Chapitre 3
Jean se retourna vers l'homme qui l'avait appelé. De plus près, ses vêtements gris ressemblaient davantage à un uniforme militaire qu'à des habits de ville.
— Oui ?
— Que faites-vous là ? demanda l'homme.
— Ben j'attendais mon bus...
— Pardon ? Il ne viendra jamais, vous savez.
— Comment ça ?
— Plus aucun véhicule public ne circule depuis hier soir.
— Quoi ? Mais pourquoi ça ?
— Vous lisez pas les infos ?
— Pas vraiment.
— Peu importe, prenez ça.
L'homme lui tendit un des pistolets accrochés autour de sa taille. Jean rechigna à l'attraper, il n'avait pas envie de s'embêter avec ce genre de trucs.
— Prenez-le je vous dis.
— Non merci, je n'ai pas envie d'avoir affaire à vos histoires.
— Ce ne sont pas que mes histoires, mais celles de tous les habitants de cette planète. Prenez-le, et vite, je n'ai pas de temps à perdre ! Nous devons protéger notre existence.
— Je ne suis pas un soldat, ce n'est pas à moi de gérer ce...
— Maintenant, vous en êtes un. Nous le sommes tous devenus. Il y a trois jours encore, je n'étais qu'un civil. Prenez ce flingue.
Jean abdiqua et récupéra l'arme. Elle était bien plus lourde que ce qu'il avait anticipé. L'homme lui expliqua rapidement comment s'en servir.
— Et qu'est-ce que je dois en faire ?
— Tirer sur tout ce qui veut votre peau. Suivez-moi maintenant, nous allons rejoindre une ligne de défense à l'arrière, c'est la catastrophe de là d'où je viens.
— Non merci, très peu pour moi.
— Pardon ?
— Je dois aller à l'école là.
— Vous avez fumé ?
— Non je ne touche pas à la drogue.
— Vous comprenez vraiment rien, pas vrai ?
— Si, je comprends que vous me faites perdre mon temps.
— C'est pas croyable... Regardez le Monarque là-bas, y'a pas quelque chose qui vous choque ?
Il désigna le ciel. Jean ne remarqua rien.
— Pas tant que ça.
— Et puis merde ! Débrouillez-vous seul !
L'homme s'enfuit alors vers une direction inconnue. Jean continua sa route sans se soucier de cette rencontre. Arrivé à mi-chemin, il fut étonné par le peu de gens qui sortaient dans les rues, mais aussi par l'absence de voitures. En tout cas, aucun bus ne le dépassa. Il se dit qu'il avait bien fait de ne pas l'attendre davantage. Heureusement, les bruits de la ville continuaient de l'entourer. C'était presque comme si seul son chemin était vacant. Cette pensée l'amusa. Il aimait bien les films catastrophes, et se dit que ça y ressemblait. Il trouva cela agréable. Si seulement c'était vrai...
Un autre grand homme d'affaires apparut au bout de la rue, accompagné de deux enfants. Une fois de plus, Jean réalisa que sa vie était tout à fait normale. Son téléphone vibra.
"Gabin
Mec
Ya pas DS ce matin en fait
Le prof est pas là
Vous
Sérieux ?
Trop cool !
Gabin
Oe j'avais rien révisé en +
Vous
T'abuses ;(
Gabin
Apparemment les autres étaient au courant
Je suis seul là
Vous
Personne nous a prévenu ça se fait trop pas >:[
Gabin
J'avoue
Vous
Bon j'arrive dans genre 15 min
Gabin
Ok je t'attends"
Jean leva alors le nez de son téléphone. Il repéra une quadragénaire cachée derrière une voiture à quelques pas de lui. Elle tremblotait et sursauta quand elle vit Jean arriver derrière elle. L'étudiant rigola.
— Vous inquiétez pas, je suis pas dangereux, plaisanta-t-il.
— Qu'est-ce que vous faites ? chuchota la femme. Cachez-vous !
— De quoi ?
— Vite, rejoignez-moi derrière la voiture, ils arrivent !
Jean accepta, après tout, il n'avait rien à faire d'urgent et cette situation l'amusait.
— Vous vous cachez de quoi ?
— Des Sentinelles.
— C'est quoi ça ?
— Chut, taisez-vous, ils vont nous entendre.
— Bon...
La femme tentait de contrôler sa respiration pour être la plus silencieuse possible malgré la panique qui l'envahissait. À un moment, elle se décala doucement de l'autre côté de la bagnole et fit signe à Jean de la rejoindre. Il entendit des pas à quelques mètres de lui. C'étaient sans doute ceux de l'homme d'affaires et de ses enfants. Après plusieurs minutes, la femme se détendit un peu, regarda furtivement les alentours, puis se leva.
— Faites plus attention la prochaine fois, jeune homme.
— Je prends note.
— Vous alliez aussi à la nouvelle ligne de défense ?
— Non, j'allais rejoindre un ami là, il m'attend.
— Très bien, je comprends. Soyez prudents. J'aurai bien voulu vous accompagner et vous aider à sauver votre ami, mais c'est trop risqué pour une femme désarmée comme moi.
— Pas de soucis.
— Rejoignez-nous au plus vite à la nouvelle ligne. Bon courage !
La femme lui fit un signe de main puis rejoignit une ruelle.
— Euh... à vous aussi.
Jean poursuivit sa route sans plus d'imprévus. Les grilles du lycée étaient ouvertes. Il ne vit pas son ami.
"Vous
T'es où ?
Gabin
J'suis en perm là
Salle 3B
Mais fais gaffe
Les surveillants sont sur les nerfs ils aiment vraiment pas le retard
J'ai vu un seconde se faire tabasser par un pion dans la cour
Je crois que c'était le petit Sébastien
Après il s'est fait traîner jusqu'à l'intérieur du bâtiment
Vous
Ok
Après moi j'ai pas peur, je les déglingue les surveillants avec ma force légendaire !
Gabin
Yes
Mais fais quand même gaffe en vrai
Vous
Tkt"
Jean se déplaça dans la cour, plein d'appréhension. Il se rua derrière un banc quand il vit la porte d'entrée du bâtiment principal s'ouvrir. Il osa un léger regard et remarqua un adulte bien habillé. Il ne prit pas la peine de l'observer plus en détail. Pendant que le surveillant traversait la cour récréation, Jean se demanda pourquoi ils n'avaient pas fermé les grilles s'ils ne voulaient pas laisser les élèves en retard rentrer. Encore un problème de logique de la part des chargés d'éducation...
Quand le surveillant rentra dans le bâtiment dédié aux expériences et aux TP, Jean sprinta vers la porte. Il se déplaça ensuite à pas feutrés jusqu'à l'escalier. Il les grimpa et fit une pause quand il entendit des pas résonner à l'étage supérieur. Enfin, il atteignit la salle 3B. Quand il l'ouvrit, il s'exclama :
— Wesh ! Comment qu'il va le Gabounet ?
— Mec, pas si fort ! Dépêche, ferme la porte !
— Houlà t'es tendu toi...
— Je crois qu'on a pas le droit d'être là ?
— Hein ? Bah pourquoi pas, c'est notre école quand même.
— Je t'ai vu à travers la fenêtre.
— Ouais je me suis caché, c'était tendu !
— Grave. Mais le type dans la cour là, tu l'as reconnu ?
— Je te cache pas que je l'ai pas trop regardé.
— Moi si. Et j'ai jamais vu ce gars avant.
— Un nouveau ?
— Sans doute. Mais t'as fais gaffe ou pas ?
— À quoi ?
— Les salles de cours. Y'a aucun bruit à l'intérieur. Les profs sont pas là. On est les seuls ici.
— Et le petit Sébastien alors ?
— Je crois qu'on le reverra plus jamais.
Attendez, il se passe quoi ? C'est toujours la vie banale de Jean, pas vrai ? Oui, bien sûr. Bien sûr. Ça arrive de rencontrer des gens bizarres de temps en temps, ça fait partie de la vie. Toujours rien d'incroyable.
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