Ils arrivent, ils sont là !
— Fils, je ne veux plus entendre ces mots sortir de ta bouche !
— Mais maman, tu ne comprends donc pas la situation ? Il y a eu un bateau, puis un deuxième, puis un troisième, et encore un, et un autre… Et à chaque fois, au moins deux-cents débarquent.
— Oui, mais ce sont des êtres humains, ils ont traversé la grande mer, parce qu’ils fuient la misère et l’oppression dans leur pays. Nous devons les accueillir.
— Mais ils sont de plus en plus nombreux ! Ils se reproduisent comme des chiens de prairie !
— Maintenant, ça suffit. Comment ces idées de haine ont-elles pu naître dans ton esprit ?
— Ils ne nous respectent pas, maman. Demain, ils nous tueront. Il y a déjà eu des cas.
— Oh oui, des faits divers montés en épingle par des bas du front qui refusent d’accepter que cette immigration est une grande chance, et je te vois venir, tu vas me ressortir ta théorie raciste et immonde du grand remplacement. Honte sur toi, mon fils.
— Si on ne réagit pas de suite, nous finirons à moisir dans des réserves, et encore, pour les moins malchanceux.
— Nous, nous sommes un grand peuple, généreux, tolérants, et si nous sommes gentils avec nos nouveaux compatriotes, ils seront gentils avec nous, ainsi va la vie. Mais toi, tu es un méchant, tu te vois déjà comme le dernier des nôtres dans ton esprit torturé.
— Et bien, moi, je veux et je vais résister.
— Comment ai-je pu rater ton éducation à ce point ? Tu es devenu un identitaire. Mon fils est un facho ! Ouvre ton esprit, regarde les derniers arrivants, ces Jackson, Washington, Custer, ne sont-ils pas, ou ne seront-ils pas une richesse pour notre pays ? N’as-tu pas écouté le beau discours du grand sachem de L’Amérindie Insoumise ? Ou du petit sachem libéral, celui qui nous vend l’alcool ?
— Pour le pays, peut-être, mais pas pour nous. Nous, Les Mohicans, nous n’y serons plus. Et même si certains survivent, ils auront perdu leur langue, leur culture, leurs lois... Quant au grand sachem, je me demande bien quelles plantes il fume dans son calumet. Ou alors il est juste con. L’un n’excluant pas l’autre… Mais enfin, maman, ne vois-tu pas la réalité ?
— La réalité ? Ah ah la réalité… Mais enfin, peut importe la réalité, fils, seule la vérité compte. Le réel n’existe pas. Nous créons le monde à notre image, notre esprit crée la vérité.
— La vérité ? Quelle vérité ?
— Celle du grand sachem, bien sûr. Et beaucoup de gens croient en ses idées. Ou à celle du petit sachem. Parce que vois-tu, malgré leurs différences apparentes et les signaux de fumée médiatique aggressifs, sur le fond, il veulent la même chose.
— Alors nous méritons vraiment de disparaître...
P.S. Si vous souhaitez une autre version, Cherokee, Comanche, Nahuatl, Séminole, Arawak, Patagone, etc. (la liste est longue), prière de contacter l’auteur.
P.P.S. Toute ressemblance ou rapprochement avec une situation actuelle ne serait due qu’au plus grand des hasards et à l’insu de l’involonté déflagrante et improbable des connexions neuronales aléatoires de l’auteur qui, malgré sa barbe, reste un grand naif attardé qui ne comprend rien aux grands discours idéologiques et moralinateurs, et qui, de plus, ne voit pas plus loin que le bout de son nez, qu’il a heureusement fort long.
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