là !
Je ne parviens pas à éprouver une quelconque empathie pour cette famille en deuil. Si cette fille ne t’avait pas séduit, elle serait encore là pour ses gosses, son homme. C’est à cause d’elle tout ça…
— Diane, il faut que tu ailles le voir…
— Je ne peux pas, Simon ! Je ne peux pas…
— Putain, Diane ! Je sais que Roman a déconné un max, mais il n’y a que toi qui puisses le raccrocher à la vie ! Si tu le laisses comme ça…
— C’est au-dessus de mes forces. Je regrette…
— Diane ! Diane, l’abandonne pas, bordel… Diane !
***
Un voile de lumière, de grands arbres qui dansent au-dessus de ma tête.
Mes paupières sont lourdes, je suis fatigué.
Un étau m’enserre le crâne.
Qu’est-ce que je fous là, en pleine forêt ?
Je ne me rappelle pas, je ne me rappelle plus.
Comme une impression d’avoir tout oublié.
Je me relève, je te cherche partout.
Je te distingue à peine, nimbée d’une lueur laiteuse et brouillée.
— Laura ? Laura, c’est toi ?
L’esquisse de mon sourire s’estompe à mesure que les volutes se font plus denses.
J’ai encore ta main dans la mienne, j’entends ta voix…
***
Le second jour
— Je ne sais pas quoi lui dire, Simon…
— Parle-lui. Il a besoin de savoir que tu es là.
— Roman… C’est moi, Diane…
***
— Viens… Viens avec moi…
— Laura ? Ne lâche pas ma main, Laura, ne t’éloigne pas de moi…
***
— Les types de Securitas sont venus réparer l’alarme ce matin. J’ai cru qu’ils n’allaient jamais y arriver…
— Non, Diane. Pas comme ça. Parle-lui vraiment.
***
— Ne lâche pas ma main, Laura, ne lâche jamais ma main…
***
— Je… Je sais que… Que je ne suis pas une parfaite épouse… Pas celle dont tu avais rêvé en tout cas mais… Les enfants… Les enfants ont besoin de toi, Roman. Ils ont besoin de leur papa. Il faut que tu reviennes, Roman, il faut que tu guérisses…
***
— Laura ? Laura ! LAURAAAA !
Tu n’es plus là.
Je hurle ton prénom, mais tu ne réponds pas.
Tu as disparu, Laura, disparu de ma vie.
***
— Ses paupières, Diane, regarde ses paupières ! Elles bougent. Il se réveille, nom de Dieu, il se réveille ! Parle-lui encore…
— Roman… Kevin et Margaux t’attendent… Ils t’attendent.
***
Un blanc criard, l’agressivité d’un néon qui m’explose la rétine.
Par-delà mon rideau de larmes, ce n’est pas toi que je devine, Laura.
C’est Diane, c’est ma femme qui est à mon chevet.
Et Simon, mon ami, mon frère.
Celui qui sait tout de toi.
Je n’ai pas besoin de l’interroger du regard pour savoir.
Savoir que je t’ai perdue…
***
Le premier jour
— Pourquoi Laura ? Donne-moi une seule bonne raison…
— Parce que c’est égoïste, parce que nous deux c’est impossible. On va finir par briser nos gosses si on continue comme ça, Roman. On n’en a pas le droit. Tu sais aussi bien que moi que notre histoire n’a pas d’avenir. Pas dans cette vie…
— Alors je vais nous en inventer une autre, mon amour. Une réalité dans laquelle on pourra s’aimer…
Je rétrograde, j’accélère.
— Non Roman, arrête ! ARRÊTE !!
***
Le dix-septième jour
Je franchis les grilles du cimetière de Charrière-Neuve, un bouquet de roses à la main.
Les graviers de l’allée crissent sous mes pas.
Aymeric se recueille sur ta tombe, je m’approche.
Il me lance un regard noir.
Je baisse les yeux.
Parce que c’est moi qui ai lâché ta main, Laura.
Et le père de tes mômes le sait.
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