chapitre 1-Rivecourbe

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Le silence régnait sur les terres de la Membie, la lune, de ses dernières lueurs  éclairait faiblement la ville de Rivecourbe. Un vent chaud soufflait dans les arbres, faisant voler les feuilles dans la somptueuse vallée. Dans ce petit coin de paradis abondait une diversité de flore, de faune et de créatures mystérieuses. Les terres de la Membie regorgeaient d’êtres courageux et dévoués à leur peuple. Fiers et vaillants, chacun témoignait de leur force ainsi que de leur bravoure. Pour certains, cela venait de l’âme...

Assis sur le toit de sa maison surplombant Rivecourbe, Dawnwolf du haut de ses 17 ans scrutait l’horizon. Il aimait se sentir libre et laisser la brise enflammer son imagination débordante. À l’aventure à travers tout le pays, il explorait les marécages putrides de Bordmarais, les cavernes du mont Gromyr, l’épée à la main pour découvrir les trésors les plus anciens du monde d’Argantar…
Mais pour l’instant, une plaine verte s’étendait à perte de vue. Des arbres et des fleurs parsemaient celle-ci, s’y mêlaient biches et papillons multicolores… Le temps passa, la nuit tira à sa fin et l’astre de feu déploya timidement ses premiers rayons. La douce lueur de l’aurore pénétra la vallée de la Membie, laissant place à la quiétude et la tranquillité des lieux.

Au cœur de celle-ci Rivecourbe se dévoila, renfermé au creux de larges enceintes qui, par endroit, montraient quelques faiblesses. Situé sur les bords de la rivière, elle présentait des rues étroites, irrégulières et obscures. Elles donnaient l’impression d’être privées de courants d’air salutaires comme de la lumière du soleil.

Presque toujours les artisans d’une même profession se logeaient dans les mêmes rues. Ils cherchaient dans leur réunion une force les protégeant de l’oppression. Malgré les patrouilles régulières des gardes à l’intérieur comme à l’extérieur de Rivecourbe, des brigandages se commettaient dans les rues éloignées du centre, comme dans les sentiers, entourant la ville.

Au milieu de la ville, dont les rues présentaient pendant la saison des pluies une fange qui ne permettait souvent de les parcourir qu’à cheval ou monté sur des échasses.  Régnait une humidité, si grande et si corrosive, que la rouille et le vert-de-gris couvraient les fers et les cuivres des portes et des fenêtres.
Ces cloaques multipliés et les gaz qui ne cessaient de s’en dégager faisaient naître et répandaient ces maladies hideuses et terribles, connues sous le nom de « mal des ardents » ou « feu sacré », et la lèpre, la plus affreuse de toutes, qui faisait mourir deux fois le malheureux qui en était atteint. Dawnwolf n’aimait pas cette ville où il était né, car c’était un endroit froid où venaient plusieurs aventuriers, seul ou en groupe en quête d’aventures ou de ravitaillement.

Le soleil pointait le bout de son nez, il décida donc de vite renter pour ne pas effrayer ses parents.

Dawnwolf ouvrit délicatement la porte pour ne pas réveiller ses parents, celle-ci grinça un peu, il tendit l’oreille tout en espérant que personne ne réagisse. Aucun son dans la maison, il put rentrer et la refermer avec un minimum de bruit.
Marchant sur la pointe des pieds, il fila discrètement dans sa chambre.
Quelques minutes plus tard, il entendit sa mère qui l’appelait, il sortit de sa chambre les cheveux soigneusement ébouriffés, il attendit de l’apercevoir à l’angle de la cuisine pour feindre un long et bruyant bâillement.
— Bonjour mon petit loup, c’est l’heure du petit déjeuner.
— Posant un délicat baiser sur la joue de sa mère, il lui dit mais où est papa ? Avec un air étonné.
— Il est parti dans la nuit à sa boutique, c’est le jour des ventes et tu sais très bien qu'il veut que tout soit parfait.
Dawnwolf s’assit sur un tabouret en bois devant la table grossière et prit son déjeuner avant d’aller retrouver son père pour la vente.

Il adorait aider son père, car il pouvait lui montrer qu’il était grand et responsable, ce qui faisait la fierté de celui-ci. Une fois son petit déjeuner fini, il se dirigeait dehors le sourire à la lèvre. Sa mère le rattrapa sur le seuil de la porte, serra son fils dans ses bras et posa délicatement un doux baiser sur son front.
En relevant la tête afin de le laisser partir, elle aperçut une ombre se dirigeant vers Rivecourbe, avant que celle-ci ne disparaisse d’un seul coup. Surprise, elle allait demander si son fils avait vu ce qu’il s’était passé, mais il s’en était déjà allé.

Dawnwolf, fils d’Ograbras, suivait les traces de son père afin de devenir le futur forgeron de la tribu. Fort, courageux et intrépide, il avait de nombreuses fois fait éloges vis-à-vis du peuple de la Membie.

Par cette magnifique journée, Dawnwolf se dirigea vers la ville, en sifflant et chantonnant les chants que sa mère lui avait appris. Il marchait d’un pas ferme et généreux vers les portes de celle-ci.

La route était longue, mais rien n’arrêtait Dawnwolf, qui s’impatientait de rejoindre son père. À l’orée d’un bosquet, il aperçut une sublime cascade dont le torrent déferlait sur les rochers une eau claire et limpide. Tandis que la nature lui offrait une scène paradisiaque, Dawnwolf en profita pour faire regain d’énergie, s’abreuvant au passage. Une fois revigoré, il se leva et reprit  sa marche de pied ferme.

Il arriva enfin aux portes de Rivecourbe, exténué par cette longue marche, il s’appuya sur un rocher à proximité de celle-ci afin de reprendre son souffle.
Une fois reposé, il salua les gardes se trouvant à l’entrée et franchit les portes.
Chaque semaine, paysans de la campagne voisine et boutiquiers du lieu apportaient leurs produits au marché. Il était interdit ce jour-là aux commerçants de la ville de rester chez eux selon la loi en vigueur et ils devaient fermer leurs magasins et placer  leurs  étals sous peine d'amende.

Les foires ne se tenaient qu'à des dates plus éloignées, mais on y venait de plus loin.
C'était un des moyens de se procurer des produits des pays étrangers.
Les marchands, à cause des difficultés de la route et des dangers provenant des brigands ou même des seigneurs, s'y rendaient par groupes.
Il y avait trois foires principales par an, surtout celle de Londe, qui s'ouvrait solennellement dans la plaine Membie. Au mois de juin sous la présidence de l'évêque et où l'on vendait des chevaux et du parchemin.

Certains commerçants spécialisés dans le type de marchandises orientales comme le poivre, les noix, la cannelle, l'huile... étaient des hommes riches. Avec le développement du grand commerce, la fortune et le pouvoir des bourgeois commerçants allaient toujours croissant.

Dawnwolf se dépêchait pour rejoindre son père sur la place principale afin de l'aider pour la vente. De nouveaux marchands venus des contrées voisines faisaient leur apparition pour le plus grand bonheur des clients.

Dawnwolf retrouvait donc son père avec difficulté vu le nombre de personnes présentes sur le marché. Celui-ci lui expliqua les secrets de la vente pour le jour où il le remplacerait, comme c'était son héritage familial.
Le marché était bondé et dégageait une ambiance chaleureuse où se mêlaient la voix des vendeurs, celle des clients et les rires des enfants slalomant entre tout le monde pour se divertir sous le regard amusé des anciens assis sur un banc protégé du soleil par une toile de tissu.
Le stand d’Ograbras était placé devant sa boutique comme la plupart des autres commerçants, fait de planches en bois soutenues par de gros tréteaux étant donné le poids des armes et des armures exposées.

La joie se lisait sur le visage de Dawnwolf, il avait un grand sourire qui illuminait son visage ainsi que les yeux pétillants à l’idée d’apprendre et de découvrir. Grâce à la foule qui déambulait dans les allées, Dawnwolf et son père enchaînèrent les ventes toute la matinée. A la fin du marché, il restait quelques clients et le père de Dawnwolf décida de lui laisser les rennes pour voir comment il s’en tirait. Dawnwolf se sentit fier face à l'honneur que lui faisait son père. Pourtant, ses mains moites trahissaient sa peur. Plus que tout, il voulait éviter la moindre erreur. Son visage marquait cette angoisse, ses genoux s'entrechoquaient, ce qui faisait rire son père, car à son âge il avait vécu la même chose.

Il lui murmura à l'oreille le même conseil qu'il avait lui-même reçu de son père à ses débuts :

-N'aie pas peur, ce qui reste sur le stand ne sont que des babioles, fais de ton mieux, et sois fier de ce que tu auras fait c'est tout ce qui compte.

Sur ces paroles, Dawnwolf se ressaisit et fit ce que son père lui avait dit. Tout se passa très bien jusqu'à l'arrivée d'un drôle de personnage, accompagné par deux gardes lourdement armés. C'était un homme de petite taille et d'un âge frôlant la cinquantaine à vue  d'œil. Il portait des vêtements richement décorés avec un petit coffre sous le bras. Il ne souriait pas et avait la mine dure et renfrognée, ce qui fit peur à Dawnwolf.

Son père ne bronchait pas d'un cil, et posa une petite bourse à portée de cette personne, qui se dépêcha de la mettre dans son coffre avant de repartir comme si de rien n’était. Dawnwolf, surpris de ce manège, regardait son père d'un air inquiet. Avant même d'avoir pu ouvrir la bouche, son père lui expliqua que c'était le récolteur de taxe, et que tout cela était normal. Alors il le suivit du regard, et s'aperçut qu'il faisait le même rituel avec tous les marchands. Sa mère ne tarda pas à les rejoindre car elle voulait profiter du marché.

Tout à coup, il fût empoigné par son père, et se retrouva derrière son dos, son étreinte lui faisait atrocement mal. Il leva la tête croyant avoir fait une bêtise et vit son père tremblant, de la sueur coulait sur son front. Il fixait un homme qui se dirigeait vers eux. Cette personne était couverte d'une armure d'un noir profond surmontée d'une capuche, et son visage était dissimulé par un masque. Cet inconnu regardait le père de Dawnwolf fixement, sans cligner des yeux. D'ailleurs, ceux-ci étaient d'un rouge vif qui filait la chair de poule à toute personne les apercevant.

D'une voix grave, comme venant d'outre-tombe, il dit :

-Je viendrai le chercher dans un an, et tu sais très bien que toute résistance est inutile.

Et il disparut dans un nuage de fumée, sous le regard effrayé de tout le monde.

La Panique s'empara entièrement de la ville. Les clients furent raccompagnés à leurs attelages et conduits en dehors du village. Sur ordre de l'Ancien, une réunion s'organisa sur la place centrale tandis que les gardes verrouillaient les portes extérieures du village et coordonnaient des patrouilles.

L'Ancien était le chef du village et la personne la plus respectée. C'était un homme de taille moyenne, d'un âge assez avancé et il marchait avec un long bâton en bois blanc. Les habitants, paniqués, posèrent beaucoup de questions à tout va qui provoquaient un capharnaüm monstrueux. La peur était palpable et, malgré les tentatives de communication, personne ne se comprenait. Tout le village se retrouva alors en cercle sur la place centrale et obéirent au silence sous la voix puissante de l'Ancien qui prit la parole sans attendre :

—Mes chers amis ! Je dois bien avouer... Je ne pensais pas que cela arriverait, malheureusement c’est le cas et j'en suis profondément navré. Les habitants le regardèrent avec un certain étonnement, la peur croissante s'intensifiant encore dans les rumeurs qui commençaient à circuler.

—Calmez-vous ! ordonna l'Ancien. Comme vous le savez maintenant, un inconnu en armure se cache dans le village après sa rencontre avec Ograbras.

Parmi tous les murmures et les questionnements, ceux de Dawnwolf, qui c’était blotti dans les bras de sa mère, restaient les plus angoissés et les plus désireux de savoir réellement ce qui pouvait bien se passer...

L'Ancien fixait Ograbras un regard empli de tristesse et de compassion.

- Mes chers amis, je dois vous parler de mon fils maintenant et accepter  toutes les conséquences que cela implique, intervint Ograbas.

-Non ! Ne fais pas ça ! Je t'en prie …implora son épouse, les yeux pleins de larmes.
Ograbas se retourna vers sa femme.

-Ecoute Lumita nous devons dire la vérité à Dawnwolf et à tous les habitants.
Ograbas embrassa la foule du regard.
 Dawnwolf écoutait avec intérêt, sans comprendre, son cœur cognant plus fort dans sa poitrine, sa gorge se serrant et ses mains tremblant à l'aveu que son père s’apprêtait à faire.

Mon fils…commença Ograbas, hésitant. Mon fils n’est pas celui que vous croyez, lâcha-t-il, avec une motion certaine. Il n’est pas un humain comme nous autres et il est encore moins de mon sang avoua péniblement Ograbas.
Le silence s’empara de la place tandis que Dawnwolf accusait le coup, tombant genou sous le choc.
-Non ! hurla-t-il. Tu mens ! Ce n’est pas vrai !

-Je suis désolé que tu l’apprennes ainsi, fils. Et tu dois savoir que pour nous, tu es et sera toujours ce  que nous avons de plus précieux, assura Ograbas d'une voix protectrice.

Un nuage de fumée interrompit l’échange, dans lequel se distingua quatre inconnus, vêtus de la même façon. A leur apparition, la foule s’écarta et les gardes de la ville prirent leur position de défense. Mais les quatre intrus entouraient déjà Dawnwolf, leur épée à la main il les plantaires autour de Dawnwolf qui se retrouva prisonnier devant la foule inquiète.
L’Ancien observait l’évènement avec appréhension, conscient qu’il lui serait difficile d’empêcher l’inévitable. Il tenta malgré tout, de mettre un terme à la panique naissante.
— Arrêtez ! Ne faites pas ça ! Je vous en conjure !

Tout le monde le regarde terrifié et paralysé par ce qu'il venait de dire. L’un des quatre assaillants se tourna vers l'Ancien, un rictus malfaisant aux lèvres et l’intention visible de faire précisément ce pour quoi il était venu.

-Nul, pas même toi, l’Ancien,  ne pourra empêcher la prophétie de se réaliser !

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