Chapitre 3 fin

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 Il souffla de dépit, ferma les yeux recherchant ce que je voulais, il se téléporta soudain. J’ignorais combien de temps s’écoulerait avant que quelqu’un dans ce vaisseau ne se décide à envoyer des renforts à son chef. Il ne devait pas disposer de sonde d’observation sinon ils auraient débarqué dès que le cube l’avait emprisonné.


 Expédieraient-ils un contingent ou se retireraient-ils pour chercher conseil auprès d’un éventuel collaborateur ? Je me trouvais devant plusieurs corps, je n’ignorais pas que dans mon dos mes amis observaient derrière les fenêtres, cherchant une explication à ce cauchemar.


 Je devrais être mortifiée à l’idée du jugement qu’ils me portaient, ou de me retrouver face à plusieurs guerriers. Il n’en était rien. Durant des années ces rêves de vies passées m’avaient presque rendu folle. Comment croire en ce que je voyais ? L’Atlantide, la magie et toutes ces personnes qui avaient partagé mes vies. Je m’étais torturée les méninges chaque fois.


 Aujourd’hui je ne pouvais plus douter de tous ces souvenirs. Angal… Non, si je me laissais aller à réfléchir à tout ça, je m’effondrerais. Pas maintenant, je ne pouvais pas ! En fait, je me trompais. Ce que je sentais pulser en moi n’était ni chagrin, ni désespoir mais de la rage. D’où me venait cette colère ? Des souvenirs ?


 Je ne devrais rien savoir d’après Styx. Pas sans magie dont j’étais privée jusqu’à aujourd’hui, comme le reste de la planète. Alors comment ? Tous ces rêves, la prémonition, à qui je les devais ?


 Je levai les yeux au ciel de dépit, le soleil déjà disparu, l’astre lunaire portait le rouge. Il s’accordait à cette soirée, une lune de sang comme seul l’été savait nous en donner.


 Styx s’en sortirait-il ? Cette pensée déclencha en moi un autre de ces mystérieux instincts qui agissaient pour moi. Ce que je percevais comme énergie magique en moi s’emballa, elle monta se nourrissant de mes sentiments.


 L’idée des dégâts qu’elle pourrait causer m’effrayait. Elle explosa sans que je ne puisse rien y faire, me laissant dans un calme précaire. Pas un cri ne s’entendait, tout semblait identique, moi qui craignais de tout incendier autour. Seule la lune brûlait, apaisante.

 Ils apparurent alors : une vingtaine de guerriers, visiblement ils n’iraient pas chercher conseil ailleurs.


  — Vous avez encore le temps de partir en vie, criai-je sans quitter des yeux Séléné.


 Pour toute réponse, j’entendis le crissement des armes que l’on tire de leurs fourreaux. Une lune rouge pour une soirée sanglante. Avais-je une chance de m’en tirer ? Stéphanie probablement pas, mais celle en moi qui trépignait d’en découdre, sûrement.

 Mon épée à la main je me tournai tandis que certains s’élançaient déjà. Je cueillis le premier en l’éventrant, fis un pas de côté, avançai repartant dans l’autre sens. Le deuxième leva son arme pour parer, mais elle fut découpée et sa gorge suivit. Une esquive sur ma gauche. Un demi-tour et je tranchai à nouveau dans la chair.

 La boucherie était telle que l’odeur du sang m’emplissait les narines. Les ennemis défilaient en silhouettes indistinctes fauchées par un éclat bleu irisé.

 Ma lame passait à travers armure et os.

 Mon corps réagissait sans tenir compte du magma bouillonnant de mon esprit. La sensation était étrange. J’avais perdu la notion du temps, les cadavres accumulés étaient remplacés par des guerriers fraichement débarqués. Je réalisai que je tenais une autre épée dans ma main gauche sans me rappeler comment je l’avais saisie, ni quand.

 La rage commençait à m’envahir. Je la réprimais aussitôt, craignant une nouvelle explosion de magie, qui elle pourrait se révéler dévastatrice. Cela repoussa mes instincts. Une masse d’arme s’abattît alors sur mon épaule. La douleur fulgurante me paralysa, je vis un espadon fondre sur mon abdomen.

 La peur m’électrisa. Je m’écartai. Au final la lame m’effleura, entaillant légèrement ma chair.

 Une volte. Un pas en avant. Mort.

 J’utilisai mes pouvoirs pour réparer l’articulation de mon épaule, la douleur resta vive comme je m’y attendais. Je me contentai de reconstituer l’armure au niveau de mon torse et la resserrai pour contenir le saignement. Si je retenais trop la colère en moi, je ne parvenais plus à correctement esquiver, parer et attaquer. Si je me laissais sombrer dans la fureur, les résultats pourraient être toutes aussi graves, y compris pour moi. Je devrais donc jongler avec l’équilibre de mon esprit pour éviter ces deux extrémités.

 L’écoulement du temps m’échappait au milieu du fracas de métal et les cris. J’ignorais si mon calvaire se rapprochait de sa fin.


  — Sahiane on est là.


La voix de Styx jaillit dans ma tête telle une bouffée d’oxygène répondant à mon inquiétude.


  — Finalement tu es en un seul morceau, répliquai-je amusée. Qui as-tu trouvé ?

  — Tu aurais eu l’air maligne si je n’étais pas revenu, se vexa–t-il. Lilian est avec moi.

  — Je vais venir t’aider, me dit-elle prenant part à la discussion.


Son impatience transparaissait.


  — Non ! Restez et assurez-vous qu’il n’arrive rien aux gens derrière vous.


Feinte, contre-attaque.


  — Tu as plus besoin d’aide qu’eux, inutile d’être trois à materner ! s’agaça-t-elle.

  — Un pour protéger mes amis et l’autre pour surveiller Mia, répliquai-je en transperçant un nouvel adversaire.

  — Elle m’est inconnue, mais je doute qu’elle soit dangereuse.

  — C’est le chef de la Confrérie que Martin a créée. J’aimerais connaitre l’étendue de l’endoctrinement qu’elle a reçu et ses comparses par la même occasion, lui expliquai-je.


Esquive, coup de taille.


  — Ah, c’est donc elle. Nous n’avions entendu que les rumeurs sur cette hérésie. Vu comme ça je comprends mieux ta demande. Elle était là pour te tuer, je suppose ?

  — Mais on doit pouvoir aider quand même, insista Styx dissimulant son inquiétude avec difficulté.


Une parade, une nouvelle estafilade pour moi.


  — Bien, si tu tiens tant à m’aider va chercher mon mp3 dans mon sac et mets-moi de la musique.

  — Tu veux de la musique ? répéta-t-il comme si j’étais folle.


Lilian, elle gloussait nerveusement face à l’incongruité du moment.


  — Oui !


 Mon idée était simple, utiliser la musique pour faciliter la cohabitation entre instinct et réflexion.

 Je ne l’entendis plus, mais je savais que Styx maugréait à cette idée. Dès que les premières notes du thème principal résonnèrent ma [sg3] conscience fut happée par ces sons, me laissant spectatrice dans mon propre corps.

 J’apercevais les lames virevolter autour de moi. Le liquide écarlate giclait à leur suite. Je sentais le tranchant des armes mordre dans mon être. Impressions similaires à ce que je me rappelais de ma mésaventure à Shambala. Je serrai les dents et continuai, mon ballet macabre. Faisant abstraction de la douleur engendrée par les blessures récoltées.

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