Chapitre 27: Un homme aliéné.
"Qui est prompt à la colère est toujours enclin à la folie."
- Proverbe italien.
Il faisait une chaleur à s'en étouffer. Le vent était chaud et rendait toute vie difficile. Deux hommes pourtant se trouvaient à cet endroit et ils ne semblaient guère s'en soucier. Ils semblaient en proie à une violante dispute. Soudain, l'un des deux individus fit apparaître une dague noire comme l'onyx et la planta en plein dans la poitrine de l'autre qui se figea aussitôt. Le corps sans vie de la personne s'effrita et la dague devint comme du sable, celui-ci se fit balayer par le vent. Le meurtrier tomba au sol, prenant sa tête entre ses mains. Des larmes s'échapèrent de ses yeux et disparurent aussitôt à cause de la chaleur aride.
— Qu'ai-je fais... Que suis-je devenu...
Il resta longtemps dans cette position, nullement gêné par le climat. Ses pensées allèrent à sa victime, Milton Duck, un dieu appartenant aux Elecflabre. Il revit leur altercation.
Flashback.
Il venait de recevoir une mission: celle d'effrayer Aigle-Voyant dans l'unique but que celui-ci donne les informations requises. Afin d'obtenir cela, il se devait de tuer un dieu ennemi. Il se souvenait avoir été étonné: pourquoi s'en prendre à Milton Duck ? On lui avait donné seulement une information qu'il avait jugé étonnante. Néanmoins, il n'avait pas rechigné. Il n'avait pas posé de questions tel un automate. Il était parti à la recherche de sa victime. Celle-ci semblait aimer les coins chauds, fidèle à ce qu'il était. En effet, il se trouvait que Milton Duck appartenait aux divités des Elecflabres. Il se trouvait également que cet homme fut le dieu du désert. Quoi de mieux de se rendre au Sahara ?
Il se rappelait être arrivé sur les lieux et avoir été décontenancé par la solitude des lieux. Il ne voyait rien, si ce n'est du sable à perte de vue. Soudain, un homme avait surgi tel un cobra et l'avait plaqué au sol. Il lui avait dis d'une voix sèche, comme si cela faisait longtemps qu'il n'avait bu.
— Que fais donc le soi-disant Empereur de la Magie ici...
— Il vient te faire passer un message, répondit-il en prenant l'usage de la troisième personne.
Louis réussit à se redresser et fixait l'homme avec haine. Ce dernier était petit, très maigre. Sa peau était étonnement très blanche pour un homme passant ses journées au soleil. Ses cheveux noirs ébènes cachaient la maigreur de son visage. Néanmoins, il parvint à voir des yeux d'un vert saisissant. L'homme ricana.
— Tu as fini de me contempler, petit ? Tu n'as jamais entendu parler de Milton Duck ?
"Milton" s'était répété Louis. Sa cible se trouvait devant lui. Qu'attendait-il ? Le dieu ennemi éclata d'un rire froid.
— On t'a envoyé me tuer ? Pourquoi donc ? Je suis inutile à mon clan. Je ne fais pas parti de vos conflits.
— Tu es le neveu d'Aigle-Voyant, lui répondit simplement Louis.
— Je vois.
Milton secoua la tête. Il pencha celle-ci de côté et sembla analyser son adversaire.
— Penses-tu qu'avec ma mort, tu arriveras à obtenir des infos de mon oncle ?
Il entendit une réponse mais Louis resta silencieux. Lui-même ne savait pas ce qu'il devait faire. Son ennemi s'approcha et lui murmura.
— Je me demande bien pourquoi tu deviens de plus en plus célèbre, Louis. Tu es un jeune, pathétique, inutile et incompétent.
Il fit un sourire en coin, l'air démoniaque, et ajouta.
— Peut-être que ta célébrité est due au fait que ta femme se fasse courtiser par ton chef, chef par ailleurs qui te commande comme une marionnette.
— Excuse-toi de suite, grogna Louis.
— La vérité est dure à encaisser, n'est-ce pas, susurra-t-il.
Louis n'avait pas su maîtriser sa colère et il l'avait poignardé. Aussitôt, il avait regretté son geste.
Fin du flashback.
Louis était resté là, a contemplé le corps inanimé. Le temps semblait avoir cessé. Il n'entendit pas le bruit de pas se rapprochait de lui. Il sursauta lorsqu'il entendit une voix derrière lui.
— Tu n'aurais pas du le tuer. Aigle-Voyant va refuser de parler.
— Sauf si on lui fait croire que l'on a kidnappé son neveu et que tout va bien, lui répondit Louis d'un ton froid. Je gère la situation, Aaron. Tu sais bien que je veux à tout prix retrouver ce Onyx.
Le chef des Aqlairre fit un rictus. "Je ne pensais pas qu'un jour, j'arriverai à te contrôler ainsi, Louis" pensa-t-il en se frottant les mains. Il vit celui-ci se redresser et se tourner face à lui. Son visage, qui témoignait de sa confusion ainsi que sa tristesse, montrait désormais sa détermination et sa haine. Il articula d'une voix hachée.
— Je vais me rendre aussitôt chez Aigle-Voyant. Il est temps d'accélérer les choses, ajouta Louis les traits durs.
— Bien entendu. Je m'occupe de conserver le corps. Tu n'auras qu'à m'appeler si jamais tu veux que je te l'apporte, lui précisa Aaron avec un grand sourire.
Avant de disparaître, Louis lui serra la main afin de sceller l'accord. Aaron en profita pour analyser ses pensées. Entre la haine et la tristesse, il perçut ce qui pouvait venir à bout de son état: Maëlys. Il culpabilisait de la laisser seule alors qu'elle portait son enfant. Le chef des Aqlairre était contrarié. Il craignait que la princesse d'Astramo parvint à raisonner son époux. Il ne fallait pas que cela puisse un jour se faire. Tant que Louis était sous son contrôle, Aaron réussissait à éloigner le couple royal l'un des autres, tout en ayant un nouveau dieu fidèle à son service.
***
Louis venait d'arriver devant la tanière d'Aigle-Voyant. Il observa l'endroit avec dégoût. Il sentait la trace magique de l'individu dont il était à la recherche: Alexandre.
Le dieu des Aqlairre posa sa main sur la poignée de la porte. Il n'eut point à l'ouvrir car celle-ci disparut. Il s'avança, légèrement hésitant. La pièce dont il venait d'entrer était sombre. Il n'arrivait pas à discerner une quelconque trace de vie. Soudain, il entendit un frottement. Il se retourna avec vitesse et fit apparaître un bouclier juste à temps. Un aigle venait de s'abattre contre celui avec fracas. Il tomba au sol, l'air sonné. Louis s'abaissa et l'attrapa par une aile, malgré ses cris de protestations.
— Je ne suis pas idiot, Aigle-Voyant. Pour qui me prends-tu ?
— Pour un homme incapable de faire la distinction entre un charme et la réalité, lui répondit une voix à l'autre bout de la pièce.
Par ailleurs, celle-ci s'illumina et l'aigle que tenait Louis disparut également. Ce dernier se retourna et vit l'homme assit sur un coussin, une pipe en main. Il fumait sans se soucier de la présence du dieu ennemi.
— Assis-toi, Loup Inquiet, murmura le sage.
— Ne m'attribue pas de sobriquet, s'agaça Louis.
— Tu me rappelles tellement une personne, murmura l'homme l'air pensif. Vous avez tellement de ressemblances comme de différences... Vous avez un caractère semblable mais vos actions diffèrent...
— Parles-tu toujours avec des énigmes ? marmonna l'Empereur de la Magie.
Aigle-Voyant esquissa un sourire et ne répondit pas à cette question. En revanche, après avoir posé sa pipe, il lui dit, l'air sérieux prit place à son air autrefois rêveur.
— Je ne te dirai rien à propos d'Alexandre.
— Comment sais-tu que je viens te parler de lui ? s'étonna-t-il.
— Je ressens toute ta colère à son égard, lui répondit-il tout simplement. Néanmoins, ce n'est pas la question. Je ne révèlerai rien à un dieu incapable de gérer ses émotions, à tel point qu'il en perd sa raison. Qu'en penses Maëlys de ta vendetta ?
— Elle approuve grandement, mentit Louis sans sourciller. Qui ne voudrait pas venger les maheurs de son propre enfant ?
— Alexandre n'est pas le responsable. En revanche, ton chef, oui. Il arrive à contrôler ta colère et il s'en sert habilement. Ouvre les yeux, Louis ! s'exclama Aigle-Voyant. Ouvre les yeux, répéta-t-il, avant que tu puisses commettre l'irréparable !
— Si je te disais que je l'ai déjà fais ? se vanta-t-il.
Aigle-Voyant sursauta. Ce n'était pas prévu dans les évènements. Jamais Louis n'aurait dû tuer quelqu'un... Alexandre venait d'altérer le temps d'une façon dramatique. Il avait pourtant prévenu l'hybride des risques de son intervention. Mais, têtu et fier, il ne l'avait point écouté. Aaron était un dieu malin. Il avait réussi à rendre Alexandre hors jeu. Désormais, l'homme du futur ne pouvait plus rien faire puisque son père le recherchait activement.
Aigle-Voyant ne savait pas quoi faire. Il sentait que sa vie était menacée. Néanmoins, il se refusait de trahir Alexandre et le clan des Onyx. Il leur avait promis que jamais il ne communiquerait des informations. Ainsi, il se leva et fixa durement Louis, sa nouvelle résolution le rendant sûr de lui.
— Quiconque as-tu tué, jamais je ne te dirai rien sur Alexandre.
— Même si je te disais avoir tué Milton Duck ? dit Louis d'un ton mielleux.
— Qu'es-tu devenu, murmura-t-il d'un ton effrayé. Je ne te reconnais plus.
Louis sembla perdre de sa prestance l'espace d'un instant. Il pâlit, ses yeux devinrent vitreux. Puis, il secoua sa tête et reprit un affreux sourire. Aigle-Voyant comprit pourquoi. Derrière l'Empereur de la Magie, se tenait Aaron. Il tenait dans ses bras un corps inanimé. Le vieil homme trembla et balbutia.
— Qu'avez-vous fais... Monstres !
L'époux de Maëlys éclata de rire, suivit par le chef des Aqlairre. Les deux hommes s'avancèrent vers lui, menaçants. Louis prit la parole.
— Révèle nous qui est Alexandre. Dis nous tout ce que tu sais. Maintenant !
— Plutôt mourir, riposta-t-il.
— Tes désirs sont des ordres, grogna Louis en faisant apparaître une dague.
Le dieu des Aqlairre mit sa main dans le dos d'Aigle-Voyant et enfonça aussitôt la lame dans son thorax. L'homme baissa son regard vers la lame. Il blanchit, et murmura faiblement.
— Tu le regretteras.
Après ces trois mots, le vieil homme battit lentement les paupières et sentit son corps s'engourdir. Il essaya de lutter contre le sommeil mais en vain. Ses yeux se fermèrent et n'allèrent plus jamais s'ouvrir. C'était la fin pour cette personne, la vie l'avait définitivement quittée.
Louis le relacha, le corps tomba dans un bruit sec. Aaron s'avança et donna un coup de pied dedans.
— Bien fais. Il n'allait pas lâcher d'informations, de toute manière.
— Qu'allons-nous faire désormais ? lui demanda Louis.
— Nous allons aller sur une autre piste. Le jour du procès, quelqu'un à altérer le temps. Peu de dieux en sont capables. Il faut retrouver l'auteur de cet acte de magie. Retourne dans la salle et cherche des pistes, lui ordonna-t-il.
Louis s'inclina et disparut. Il apparut dans la Cour de Justice. Personne à l'entrée. Tant mieux, il pourra enquêter sans que l'on vienne le déranger.
Il se rendit dans la salle de Jugement. A sa grande stupeur, il vit un homme qui semblait l'attendre. Celui-ci lui fit un grand sourire et lui dit.
— L'enquête est presque terminée. D'ici quelques jours, tu auras l'identité du meurtrier de ton père.
L'homme passa devant lui et allait partir quand Louis le prit par le bras, le forçant à s'arrêter. L'Empereur de la Magie sembla gêné lorsqu'il prononça la phrase suivante.
— Merci beaucoup, Max.
— De rien, lui répondit son beau-père avec un grand sourire. Oh, ajouta-t-il en se libérant de l'emprise de Louis, l'homme capable d'altérer le temps. Il a un nom en relation avec son pouvoir. Je te laisse méditer...
Louis sembla surprit. Comment avait-il toutes ces informations ? Pourquoi les lui donnait-il ? Max sembla amuser par l'incompréhension de son gendre et il partit ainsi.
L'époux de Maëlys se retourna et fixa la salle. Dans quelques temps, après avoir retrouvé Alexandre, il aura également un nouveau cas a traité. Il fera regretter à la personne responsable de la mort de son père ce qu'il a fais. Ils allaient tous connaître la fureur de Louis Turin.
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