27. Une toute autre image ...
Daphnée retrouva Marine pour le rendez-vous qui devait clôturer l’enquête du magasin. Marine savait que cela ne prendrait pas plus de dix minutes, mais elle avait prévu de cuisiner la jeune femme à propos de ce qu’Olivier avait bien pu lui raconter, ou non, sur ses aventures précédentes.
En mettant un terme à l’entretien officiel, Marine indiqua à la jeune femme,
— Eh bien voilà, vous êtes arrivée au bout de cette enquête, félicitations, vous avez gagné le bon de cinquante euros !
Souriante, elle le déposa sur la table en lui demandant :
— Vous avez déjà repéré quelque chose dans le magasin ?
— Oui, un ensemble « sortie de bain » vert pomme !
— Oh oui, je vois, ils sont très demandés, les couleurs sont superbes !
Prenant une mine étonnée, elle creusa un peu l’affaire…
— Mais, par rapport à la liste, ce n’est pas vraiment le style de couleurs que vous aviez choisies, non?
Sur un ton de voix timide, Daphnée lui répondit
— Effectivement, mais Olivier voulait choisir avec moi…
— Et quoi ? Il n’aime plus les couleurs ?
— Non, il ne voulait pas se déplacer en boutique… Nous avons choisi par internet.
— Oh ben, Monsieur ne se déplace même pas pour son héritier ; je l’ai connu plus motivé !
Marine avait lancé cela sur un ton moqueur, mais en voulant heurter Daphnée…
— Je… Que voulez-vous dire ?
— Oh, excusez-moi, j’ai peut-être fait un impair…
— Non, non, je vous en prie… Olivier n’en parle pas vraiment, de son vécu avec le bébé d’Adèle.
Daphnée soupira et déballa le peu qu’elle connaissait,
— J’imagine qu’il doit encore digérer le fait qu’Adèle se soit fait avorter dans son dos alors qu’il l’attendait, ce bébé… Même s’il n’était pas sûr d’être le vrai père.
Marine s’étrangla avec son café, Daphnée la regarda, étonnée,
— Vous ne saviez pas ?
— Je ne savais pas quoi ? Demanda Marine, hésitant entre éclater de rire et balancer directement la « vérité vraie ».
— Qu’Adèle s’était fait avorter du bébé parce qu’elle ne savait pas s’il était de son amant ou d’Olivier.
— Je…
Marine eut un rire nerveux, puis regarda Daphnée dans les yeux en posant son menton sur ses mains jointes et lui minauda ,
— Daphnée, voulez-vous réellement savoir ce qui s’est passé avec Adèle et moi ou préférez-vous vous contenter de la version édulcorée et romancée que vous a, visiblement, donné Olivier ?
Un rien décontenancée, Daphnée lui répondit, en hésitant,
— Mais, je crois Olivier… Il a souffert, elle n’avait pas à lui faire ça…
Marine haussa les sourcils et gloussa en reprenant une gorgée de café.
— Et vous l’avez cru ! Pauvre petite !
Heurtée par cette remarque qu’elle trouva déplacée, elle lui rétorqua,
— Mais, je ne vous permets pas…
— Oh, à d’autre, hein ! Olivier, je le connais, j’ai été sa maîtresse alors même qu’il était avec Adèle ! On arrête les enfantillages, ma petite chérie ; Olivier n’a rien d’un prince charmant !
Abasourdie, Daphnée balbutia,
— Que… Quoi ? Vous étiez sa maîtresse ?
Avec un sourire carnassier, elle lui précisa,
— Mais oui ! Je devais même lui servir de « ventre » au cas où Adèle n’arriverait pas à tomber enceinte. Le petit cachotier ! Visiblement, il ne vous l’a pas expliquée, cette affaire-là !
— Quoi ? Mais, c’est elle… Elle était enceinte… D’un autre…
Marine regarda Daphnée qui cherchait à comprendre les informations qu’elle venait de balancer platement. Elle jubila, elle allait avoir sa revanche sur Olivier, elle allait lui faire payer le soir où il l'avait remballée en refusant de lui faire un enfant.
Elle se composa un visage compatissant et posa la main sur celle de Daphnée en lui disant,
— Écoutez, Olivier a toujours été comme cela, vous savez. Moi aussi, j’y ai cru.
Elle soupira puis lui proposa,
— Est-ce que vous voulez que je vous donne ma version de l’épisode « Adèle » ?
Sans mot dire, Daphnée acquiesça. Marine lui expliqua son arrivée dans le couple qu’il formait alors avec Adèle, la proposition d’Olivier, sa fausse alerte, la rupture, l’annonce de la grossesse d’Adèle et la fausse-couche provoquée par la maladie qu’elle avait transmise.
Daphnée ébahie, resta sans voix lorsque Marine termina son récit. Voyant qu’elle pouvait encore marquer des points, elle en rajouta une couche,
— Vous savez, je m’en veux énormément pour la maladie, sans cela, il serait en train de pouponner avec elle…
Elle s’arrêta, puis reprit, mielleuse,
— Oh, désolée, mais sans cela, vous ne vous seriez pas retrouvés Olivier et vous, et vous n’attendriez pas cet heureux évènement.
Elle soupira et balança, cyniquement,
— Comme je le dis toujours, il faut trouver le positif dans tout, même dans le malheur d’autrui !
Elle sourit en coin en observant Daphnée qui pleurait discrètement en fixant la table qui les séparait.
Après avoir essuyé ses larmes, la jeune femme posa une dernière question à Marine,
— Et vous, vous avez réussi à avoir un enfant, finalement ?
— Non, hélas, mais je garde espoir, vous savez, il faut juste que je sois plus sélective avec les hommes que je choisis, histoire d’éviter de revivre ce que j’ai connu avec Olivier.
Marine soupira en prenant un air dépité puis se ressaisit et dit à Daphnée,
— Oh, mais… Je suis désolée, je vous ai déballé tout cela, j’ai comme l’impression d’avoir brisé quelque chose en vous.
A la fois songeuse et dépitée, Daphnée balbutia,
— Je comprends mieux pourquoi il ne voulait pas que je vous invite pour un apéro… Votre version de sa « douloureuse rupture » est à mille lieux de la sienne !
Daphnée s’écroula en pleurs, Marine la consola en jouissant intérieurement à l’idée du pavé qu’elle venait de jeter dans la mare de la petite vie paisible d’Olivier.
Une fois remise, Daphnée indiqua qu’elle allait prendre congé. Marine lui expliqua qu’elle comptait rester encore quelques jours en ville, et que, si elle avait envie d’obtenir d’autres détails, elle n’avait qu’à l’appeler sur son téléphone portable. Elle griffonna son numéro privé sur l’une de ses cartes de visite et la tendit à Daphnée qui, après avoir hésité une fraction de seconde, l’attrapa et la glissa dans son sac après l’avoir remerciée. Ensuite, elle quitta les lieux.
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