No exit
J’avale.
Des kilomètres d’asphalte brun.
Qui défile sous mes roues ?
Souvenir d’une nuit poisseuse.
Comme cette crasse.
Qui suinte inexorablement sur le pare-brise de ma bagnole.
Que le crachin ne délave pas.
Comme le sang desséché.
Que les essuie-glaces peinent à effacer.
Y’a des traces indélébiles qui traînent encore.
Dans les couloirs de ma mémoire.
Des yeux exorbités.
Dans la lumière des phares.
Je bouffe.
Des tonnes de bitume à n’en plus finir.
Je fuis.
La gosse est toujours là.
Une musique lancinante.
" Nous n’irons plus au bois… "
Y’a le néon d’un motel.
Sur la Route 66 qui m’explose la rétine.
Y’a un flash qui m’aveugle.
Y’a une môme qui s’dandine.
Taper dans l’frein et s’arrêter trop tard.
Traces de gomme d’un con.
Qui dégomme ?
Y’avait une fille sur le trottoir.
Bien balancée, les seins nus.
Peut-être que j’avais trop bu.
J’sais pas, j’débloque le soir.
Alors si ça s’trouve.
L’était pas nue.
Y’avait p’t-être pas d’fille à poil dans l’noir.
Juste une gamine.
Ou bien sa mère.
Ouais, c’est sa mère qui a crié.
La gamine a rien dit.
Elle a pas bougé.
Cette conne.
Sans doute elle a pas eu l’temps.
Sans doute j’allais trop vite.
Je vais toujours trop vite.
Des idées à la con.
Et un putain d’chewing-gum.
Qui dégomme mes illusions.
Et pis j’gamberge, je re-mords.
J’me fous la gerbe, me mets à mort.
Jusqu’à flinguer.
Le type peinard.
Celui qu’j’étais.
J’ai tout raté.
Ma vie, mon rendez-vous, un motel.
Et cette fille que j’ai même pas baisée.
Celle aux seins nus dans mes pensées.
Un mâle à chier.
Y’a la mort qui prend aux tripes.
Qui colle aux basques et qui lâche pas.
Y’a la mort en face de moi.
Celle que j’ai donnée.
Celle qui veut m’prendre.
M’enculer.
Je fonce droit dans l’mur.
Lui non plus ne bouge pas.
Ma vie n’est qu’un parjure.
Je l’écrase, il me tuera.
Comme hier.
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