Chapitre 18: Vérités.
"Il n'est rien de plus difficile à dire aux hommes que la vérité."
- Voltaire.
Maëlys était installée confortablement dans son siège. Elle inspectait des prospectus. Ses yeux parcouraient les lignes du papier et l'impératrice de la Magie semblait convaincue. Louis, qui était guère éloigné d'elle, l'observait avec un grand intérêt. Il lui demanda.
— Que lis-tu donc ? Tu sembles bien attentive.
— Nous n'avons pas organisé de fête depuis notre mariage. Nous délaissons un peu le peuple avec toutes ces histoires de dieux. Je me disais qu'il aurait été intéressant que nous organisons un jour où le peuple se déplace jusqu'au palais de mon père afin de lui faire part leur demande. Puis, plus tard, une grande réception se tiendra dans la cour. Tout le monde serait convié et viendrait masqué. Ainsi, il n'y aurait pas de hiérarchie, on discuterait tous ensemble. Cela pourrait nous faire apprécier des astramoniens.
— Je te rappelle surtout que c'est ton père qui s'occupe du peuple. En tant qu'empereur de la Magie, je me dois seulement de gérer quelques lois et toi, tu dois seulement m'aider et m'accompagner lors de soirées mondaines.
— Mon cher époux, soupira Maëlys en se tournant vers lui l'air fatigué. Je suis également la princesse d'Astramo. Un jour, je serai la reine de ce pays. Je me dois d'apprendre à les connaitre avant ma succession.
— Tu te prends bien trop la tête, lui répondit-il en allant la rejoindre pour lui masser les épaules. Tout ce que souhaite les astramoniens, c'est de pouvoir survivre. Le reste, ils s'en moquent.
— Je ne suis pas d'accord, s'entêta-t-elle. Ecoute, quand je vivais chez les humains, le gouvernement s'en moquait de ses citoyens. J'aurai bien aimé les connaître plus personnellement. Surtout qu'Astramo n'est guère grand, tout le monde connait tout le monde. Nous organiserons cette réception et c'est mon dernier mot, Jean-Pierre.
— Jean-Pierre ?, répéta Louis surprit.
— C'est une référence humaine, précisa-t-elle en riant. Bon, va publier cette lettre, je dois m'occuper de préparer cette soirée.
Louis secoua la tête, exaspéré par le comportement de sa femme. Il se pencha, déposa un baiser sur ses lèvres puis sur son ventre, pas encore marqué par la grossesse. Son geste fit rire son épouse qui passa la main dans les cheveux de son mari. Elle l'observa partir avec un léger sourire puis se tourna vers Steve, son pigeon. Ce dernier vola jusqu'au bureau et roucoula. Maëlys caressa avec douceur sa tête et elle se leva, suivit de près de son animal de compagnie. Elle se rendit sur son balcon et observa le paysage idyllique. Le vent transmettait le doux chant des oiseaux. Le soleil réchauffait toute parcelle de terre. Quelques animaux s'abreuvaient au lac. L'impératrice de la Magie posa sa main sur son ventre et se murmura.
— Ce moment pourrait être parfait si l'on ne cherchait pas à nous tuer, mon chéri. Tout ça car ils craignent que tu es l'enfant de la Prophétie... Quelle ignorance.
Elle posa ses mains sur le balcon et soupira. Elle ignorait pourquoi mais elle sentait que sa fête allait causer quelques problèmes. Comme pour lui donner raison, le ciel s'assombrit et un orage éclata soudainement, faisant fuir tous les animaux. Steve battit rapidement des ailes et retourna dans la chambre et sa propriétaire alla le rejoindre afin de le sécher.
Son présentiment allait-il se révéler juste ?
***
Ellipse d'une semaine.
La fête venait de débuter. Tous les individus présents dans la cour étaient masqués. On ne pouvait aucunement deviner l'identité de ces personnes. Maëlys slalomait entre les danseurs à la recherche d'une boisson. Elle portait une longue robe de soirée rouge, assez simple par ailleurs, qui avait un léger décolleté en V. Une ceinture de la même couleur mettait en valeur sa taille fine. Son masque était comme ceux que portaient les vénitiens. Elle respirait la force et l'élégance et pas mal de personnes se tournaient à son passage.
Elle prit un verre d'eau et elle s'abreuva hâtivement. Sa grossesse décuplait ses besoins et cela l'épuisait grandement. Elle en viendrait presque à regretter sa décision d'assister à la réception. Une personne tapota son épaule et lui chuchota au creux de son oreille.
— Tu es toujours magnifique ma chérie.
— Comment m'as-tu reconnu ?, grommela-t-elle, déçue qu'on est pu la reconnaître aussi rapidement.
— Je connais tout ton corps par coeur répondit Louis ce qui fit rougir son épouse. Une personne semble demander à toute la foule s'ils n'auraient pas aperçu une femme.
— Qui est-elle ? Et quelle femme ?, répondit-elle avec incompréhension.
— Une vieille dame qui serait à la recherche d'une certaine Maëlys, "très mignonne et pleine d'avenir !" affirmait-t-elle à tout le monde. J'en ai déduis qu'elle voulait donc te voir, ajouta son époux la mine soucieuse. Connais-tu quelqu'un qui serait à ta recherche ?
— Oh oui, tout ton clan, ironisa l'impératrice. Néanmoins, je pense connaître quelqu'un qui pourrait savoir où je suis. Elle m'avait aidé quand j'étais enfant. C'était ma nourrice en quelque sorte. C'était elle aussi qui m'avait aidé avec mes visions. Je me voyais sans cesse chez moi, mon père se dressait devant moi et il me répétait la phrase "J'arrive très bientôt". Cela peut être elle.
Maëlys et Louis se rendirent donc au milieu de la foule à la recherche de la vieille femme. Il était très difficile pour le jeune couple de se faufiler parmi la foule de danseurs, ces derniers étant trop captivés par l'effervescence de la fête. La déesse du Feu Sauvage était angoissée. Elle n'avait pas précisé à son mari que cette personne venait la voir que lorsqu'elle devait lui révéler certaines choses assez importantes. Qu'allait-elle lui dire cette fois-ci ?
Louis s'arrêta et désigna une personne qui venait d'intercepter un jeune couple. Elle faisait de grands gestes, ce qui faisaient rire ces interlocuteurs. Ces derniers firent un non de la tête et s'éloignèrent d'elle, la laissant seule. Elle se tourna soudainement vers eux et leur fit signe de la suivre. La vieille femme slaloma entre les convives et se rendit jusqu'au petit jardin du couple royal. Elle s'assit sur un banc et leur dit.
— Je me disais bien que mes interrogations allaient attirer votre attention. Je n'avais guère la motivation de vous chercher.
— Comment pouvez-vous nous reconnaître ? Nous avons veillé à masquer nos auras, balbutia Louis surprit.
— Malgré ça, vous gardez tout les deux une prestance qu'on ne peut nier. Puis, j'ai reconnu les yeux de Maëlys, ajouta la mystérieuse personne. Assoyez-vous, j'ai quelques informations à vous communiquer. Hunter Shadow s'est rendu chez moi et m'a presque supplié de vous venir en aide.
— Hunter Shadow ?, répéta Louis avec mépris. Vouloir nous aider ? Foutaise !
Maëlys posa sa main sur celle de Louis et la serra très forte. Il y a quelques jours, Louis s'était allongé près d'elle et lui avait parlé pendant un long moment.
***
Flashback.
La princesse d'Astramo s'était rendue jusqu'au lac afin de se détendre. Ces derniers jours avait été particulièrement éprouvant pour elle et elle ne souhaitait qu'une chose: dormir.
Elle s'allongea dans l'herbe tendre et bien verte et ferma les yeux, laissant le soleil la réchauffer. Elle sentit une présence à ses côtés qui en faisaient de même. Après quelques minutes de silence, la personne qui était en réalité son époux, prit la parole.
— C'est bientôt l'anniversaire de décès de ma mère...
— Si tu veux en parler, tu sais que je suis là, n'est-ce-pas ?, avait dis Maëlys en se redressant sur ses coudes et en le détaillant.
— Ouais, je crois que c'est le moment, avait murmuré Louis en évitant le regard de sa femme. Ma mère venait de me donner naissance quand un homme de l'armée terroriste de Hunter Shadow, les Onyx, venait d'arriver et avait attendit que mon père sorte de la pièce pour annoncer ma naissance afin d'assassiner froidement Diane. Alan avait retrouvé le corps ensanglanté de ma mère près de mon berceau. Une lettre était posée sur moi. Elle disait qu'Hunter Shadow, chef des Onyx, avait éliminé la menace en tuant la mère de la Prophétie...
Maëlys avait alors pris son époux dans les bras et ils étaient restés là, face au lac, seul témoin de leur étreinte.
Fin du flashback.
***
Louis s'était levé et s'était rendu jusqu'à un arbre et le frappa violemment, les traits déformés par la haine. Jamais Maëlys ne l'avait connu aussi furieux. Elle se tourna vers la vieille femme qui semblait attendre patiemment que l'empereur de la Magie se calme. Ce dernier inspira un grand coup puis retourna s'assoir. Il tapa nerveusement de la jambe et avait son regard rivé sur le sol. Il semblait à peu près calme. La dame reprit donc son explication.
— Comme je le disais, Hunter Shadow est venu demander mon aide. Il a appris la grossesse de Maëlys et souhaite la protéger des personnes qui voudraient l'éliminer, elle et son bébé bien entendu. Ne m'interrompez pas, Louis, l'avertit-elle soudainement en voyant l'homme ouvrir la bouche les joues rouges de colère. Il vous a toujours protégé. Il y a de cela plus de 18ans, j'avais vu la naissance d'une petite fille royale. J'ai aussitôt averti l'ancienne reine d'Astramo, Laure Black. Celle-ci s'est échappée de son pays avec son enfant afin de la protéger. Elle m'a engagé comme nourrice pour que je puisse aider son bébé à grandir en sécurité. Par la suite, Hunter Shadow a appris que je supervisais la protection de la destinée de Louis. Ainsi, il m'a proposé de rejoindre son clan, les Onyx.
— Vous êtes une Onyx ? ne put s'empêcher de crier Louis.
Il se leva, prêt à se battre. Il laissa son esprit animal prendre possession de ses sens. Maëlys se plaça devant lui et l'intima d'un regard à se calmer. Le couple royal s'assit à nouveau et la dame murmura.
— Vous vous complétez parfaitement...
— Abrégez votre histoire, lui ordonna l'impératrice. Nous avons fort à faire.
— Bien, répondit sèchement la vieille femme blessée par l'autorité de Maëlys. Hunter est rapidement devenu mon confident comme je suis devenue la sienne. Il m'a ainsi révélé son plus gros secret que seul ses ministres savent. Diane Turin n'était pas qui elle se faisait passer. Elle a toujours dis être une déesse du Feu, incapable de se métamorphoser et surtout orpheline. A dire vrai, elle refusait de se métamorphoser. En effet, celle-ci était une louve magnifique. Mais ses yeux auraient trahi ses obscures origines. La particularité des Onyx est de posséder de très beaux yeux gris métal sous leur forme animale. Diane Turin était une Onyx. Elle était même la fille d'Hunter Shadow, ajouta la vieille femme sous le regard ébahi de Maëlys. Louis est le fils de Diane Shadow, une célèbre traqueuse chez les Onyx. Il est surtout aussi le petit-fils de notre chef, Hunter Shadow, le conquérant.
La princesse d'Astramo n'avait pas lâché du regard la dame. Elle était surprise. Ainsi donc son époux avait du sang Onyx. Elle avait énormément de questions à lui poser. Lorsqu'elle tourna la tête en direction de Louis, elle ne le vit pas à ses côtés. Elle se leva et le chercha du regard. La vieille femme lui indiqua.
— Il a disparu au moment où j'ai dis que Diane était la fille d'Hunter Shadow. Va le retrouver, il a besoin de toi.
— Merci, souffla la princesse d'Astramo.
Elle partit donc à la recherche de Louis. Elle sentit une énergie turbulente en direction du lac et la suivit aussitôt. Elle s'avança vers un paysan qui venait d'équiper son cheval et lui demanda si elle pouvait l'emprunter. L'homme acquiesça, légèrement confus. Maëlys prit les rennes et sauta sur la monture qui se cabra et s'élança au galop. Elle avançait à toute vitesse, le vent fouettait la croupe de l'animal avec violence. Ses pattes foulaient le sol avec élégance et légèreté. La bête semblait retourner à l'état sauvage. Maëlys aurait presque pu adorer ce moment tant la liberté et l'adrénaline étaient incroyables. Malheureusement, l'état de Louis l'accaparait trop l'esprit.
Elle vit un immense loup au pelage argenté au sol. Il se tenait face à sa monture qui venait de s'arrêter brusquement et de cabrer de frayeur. Louis s'avança vers elle, le poils hérissé. Il était furieux. Il grogna et aboya.
— Je ne suis pas un Onyx ! Je refuse d'être un barbare comme eux ! Je suis Louis Turin, fils d'Alan Turin, dieu des Tornades !
Le vent s'éleva brusquement et le ciel sombra. Le cheval hennit et fit tomber à terre Maëlys. Celle-ci se leva en chancelant et recula, tout aussi effrayée que l'animal. Elle ne pouvait raisonner son époux. Il était incontrôlable. Louis s'avança encore et montra les crocs, ses yeux châtains étaient injectés de sang. Il s'accroupit et bondit soudainement. Maëlys se replia sur elle-même et poussa un cri strident.
Soudain, tout redevint calme. La princesse d'Astramo ouvrit les yeux et vit un homme de dos qui se tenait devant Louis. L'inconnu gronda et s'exclama d'un ton froid.
— Assez Louis, cesse de te comporter en enfant !"
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