Chapitre Unique
Grand-Père était résistant. Je ne l'ai pas connu. Il est mort bien des années avant ma naissance et on m'a toujours dit qu'il ne fallait pas poser de questions sur cette période douloureuse de leur vie, que je devais ravaler ma curiosité. J'ai réussi à glâner sa carte d'identité que je garde précieusement chez moi. La seule chose que je sais de lui est que lorsqu'il rentrait de mission, la mitraillette restait sur la table de nuit.
Mon esprit imaginatif a comblé les trous. Je le voyais tenir des réunions secrètes dans des endroits reculés, inaccessibles à l'envahisseur, parcourant la nuit des chemins de traverse à la seule lueur des étoiles, fuyant même la Lune. Une véritable armée des ombres. Il pouvait tenir tête à des bataillons entiers de la Wehrmacht dans d'impressionnantes fusillades, il plaçait des explosifs sur les voies ferrées pour empêcher le ravitaillement ennemi et récupérer ce que ces hommes placés sous le sceau de la clandestinité avaient besoin pour mener leur guerilla. Je le rêvais en négociateur de la paix avec les Anglais et les Américains, défenseur manichéen de la veuve et de l'orphelin, pourfendeur impitoyable de Boches, cigarette au coin de la bouche, uniforme toujours impeccable, sourire imperturbable.
D'après la rumeur qui se murmure dans ma famille, un obscur réalisateur du nom de Quentin Tarantino serait venu des Etats-Unis pour l'interroger et retracer son parcours pendant la guerre. Socle qui aurait servi ensuite pour "Inglourious basterds" et notamment le personnage d'Aldo Raine, incarné par Brad Pitt. Qui mieux que le sex-symbol hollywoodien pour représenter mon grand-père au cinéma ? Tout comme Steve McQueen dans "La grande évasion" ou Jean-Paul Belmondo dans la plupart de ses films.
La vérité est certainement à la fois moins reluisante et plus nuancée mais n'est-il pas interdit de rêver ? Et qui sait ? Peut-être que se cache une part de vérité dans cette fantasmagorie.
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