43. Election (partie 3)
La soirée se poursuit. J’ai eu les compliments de presque tout Kitanesbourg. Jeannine est pompette, Cendre aux anges, Siloë toujours surexcitée. Minuit est passé, et la ramure de Sten a disparu depuis cinq bonnes minutes. Siloë qui ne me quitte plus depuis une heure me fait remarquer :
— Malika aussi a disparu.
— Elle n’aime pas trop les mondanités, dis-je.
Le doute me vient avec les souvenirs des mains baladeuses de Sten. Je quitte la pièce à grands pas et rejoins le couloir des suites. La porte de Malika est gardée par deux gardes impériaux. Sachant très bien qu’ils ne m’ouvriront pas, j’accélère le pas en sentant la colère monter. Siloë me suit avec angoisse. J’entre dans notre suite et la traverse pour accéder directement aux bains, pas plus surveillés qu’hier.
— Ils ne font peut-être que discuter, murmure Siloë.
— Tu ne le connais pas.
Je place mon œil par la serrure et découvre Malika nue, les mains sur le lit, sauvagement tenue par les cheveux. Sten debout derrière elle fait aller et venir avec violence son vît blanc rougit de sang. Entre chaque coup du butoir, elle échappe un cri entre ses dents serrées. J’entre, je n’entre pas ? Comment Sten va réagir ? C’est l’Empereur, il s’octroie tous les droits. Si je me fâche et qu’il s’emporte, je vais finir comme elle, une passade d’une fois, prise avec violence et sans avenir. Mais il a trahi ma confiance ! Je le hais autant que j’envie Malika. Il me déchire le cœur autant que je le désire. Je me relève, les larmes aux yeux. Siloë me demande d’un regard ce que je décide. Je fonds en sanglots dans ses bras.
— Je l’aime, je le déteste !
— C’est rien, ma poulette. On va trouver une idée pour lui faire payer.
Je nous éloigne de la porte, et m’assois sur le transat. J’essaie d’expliquer à Siloë tout ce qui me vient par la tête et par le cœur. Je ne peux en vouloir à Malika tant je sais sa déception de ne pas être élue et tant que connais le charisme irrésistible de Sten. Et je ne parviens pas à en vouloir à Sten.
— Mais s’il n’était pas comme ça, ça ne serait plus lui.
— Léna ! T’es pire qu’au collège. Faut toujours que tu kiffes le mâle alpha, celui que se tape déjà toutes les filles et qui n’en a rien à faire de toi.
— Mais je n’y peux rien. Je les aime comme ça. Et puis, au point où j’en suis, je ne vais pas abandonner. Malika ne pourrait même pas me succéder puisqu’il l’a sautée.
— Tu gagnes, tu l’épouses, et tu le fais languir. Tu te trouveras un mignon soldat de la garde, un capitaine viril…
— Et il se fera décapiter par Sten.
— Ben… ou l’inverse.
— Tu ne comprends pas. Je veux l’épouser, je veux lui.
— Et une fois qu’il t’aura épousée, il continuera à aller sauter les villageoises par-ci par-là ?
— Je sais que tu es plus rationnelle que moi, mais tu vois, dans mon idée, je suis l’amante ultime. Après moi, il n’y en a plus d’autres.
— T’es barrée, mais… je te soutiens ma poulette.
Malika entre dans les bains, nue et magnifique, les seins encore gonflés de désir. Elle sursaute, et je lui demande :
— Alors ? Ça fait quel effet de se faire ramoner la chatte par l’Empereur ?
— Ce… Ce n’est pas ce que tu crois…
— J’ai vu ses gardes devant ta chambre.
— Mais j’étais avec un de ses gardes.
— J’ai regardé par la serrure. Je connais Sten mieux que toi. T’es pas la première qu’il tire ici.
— Il m’a dit qu’il ne devrait pas faire ça vis-à-vis de toi, mais il a dit que nous l’avions trop excité. Je suis désolée, je n’ai pas su lui résister. J’en avais envie, Léna. Je veux être honnête avec toi. J’ai fait deux danses avec lui, j’ai cru que j’allais mourir de l’intérieur… Je te jure qu’il a pensé à toi. Juste avant de me prendre il a dit que quand il a organisé les élections, il avait dans l’idée de déflorer chacune des aspirantes aux trônes, mais que par respect pour toi, je serai la seule.
— Oh la preuve d’amour ! lâche Siloë avec sarcasme.
— On verra s’il aura l’honnêteté de m’avouer son infidélité, grincé-je. Je retourne à la fête.
Malika s’agenouille :
— Je te jure que ça n’arrivera plus. Je suis désolée que tu l’aies appris. Je ferai tout ce que tu veux pour me racheter.
Je l’oblige à relever le menton vers moi et lui demande :
— Dis-moi. Tu as aimé ?
Elle hésite, puis opine du nez.
— Merci pour ta franchise. Tu restes ma conseillère, je ne veux pas que ça se sache. Viens poulette.
Siloë saisit la main que je lui tends, puis nous abandonnons ma rivale. Elle aura gagné une bataille, comme Cendre, mais elles sont loin du butin de la guerre. Siloë se moque de moi :
— Tu crois que si j’étais vierge, il me sauterait ?
— Tu n’as pas intérêt à me faire ce coup-là.
— T’inquiète, il manque de poils à mon goût. Je serai plus guerrier des montagnes, tu vois ?
— T’as des vues sur un de mes montagnards ?
— Peut-être tous en même temps.
Je n’ai pas le temps de savoir si elle plaisante ou non, car nos pas nous ont ramenés à la foule. Elle s’est un peu amenuisée avec l’absence des trois invités principaux. Sten est revenu et il discute avec Sigurd. Je m’approche d’eux d’un pas décidé pour ne pas être interpellée. Je foudroie l’Empereur du regard, ce qui le fait sourire. Sigurd qui n’a rien vu me dit :
— Le seigneur Varrok me disait que tu allais récupérer la suite impériale à son départ.
— Chouette. Est-elle aussi confortable que les suites des aspirantes ?
— Disons, répond Sten, que visiter la suite d’une aspirante, c’est comme entrer dans son intimité, ça révèle beaucoup sur elle.
Siloë écarte Sigurd en lui prenant le bras, me laissant enchaîner :
— J’aime beaucoup le terme entrer dans son intimité.
Il esquisse un sourire, puis m’invite à nous isoler sur un pan de jardin à l’extérieur. Il fait très froid et il le voit à mes bras qui se croisent. Il s’en navre un peu :
— Désolé, mais il me semble que notre discussion n’a pas à être ouïe de certaines oreilles.
— On n’assume pas ses actes ?
— Il fait en effet plus chaud entre les cuisses de Malika. Je constate que toutes vous sont dévouées au point de vous confier leur trahison.
— Je n’ai pas besoin qu’elles me le disent pour que je le sache. Et ce n’est pas elles qui me trahissent. Vous voulez une impératrice exceptionnelle sans être vous-même exceptionnel pour elle.
— Vous avais-je promis de me plier à votre chantage ?
Je réfléchis, rassemble mes souvenir et en effet, il avait bien dit qu’il ne serait pas empereur s’il le faisait.
— Non. Mais vos principes… celui dont vous avez parlé à Cendre Des Grisons à votre départ de Kitanesbourg… J’y ai cru et vous m’avez déçu.
Il pose ses mains sur mes hanches et m’amène à lui tout en avançant vers le balcon. Une main caresse ma joue.
— Quelle colère magnifique. Pourquoi être jalouse quand on est la gagnante ?
— Que ferez-vous une fois l’Impératrice élue ? Vous continuerez à batifoler à travers l’Empire ?
— Aurais-je besoin d’échapper à mes pulsions, une fois la plus belle fille à mes côtés ?
— Arrêtez vos compliments, vous m’énervez encore plus. Et si vous avez des pulsions, vous pouvez utiliser votre main.
Ses doigts glissent sur mes cuisses entre les feuilles de dentelles et il me maintient collé à lui. Il murmure, car il nous sent observés :
— Je ne regrette pas ce qui vient de se passer avec Malika des Planes-Plaines. Il y a déjà quelques années que parcourir ses longues cuisses noires me tourmentait. Et ce soir, vous comme elle, vous vous pavanez dans la plus élégante indécence. Comment ne pas résister ? Et pourquoi ne pas récompenser la dauphine du parcours accompli ?
Il ne me vient aucune réponse qui le ramène à ma vision des choses. Il se recule un peu, et son pouce droit glisse sous le crâne de dentelle pour effleurer mon pubis. Je suis brûlante, incapable de lui demander de retirer sa main. Mon seul souhait est qu’il continue indéfiniment. Sa bouche chaude se pose à mon oreille.
— Moi aussi je peux faire des promesses. Je sais être aussi délicat que bestial. Et si avant de m’enchaîner à vous, je m’aventure à quelques étreintes éphémères, elles m’assurent que je serai habile et inventif. Je ne me contenterai pas de jouer des reins comme le plus basique des hommes. Mes doigts seront vos meilleurs amants, et ma bouche provoquera les plaisirs les plus raffinés.
Son pouce se retire, mes cuisses tremblent. Il me toise du regard puis me demande :
— J’ai cédé aux charmes d’une des sept pétasses, comme vous disiez. Est-ce que vous vous retirez de la course, auquel cas, je peux vous faire goûter le confort de la suite impériale dès ce soir ? Ou bien est-ce que vous persévérez pour le confort du château impérial ? Est-ce que je reprends mes caresses pour une soirée ? Ou préférez-vous le service de cette main tous les jours ?
Décomposée… il m’a ôté le dernier mot. Il me tourne le dos, sûr de lui. C’est un coureur qui a trop d’influence sur la gente féminine pour que je l’empêche de courir ailleurs avant mon sacre. Ça me fait mal de le savoir et je peine à croire que le mariage suffise à le mettre en cage. Alors qu’il s’apprête à entrer, je lui lance :
— Profitez bien des derniers jours qu’il reste avant le mariage.
Il a entendu mais ne se tourne pas. Malgré le feu intérieur de mon ventre, j’ai les pieds et les bras glacés. Je regagne donc l’intérieur. Siloë vient me voir en trottant :
— Alors ? Il paraît que vous étiez lové l’un comme l’autre comme un jeune couple ! Les gens ne parlent que de ça ! Ils sont persuadés que Sten a une faiblesse pour toi. Il y en a même qui supposent qu’il va annuler l’élection.
— Ça, ça m’étonnerait.
— Vous avez parlé de quoi ?
— Je lui ai dit qu’il m’épuisait. Je me sens encore plus ridicule que quand j’aimais Geoffrey. Je lui en veux, et pourtant… Il a le monde à ses pieds ! Je commence à me demander pourquoi il se marie.
L’approche de la Duchesse m’empêche de poursuivre mon début de monologue. Elle pétille. :
— L’amour brille sous les étoiles ?
— Pour l’amour, j’espère. Mais sous les étoiles, il fait un peu froid. Et je crois que je vais vous laisser. Cette journée m’a exténuée.
— Je comprends.
— Siloë, tu peux rester si tu veux avec les filles.
— Non, on va t’accompagner.
— Je te jure, je ne t’en voudrais pas.
Elle sourit, puis fait signe aux filles de se regrouper. Comment lui dire devant la duchesse que je veux un peu d’intimité pour éteindre un incendie.
Je salue tant de monde qu’il me faut une demi-heure pour gagner la sortie de la grande salle, le temps d’étouffer un peu le brasier que Sten a attisé.
Nous gagnons la suite, et les filles m’aident à défaire la dentelle qui me couvre. Les pieds gelés jusqu’aux mollets, je me glisse sous les draps de l’immense lit. Les courtisanes gagnent leurs couchettes. Siloë défait sa robe, ne garde que sa culotte puis éteint la lumière avant de se faufiler à côté de moi.
Nul homme n’a su me tourmenter comme le fait Sten. Encore moins provoquer ce désir sexuel animal qui condamne toute rationnalité. Sur le dos, j’essaie d’observer mes projets dans le noir, de me concentrer sur la suite. Mais hormis les secondes de voyeurismes torrides et le pouce de Sten sur ma peau, aucune idée ne vient refroidir mon moteur. J’ouvre un peu les cuisses, laisse glisser ma main et libère quelques soupirs silencieux.
Siloë se tourne vers moi et sa main se pose sur mon bras. Elle pouffe de rire.
— Quoi ? chuchoté-je.
— Je n’avais pas capté ce que tu faisais. Je croyais que t’avais du mal à respirer.
— Et alors ? Tu ne le fais jamais ?
— Si.
— Ben c’est pas drôle. Ce n’est pas toi qui t’es faite chauffer par Sten.
— OK. Je me tourne.
— De toute façon, j’ai plus envie. Tu m’as niqué mon trip.
— Attends.
Elle saisit mon poignet et remonte ma main à hauteur de mon nombril. Puis ses doigts glissent là où se trouvaient les miens. Je resserre les jambes.
— Qu’est-ce que tu fais !
— C’est un cadeau pour toi ma Best. Ferme-les yeux.
Mon esprit hésite, mais mon corps brûlant est curieux. Elle m’embrasse sur la joue, je glisse mon genou sous ses jambes et expire profondément. Son majeur glisse entre mes pétales s’enduit de mes sucs, va et revient doucement, glissant contre ma perle. Après trois minutes sans jamais oser m’explorer en profondeur, Siloë accélère.
Je me cambre, sans gêne, gémis sans me soucier d’être entendu de mes servantes, et me laisse aller à la déferlante. Le souffle de Siloë sur ma joue demande :
— Ça va mieux ma Poulette ?
Je me tourne pour l’étreindre contre moi. Je ne sais pas si je dois être gênée ou non, mais je ne peux nier que j’ai aimé.
— Best forever, murmuré-je en caressant ses cheveux.
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