Chapitre 9 partie 1

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 Je descendis rapidement le niveau qui me séparait de ma destination. Mes pas résonnèrent dans le couloir bordé de petites pièces vides.

 Un large espace précédait sa cage qui était la plus grande de toutes. Calypso était trop gentille. Martin affichait un sourire provocateur, il estimait sans doute rester en position de force malgré sa capture. Il allait être déçu.

  — Très aimable de me rendre une petite visite. Je suppose que mes estimés collègues diplomates réclament ma libération immédiate. Au vu de votre réputation peu glorieuse, vous seriez bien avisée d’y accéder rapidement, déclara-t-il condescendant et esquissant une expression triomphante.

  — Personne n’est là pour vous. Votre vaisseau a fui et aucune communication ne nous est parvenue, murmurai-je, amusée.

Son expression changea en un instant mais il reprit contenance.

  — Question de minutes, plaisanta-t-il, le temps s’écoule si vite lorsqu’on passe un bon moment.

  — Profitez de ces derniers instants de répit. La suite vous plaira beaucoup moins.

  — Vaines menaces, je suis au fait de vos habitudes et règles. Vous avez besoin de vous réhabiliter auprès de l’opinion publique, vous ne pouvez donc pas vous en prendre à moi. Et aucun juge ne vous accordera le plaisir de tenir compte d’aveux extorqués.

 Il se délectait de ses propos, il ne sentait donc rien. Parfait.

  — Mon pauvre, après tous vos crimes vous pensez réellement que je vais m’embarrasser de règles. Finalement vous ignorez totalement qui je suis, susurrai-je venimeuse.

 Je m’étais introduite dans son esprit dès qu’il fut dans mon champ d’action. Je me fichais pas mal de ses réflexions actuelles. Je voulais de quoi attaquer ses certitudes. Un point de départ pour lui faire mal en appuyant dessus. Ses souvenirs devraient m’y aider.

Plusieurs flashs défilèrent dans son esprit : cadavres décharnés, des gens servant de cobayes, d’autres torturés. Il se rasséréna encore interrompant les visions.

  — Je sais ce que tu veux savoir…

  « Je m’accrochais à la trace temporelle des flashs. »

  — Tu veux la boîte.

  « Un défilé de drapeaux rouges, une réunion de gradés. »

  — J’ai scellé cette information par de puissants sorts.

  « Une femme aux yeux bleus et à la très longue chevelure, un homme en uniforme avec un brassard rouge. »

  — Je me suis assuré qu’elle ne puisse être retirée contre ma volonté ou par la force. Tu ne peux rien faire sans mon bon vouloir. Il va falloir être gentille, jubila-t-il.

  — Oh mais je n’ai pas de doutes sur votre coopération pleine et entière, mon cher Bormann.

 L’explosion de pensées lorsque je prononçai ce nom m’aida à compléter le tableau mental. Le trouble qu’il ressentit vis-à-vis de ma découverte m’inspira du plaisir, que je réprimai. Si je voulais lui tirer toutes les informations possibles, je devais jouer finement.

  — Peu importe. A quoi pourrait vous avancer de savoir que j’ai pris des vacances sous une autre identité, détourna-t-il.

  — En villégiature sous le troisième Reich, ce n’est pas commun. Pas trop déçu de cet échec après autant de pertes ? Simuler sa propre mort ce n’est pas ce qu’il y a de plus glorieux.

  — Mon pantin ne serait pas d’accord sur le terme simuler, gloussa-t-il.

 J’avais assez d’information pour ce que je souhaitais faire, et mes amis ne devaient plus occuper Styx avec leurs questions. Je risquais de manquer de temps : je posais une fine barrière à l’embouchure du couloir derrière moi et disparut de sa vue. Je reparus devant Martin. Dubitatif et inquiet, il ne put s’empêcher de reculer en dépit de la protection de sa cellule. Il se questionnait sur mes intentions. Il était loin de la vérité.

 J’entendis un concert de pas dans le couloir, j’étendis aussitôt la barrière en un cube isolant la zone contenant à la fois le vestibule et la cellule de Martin. Je fis en sorte de le rendre imperméable et indestructible à mes amis. Ils ne devaient pas me gêner dans mes plans. Le premier ne faisant pas attention, se la prit de plein fouet.

  — Bon sang Sahiane ! On peut savoir ce qu’il t’a pris de mettre ce truc-là, grommela Mérick en se massant le nez.

  — Et si nous commencions ! déclarai-je à l’attention de Martin.

 Je claquai simplement des doigts, un fauteuil de type chaise de dentiste se matérialisa à côté de moi. Une femme y était endormie. Un doux visage au teint de porcelaine sur lequel cascadait jusqu’au sol une longue chevelure blonde. L’expression que je lus en Martin fut de l’incrédulité mêlée de peur. Un autre claquement de doigts et des sangles se refermèrent avec force autour de la femme la réveillant en panique. Elle tournait la tête en tous sens, dialoguant en allemand avec un fort accent serbe.

  — Je dois avouer que vous l’avez plutôt bien conservé depuis 1945. Elle n’a pas pris une ride, lui dis-je presque en criant afin de couvrir les cris angoissés de la blonde.

  — Mais… Comment as-tu fais ça ?

  — Vous avez tellement voulu protéger un seul souvenir que vous avez totalement négligé le reste. Une fois atteint Bormann il n’a pas été difficile de voir mademoiselle Orsic et découvrir sa véritable identité.

  — Tu ne sais rien, grogna-t-il entre ses dents.

 À présent Maria l’avait reconnu et le questionnait sur la situation actuelle. La pâleur de ce dernier témoignait de son mal-être.

  — Laissez-moi établir quelques conjectures, pépiai-je en clouant temporairement le bec à Maria. Vous avez enfin trouvé un terrain favorable pour tester à l’échelle d’une planète les théories d’Itias. Utiliser une situation de crise, un homme charismatique auquel il a été aisé de lui suggérer ce que vous vouliez. Il était plutôt réceptif en ce qui concernait les technologies anciennes et l’évolution en un être supérieur dont il se pensait issu.

 Sa mâchoire crispée et les efforts vains qu’il déployait pour m’empêcher de lire davantage ne faisaient que confirmer mes hypothèses.

  — J’imagine qu’en dépit de l’usurpation d’identité, de la dénaturation du symbole de Shambala et des nombreuses expéditions vous n’avez pas trouvé le royaume d’Agartha.

  — Vos cours d’histoire auraient dû vous apprendre qu’Himler dirigeait l’Ahnenerbe, pas moi, contra Martin.

  — Oh mais je ne doute pas de vos qualités de marionnettiste de l’ombre. Après tout cela fait sept siècles que vous manipulez l’Alliance à votre convenance. J’admets que priver Terrae de magie, dissimuler le tout en m’accusant de despotisme et faire gober ça à l’Alliance tout ce temps est un véritable exploit.

  — Le plus compliqué a été de trouver la boite et un gentil petit hanuman pour l’ouvrir. Pour l’Alliance, je n’ai que peu de mérite, tous semblaient attendre que l’un d’entre vous ne craque et ne décide de s’octroyer une planète. Il suffit de leur donner un petit os à ronger de temps en temps en détruisant un vaisseau et mettant ça sur votre compte. Ils se manœuvrent si facilement.

  — Je pense qu’ils seront moins prompts à vous croire maintenant.

  — Pauvre petite, votre parole n’aura pas la moindre valeur face à la mienne. J’ai d’excellents pions répartis sur mon jeu. Dommage pour vous.

  — J’imagine, c’est d’ailleurs étonnant que vous soyez venu en personne face à moi. Ça n’était sans doute que de l’orgueil, vous pensiez me manipuler de la même manière.

  — Tu te flattes, dit-il avec dédain.

 Ce que je vis en lui m’amusa bien davantage. Il savait que Mia pourrait ne pas réussir, mais il avait pris seul l’initiative de venir tenter sa chance.

  — Peu importe, commençons. Premièrement je me sens d’âme charitable, assez pour lui rendre sa mémoire.

 Martin ne réussit pas cette fois à dissimuler son blêmissement. Derrière la barrière c’était l’incompréhension totale. Je fis le tour du fauteuil, elle ne se débattait plus et pleurait en silence. Sa respiration s’accéléra sous la peur. L’expression qu’elle lisait sur le visage de celui qu’elle savait être un de ses bons amis n’était pas pour la rassurer. Je posais mes mains sur ses tempes, elle convulsa violemment.

  — Non ! hurla Martin cognant à sa cellule.

  — Sahiane arrête ça ! me somma Styx.

 Elle cessa de s’agiter, je supprimais le sort de silence, presque aussitôt elle se mit à éructer un flot de paroles indistinctes, qui s’acheva sur une question claire.

  — Espèce d’imbécile ! Comment as-tu pu nous mettre dans une telle situation ?

  — Moi je sais, mais ce n’est pas ce qui me préoccupe. Ce que je veux c’est le coffre.

  — Tu te fais des idées si tu espères que ça me fasse parler.

  — Voilà pourquoi j’ai pris ça, indiquai-je montrant dans ma main gauche deux minuscules fioles médicales.

 Un plateau s’était matérialisé présentant deux seringues.

  — Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda Martin tandis que je plantais une seringue dans la première.

  — Qu’as-tu l’intention de me faire ? me questionna Maria nerveuse.

  — Ça c’est le charmant virus que tu as répandu parmi les populations à risque. J’étais certaine que nous avions anéanti toutes traces de « La mort silencieuse » avec la destruction du laboratoire. Mais on a visiblement manqué les premières ébauches, admis-je. Puisqu’il a reparu dans les années 80.

  — Tu… Tu n’oserais pas ? bredouilla-t-il.

  — J’ai toujours eu envie de laisser Itias goutter à son poison et grâce à vous mon cher Martin, aujourd’hui je réalise un rêve, souris-je.

  — Je suis une ancienne ! ça ne fonctionnera pas sur moi, me cracha-t-elle au visage.

  — Ça n’est plus vrai depuis bien longtemps, c’est d’ailleurs ce qui te permettait de nous échapper, lui rappelai-je en plantant l’aiguille dans son bras.

  — Arrête ça ! éructa Martin.

  — Je veux mon coffre, lui donnai-je pour seule réponse.

  — Il faut des semaines d’incubation, argua-t-il en vain.

  — J’ai pris la souche mutante la plus virulente trouvée jusqu’à présent, expliquai-je achevant l’injection. Et l’un de mes pouvoirs généreusement rendu par Mia, consiste à manipuler le temps ; aussi vais-je accélérer le sien.

J’exécutai ma menace, ma prisonnière se tendit sous ses liens, elle pâlit et se mit à transpirer abondamment.

  — Sahiane ! Cesse immédiatement, tu ne peux pas faire ce genre de chose ! cria Risha coincée derrière la barrière.

  — Je ne vais pas m’arrêter là, chantonnai-je saisissant ma seconde fiole.

  — Je ne parlerais pas, tout cela est sans effet sur moi ! vociféra Martin.

  — C’est parce que pour le moment ça manque de spectaculaire. Ceci contient le Marburg, un cousin d’Ebola, ça plait toujours dans les téléfilms catastrophes… m’amusai-je repiquant la veine.

  — Non ! cria-t-il désespéré.

  — Mon coffre ! assenai-je appuyant sur le piston.

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