L'énigme de la beauté

(Ce texte n'a rien de philosophique.)
La perception de la beauté est une faculté qui joue un rôle important dans la vie des êtres humains On peut affirmer, plus spécifiquement, que l'apparence joue un rôle majeur dans nos vies. Elle serait à la base de ce jeunisme que déplorent certains seniors !
De quoi parle t'on, exactement, quand on évoque la beauté ?
a) On soulignera d'abord que c'est un fait, un constat qui ne s'explique pas. On ne sait pas exactement pourquoi quelque chose ou quelqu'un est beau. Quand on s'essaie à le définir, on parle d'harmonie, de symétrie, de perfection.
Cette qualité ne s'intellectualise pas : quand quelqu'un nous plaît, on ne s'amuse pas justifier pourquoi. Cela prend directement figure d'évidence. L'effet, sur nous, est instantané : Le mental est court-circuité, l'effet ressenti est physique.
Donc la beauté nous interpelle.
b) Devant certains monuments, paysages, êtres vivants, il se produit ce « mouvement » interne : une émotion qui nous fait s'exclamer : « c'est beau ». Ce spectacle peut même interrompre l'action en cours: on reste là médusé, sidéré, à admirer, par exemple, la personne qui passe. « Aschenbach fut frappé d'étonnement et presque épouvanté de la beauté divine de ce jeune mortel »1
Ce « coup de coeur » est rapidement suivi par une volonté d'appropriation (Pourquoi sinon pourquoi tous ces selfies et photos ? ). Cette beauté nous voulons l'accaparer.
Illustrons ce désir de possession dans une autre situation : une salle de musée de peintures ou de sculptures. La possession s'exprimera à travers l' impulsion à vouloir toucher, caresser. Pensons aux statues grecques. c) Le beau nous attire et on ne reste pas insensible à sa présence : une belle fille, un gars bien bâti nous donnent l'envie de rejoindre ces corps. On peut trouver curieux cette volonté de vouloir s'approcher de cette « chose »: la beauté, que l'on ne peut finalement pas définir, autrement que superficiellement, par l'apparence des formes extérieures : un visage, un corps, une démarche, un sourire!
Telle est la ruse de la beauté, : la « Nature » se sert de cette qualité pour faire se rencontrer les êtres lors de « manœuvres » de séduction.
Dame Nature nous piège ainsi afin de nous amener à la reproduction.

d) Le beau nous voulons en être propriétaire : Nous aspirons tous à la beauté : « Il me semblait alors que la beauté est la plus haute valeur, la seule chose que nous voulons tous être ou avoir, ou que nous voulons détruire si nous ne l'avons pas ... » Edmund White2

Cette envie de captation, de possession prend également un autre chemin : dans la volonté de construire la beauté pour soi. Par exemple en imposant à notre corps une discipline : maquillage,musculation, régime, tatouages. Ou bien en créant une œuvre extérieure (peinture, sculpture) qui fera émerger la beauté de nos mains.
e) La beauté appelle aussi au partage : cette jubilation devant un paysage, un œuvre d'art ou un individu, il faut l'énoncer à autrui. Il est difficile de s'émerveiller seul. Si l'autre prend part à notre enthousiasme, nous sommes alors comme relié à lui. Pensons à ces clichés reproduits en photo ou un cinéma : un couple contemplant la mer au coucher du soleil ….
f) Malgré les goûts des époques et les préférences individuelles, il y a cependant un certain consensus sur ce qui est considéré comme esthétique. Sinon, pourquoi courrions-nous voir le Tajh Mahal, le Grand Canyon , une peinture de Caravage ou le David de Michel Ange ?
Cependant, s''il y a concordance d'opinions, chacun a aussi ses critères propres.
g) La beauté est incarnée.
Notre revendiquons notre corps ! Il nous appartient de s'en occuper ou non. Impossible de se choisir tel ou tel corps, c'est un donné de naissance. La beauté est un héritage mais un héritage immérité.
Revenons à présent à ce jeunisme que nous évoquions en début. La beauté est associée à la jeunesse, c'est elle qui rend la jeunesse attirante. Une musculature bien développée, une peau lisse, un corps bien proportionné, sont certes agréables à regarder mais ce ne sont que des apparences, temporaires de plus.
Il est commun d'entendre le rejet des gros, des moches, des vieux. S'emparer de son héritage corporel pour mettre certaines personnes à distance est alors profondément injuste.
Beaucoup de seniors (gays ou non) se défendent d'ailleurs de cette exclusion en affirmant : « J'ai la jeunesse du coeur ».

En conclusion
Si on ne peut donc définir ce qu'est exactement le beau, ni ce à quoi il sert, on peut cependant évoquer ce que provoque en nous le spectacle du beau.
La beauté est cette émotion que l'on recherche, cette qualité que l'on admire et envie, que l'on aime partager et s’approprier, dans la mesure du possible.

1« Mort à Venise » T Mann

2« Un jeune américain »