3 - Pneumonie
Putain j'ai mal au crâne. Mes yeux me brulent et ma vue trouble. Où suis-je ? Quelle heure est-il ?Aucune idée. Cette odeur boisée me chatouille encore les narines. Je connais ce parfum. Etendue dans ce grand lit aux draps clairs, je me rappelle juste avoir parlé à Maud et... je ne sais plus. Une faible lumière provient du fond de la chambre et je constate que quelqu'un s'est assis sur le rebord du lit en me faisant face. Ma vue est encore trouble et ma bouche, sèche. Je ne sors qu'un malheureux gémissement, mais son sourire me parvient juste avant de percevoir un visage doux et amical.
— Le proprio ? C'est bien vous ? Qu'est-ce que je fais ici ?
— Chut ! calme-toi, oui c'est moi Félix, tu as fait un malaise, je t'ai remise au lit et mon médecin est passé te voir.
Mon cerveau se connecte peu à peu.
— Depuis quand, vous me tutoyez ?
Sa douceur éphémère laisse place à un visage dangereux et perçant me donnant comme seul instinct, le sursaut. Lorsqu'il s'approche de moi tel un animal en chasse il me répond :
— Depuis que j'ai abusé de toi pendant ton sommeil.
— Quoi ? vous êtes encore plus con, plus fou que je ne pensais.
J'étouffe , qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi moi ?
— NON, POURQUOI MOI ? LAISSEZ-MOI PARTIR ! JE VEUX M'EN ALLER.
Il semble paniqué. Quand je tente de me lever en pleurant, j'hurle ces mots dans un cri d'horreur. Il me rattrape par les poignets avec vigueur avant de me serrer dans ses bras comme si j'étais en pleine crise de folie.
— Chut ! excuse-moi, je plaisantais... Ce n'était pas le moment... Je ne t'ai pas touché... à part pour t'allonger bien sûr !
Qui est ce gars ? C'est un grand malade de me faire peur comme ça et ce n'est pas vraiment le moment de faire de l'humour ! Les yeux encore emplis de larmes, je lui lance le regard le plus noir que je puisse lui faire. Il détourne rapidement le sien et me sort d'une voix rassurante.
— On ne se connait pas encore, mais je peux te confirmer vu comment tu me regardes que je suis bien un connard, qui manque de tact, désolé.
— Je ne peux pas vous contredire. Ça n'était pas drôle putain !, vous êtes dingue.
Une question me brule les lèvres alors que mon l'esprit est encore embrumé par ce barjot.
— Vous avez dit que j'avais vu un médecin ?
— Pour le coup c'est plutôt lui qui t'a vu. (il sourit puis se ravise) Tu as une pneumonie. Il nous a affirmé que tu es certainement restée un moment dans le froid il y a peu et...
— Quand je me suis fait virer...
C'est là qu'il choisit de plonger son regard intense dans le mien et me sort avec sagesse :
— Oui, Maud m'a raconté, mais je pense que c'est un mal pour un bien au final.
— Oui surement... Depuis quand suis-je là? Et où est Maud ?
— Au travail, et ça fait un moment...
— Au travail ? elle m'a dit qu'elle ne travaillait pas aujourd'hui.
— Oui... sauf que c'était hier.
— Quoi ça fait une journée que je suis là ?
— Pas exactement, plutôt deux jours.
Quelle godiche, il faut que j'y aille, mon proprio va me foutre à la porte et j'ai besoin d'un boulot... ma tête me rappelle à l'ordre plus vite que je ne l'aurais voulu. La détresse se fait sentir et des larmes roulent sur mes joues. Des mains incroyablement douces et puissantes viennent les essuyer du pouce me faisant légèrement sursauter.
— Ecoute, reste ici pour l'instant, il ne faut pas trop que tu bouges pendant quelques jours et Maud t'a acheté des vêtements à ta taille, regarde...
Je vois la pile de vêtements trônant sur une chaise et passe mon regard de mon sauveur à ce foutu siège. Je leur suis redevable et j'ai horreur de ça !
— Non, ça ne va pas du tout, j'ai des obligations, mon appartement est...
— Rendu. J'ai pensé que tu pouvais t'installer là, le temps de trouver... mieux.
Je n'en crois pas mes oreilles, décidément, je déteste ce gars. Il imagine qu'il peut faire tout ce qu'il veut, quand il le veut.
— Vous QUOI? Mais pour qui vous prenez-vous ? On ne se connait pas que je sache ? Je vous remercie pour m'avoir sauvé de la chute, mais je vous trouve suffisamment antipathique pour refuser votre proposition.
Il rit machinalement puis retrouve son sérieux à faire pâlir un mort.
— Ce n'est pas une proposition. C'est comme ça.
— On ne vous dit jamais non à vous hein ? Écoutez (je souffle) je n'ai pas d'argent, je ne pourrais pas payer ma part ici... et je ne vous aime... je n'ai pas confiance en vous.
Un sourire irrésistible vient étrangement réchauffer mon cœur.
— Parfait alors, on va se faire un point tout de suite Miss Pneumonie. Je ne t'aime pas non plus, tu n'es absolument pas mon type, mais Maud t'aime bien et je t'ai malmené... Alors pour le loyer c'est simple, je te mets de corvée de petit déjeuner trois jours par semaine et ça ira. Il y a également des règles à respecter, je te ferais également passer le mot par Eddy ou Maud.
— Eddy ?
Je bois ses paroles hallucinantes et lui offre des yeux ronds en réponse.
— Mon chauffeur, entre autres choses. Il est souvent là et n'obéis qu'à moi seul donc ne tente aucune mutinerie. Tu finirais aux fers.
Il se montre très autoritaire et son discours titille ma curiosité, je n'ai pas vraiment le temps de répliquer, qu'il se lève, me salue et part rapidement.
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