5 - Un diner presque étrange

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Quoi déjà 19h30 ? Je décide de ne pas prendre les paroles de Maud à la légère. Il faut à mon tour faire un effort pour m'intégrer au mieux dans ce petit groupe dans la maison. Visiblement, ils ont préparé un dîner pour me présenter et me souhaiter la bienvenue. Je ne peux décemment pas faire ma tête de cochon. Je regarde mon portable du coin de l'oeil. Il est chargé de moitié. Depuis mon arrivée ici, je n'avais plus de batterie, ni de chargeur à disposition. Heureusement, Maud a pris soin de m'en mettre un dans la valise. Je le saisis, puis le balance sur le lit, avant de filer à la douche.

Je n'ai pas le temps pour ça.

Après une brève toilette, je me sens comme beaucoup d’adolescentes à un moment donné dans leur courte existence d’ados, à me gratter le menton, une serviette enroulée sur la tête. Cruel dilemme ! quelle robe vais-je choisir. Maud a vraiment de bons goûts vestimentaires bien que les tenues soient un peu trop ajustées à mon avis. Elles font toutes ressortir ma taille de guêpe et ma poitrine généreuse sans parler du châssis bien présent. Dans un sursaut, mon portable vibre, mais n’ait vraiment plus le temps de me mettre à jour.

Mes yeux dérivent sur le règlement ridicule et il est marqué en règle numéro cinq que "la ponctualité soit requise lors de moments partagés.", je remets à plus tard le texto inconnu et grogne de m'abaisser à obéir à un vulgaire bout de papier.

J’opte pour une robe noire passe-partout la moins décolletée que j’ai trouvée, qui m’arrive au genou. Le test coiffure me fait prendre irrémédiablement le même choix que 95% du temps et laisse les cheveux ballants au naturel bien qu’un peu rebelles ; quelques torsades se dessinaient par endroit. Tant pis. J’emploie un mascara brun pour accentuer un peu mon regard de vipère et un peu de baume à lèvre à la framboise. Pour une première, il ne faut pas exagérer !l a touche finale. J’aligne le fermoir de mon collier doté d’une pierre en pendentif, sur ma nuque et je suis fin prête.

On ne sait jamais, ce soir il me protégera peut-être des démons.

Devant la glace je souris en roulant le pendentif entre mes doigts par habitude. Ma soeur m'a assuré qu'il me protégerait de tout, même si j'ignore la raison de ces mises en garde.

Ah oui j’avais oublié de préciser que je suis une sorcière. On en reparlera au prochain chapitre si vous le souhaitez. Là il faut que rencontrer mes nouveaux colocataires.

Mon courage à deux mains, je me hâte de quitter la chambre. J'allais affronter ce que je qualifie d’entretien d’embauche. Les mains moites et le souffle court sont les prémices d’un nœud à l’estomac me coupe l’appétit. Je me fais un peu plus discrète une fois dans le couloir aux nombreuses portes. Aux aguets, je perçois au fond, dans le virage des escaliers, une tignasse rousse, à la démarche guillerette qui me rappelle celle de Mick devant ce restaurant sous la pluie.

Oh j’ai oublié Mick ! Arf après tout je n’ai pas eu de nouvelles ! Je verrais plus tard. Toujours plongée dans mes pensées comme à mon habitude, je n’ai pas entendu mon amie me rejoindre et marcher juste derrière moi.

— Joli collier !

— Ah Maud, je ne t’ai pas entendue, c’est bon je suis assez apprêtée pour toi ?

— Ah ! tu t’es apprêtée là ?

Elle me fait les yeux ronds comme choquée et je me retrouve infiniment vexée pour le coup.

— Non pas tellement tu as raison, mais tu sais, je n’aime pas en faire trop et toutes les colocations ont un vilain petit canard, alors je me dévoue.

Devant ma tentative de plaisanterie douteuse, la ravissante blonde s’arrête juste avant les escaliers et s’adresse à moi de façon curieuse.

— Excuse-moi de te poser la question, mais pourquoi tu fais toujours ça ?

— Ça quoi ?

Je ne vois ou elle veut en venir, j’ai dû rater un épisode !

— Te dénigrer comme ça si souvent. Même au restaurant tu le faisais, mais j’avoue je ne comprends pas.

— Je ne sais pas vraiment pourquoi, j’ai conscience de ne pas être au niveau des autres.

— Quoi ? Mais quelle mouche t’a piqué ? Je te trouve divine, j’adorerais être comme toi.

— AHAH tu es mignonne ma chérie, mais n’exagère pas, je sais bien que tu as la capacité de faire ressortir le meilleur chez les gens, mais la beauté n’a pas élu domicile en moi. Désolée. C’est un fait et ce n’est pas grave je t’assure.

Elle semble véritablement outrée par mes paroles, mais je décide de l'ignorer. Elle ne va pas me changer en un jour tout de même.

— Tant pis si tu penses ça de toi, mais il est vrai que j’adore tes formes ainsi que ton visage et ça, peu importe ce que tu crois que je pense ou non. Je n’imagine pas être la seule à te trouver belle… demande donc à Mick.

Un clin d’œil vient habiller son raisonnement tordu et je m’apprête à lui couper la chique en exagérant un tout petit peu:

— Quand je suis arrivée au restaurant, j’avais une réputation de fille facile qui aime le sexe et compagnie. Mick est un coureur de jupons , qui a entendu ces rumeurs sur moi, c’est tout. Il tente sa chance pour m’ajouter à sa collection.

— Ce ne sont que des saletés de rumeurs.

— Peut-être, mais là, elles sont vraies.

Je lui lance un regard sincère, le sien pue la compassion. Nous descendons les marches jusqu’à la petite salle à manger dans le silence.

19h57, pas mal !

Une grande table à la nappe bordeaux nous accueille avec en son bout Félix, fort élégant qui, nous ignore royalement. Les yeux rivés sur la table, il patiente tout simplement.

Maud se dirige vers une autre femme brune assise à la gauche de Félix et, ma place semblait être à sa droite (fais chier) puisque la rouquine que j’ai entre aperçue juste avant vient de me faire un petit signe accompagné d’un chaleureux sourire.

Il m’est difficile d’anticiper ce qu’il faut faire, je choisis donc l’observation dans un premier temps pour éviter de me ramasser publiquement. La démarche droite, j’avance rapidement et en toute discrétion jusqu’à ma chaise, répondant aux sourires timides de mes nouvelles colocataires.

Félix qui m’ignore toujours fixe sa montre et me lance un petit « bonsoir » la tête légèrement penchée de mon côté, si discrètement que ce fut à peine audible. Je me joue de son arrogance en faisant la sourde oreille et adresse de beaux sourires à mes nouvelles colocataires qui me regardent avec curiosité. D’un coup, Félix se lève et ouvre les hostilités avec un sourire ravageur:

— Bonsoir, mes trésors (oh mon Dieu !) cela fait un moment que nous n’avons pas diné tous ensemble et je m’en excuse, j’avais pas mal de travail en retard depuis le début de semaine. Je tiens à vous présenter officiellement une nouvelle recrue dans mon harem : Scarlett Tovenaar qui deviendra j’en suis sûr une amie chère très prochainement. Je compte sur vous pour l’aider à trouver ses marques et à être sympa avec elle.

C’est Whaou, mais où était la caméra ??? C’est un sketch ! il n’y a presque pas de mot pour décrire cet idiot.. Son harem… Pff après les avoir toutes salués une par une, il reprend sa ronde avec une discussion quelconque sur le travail, les sorties, etc… et avec chacune des filles tout au long du repas, sauf moi.

Je récolte ce que j'ai semé, j’aurais dû lui dire « salut ».

Seule la jolie rousse semble être intéressée par ma personne, nous avons conversé à peine cinq minutes, le temps pour moi de savoir qu’elle s’appelle Iris et qu’elle vit ici depuis deux ans. Ma future nouvelle amie m’a appris qu’elle ressent un bon karma chez moi et que « mon cœur respire la pureté » visiblement, il n'y a pas que l'air qu'elle respire...

Mais je ne peux pas lui enlever sa gentillesse et sa beauté évidente. D'ailleurs, les trois filles autour de moi sont de vrais canons, toute hyper grandes et sveltes ce qui m’oblige à me remettre en question. Soudain, mal à l’aise et angoissée mon visage se ferme et ne répond plus aux questions qu’en opinant. Ce repas n’en finira donc jamais ! Maud est absorbée par sa conversation avec Mégane, la brune avec qui elle semble très proche. Iris dans le vague se perdait entre ses propres pensées et Félix. Quant à lui, l’arrogant, il m’a tellement ignoré que je l'imagine bien m'avoir carrément oubliée.

L’image du vilain petit canard me revient en tête. Devant la difficulté pour moi de m’intégrer ce soir; un choix s’offre à moi comme sur les plateaux d’argent servis à cette table par une jeune serveuse bien trop maquillée. Soit je reste à faire l’invisible, soit je pars dans ma chambre et je tente ma chance une prochaine fois… Allez, j’aime bien voyage !!

Pensant déjà à retrouver mon portable avec le texto non lu, je me lève machinalement sans interrompre quiconque et commence à partir, décidée. Soudain, une main me donne le frisson en caressant du pouce l’intérieur de mon poignet. Les autres doigts enserrent avec force et douceur mon avant-bras. A peine j’ai le temps de me retourner, que Félix me fait presque faire un pas de danse pour finir enlacée par un de ses bras. Appuyé le long de son torse robuste et musclé, il se penche légèrement au-dessus de moi et mécaniquement le haut de mon corps bascule un peu en arrière rapprochant encore son visage du mien pour n’être qu’a quelques centimètres. Une distance bien trop courte pour rester à l'aise.

— Que... qu’est-ce que tu fais ?

Ma voix tremble devant cet homme intimidant. Son regard pénétrant me transperce en cherchant en vain à me lire.

— C’est plutôt à toi que je devrais poser cette question.

Sa façon de décortiquer chaque mot réprime un peu l’amertume en moi. Je me surprends même à cet instant de ne voir en lui que la douceur de ses yeux gris et son sourire qui me faisait fondre.

— J’ai à faire dans ma chambre. Désolée.

— Ce n’est pas de ça dont je te parle… pourquoi es-tu triste ?

Qu’est-ce qu’il vient de dire ? Les yeux mouillants je reste là bloquée à le regarder me lâcher et s’éloigner à grands pas vers son bureau.

—Eh bien, il a un mal fou à se montrer humain parfois !

Mégane, la grande brune aux yeux marron, m’adresse ces paroles accompagnées d’un sourire victorieux et continue :

— Qui sait un jour notre Félix pourrait faire preuve de compassion.

Toutes quatre partagent des regards silencieux avant de rire de bon cœur à cette hypothèse qui me semble impossible.

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