Bahamas, 1705.

La maison subissait les assauts des vents et des intempéries, juchée non loin de la falaise qui offrait une vue imprenable sur l’océan. C’était ici, parmi rochers, fougères et buttes herbeuses qu'Ethan entretenait ses rêves et ses passions de petit garçon. C’était son lieu de prédilection où il pouvait laisser libre cours à son imagination si fertile et si audacieuse. L’enfant passait des heures à guerroyer contre des ennemis invisibles, à inventer un monde hostile dans lequel il était seul conquérant.

Parfois, il lui arrivait même d’y entraîner sa sœur Bekhy, de deux ans son ainée, pour jouer les demoiselles en détresse, enlevée par la marine anglaise ou par des marchands d’horizons lointains. Dans sa version préférée, c’était lui le gentil brigand, le charmant pirate qui venait la délivrer. Quoi de mieux qu’être pirate ? Un célèbre et aventureux forban qui avait déjà bourlingué sur les sept mers à bord d’un navire de guerre hors normes de plus de 1 000 tonneaux et 70 canons. Un homme libre qui ne répondait qu’à un seul appel, celui de la mer.

En ce temps-là, Bekhy n’avait pas encore l’âme aussi belliqueuse que son frère et elle ne comprenait pas pourquoi Ethan préférait devenir un pirate plutôt qu’un noble et vertueux marin de la Couronne. À cela, il répondait sans cesse que c’était beaucoup plus attrayant et plus dangereux, sur quoi, elle rétorquait que s'il continuait ainsi, il ne ferait pas de vieux os car tous les pirates, selon ce qu’elle avait déjà entendu, finissaient pendus un jour ou l’autre. Ethan terminait ipso facto leur sempiternel dialogue par un haussement d’épaules, puis brandissait son épée en bois en déclarant : « Je serai différent moi, un jour tu comprendras. »