Chapitre 10

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 Le temps de revenir sur la passerelle, mes amis tentèrent d’obtenir de vraies réponses au sujet de Martin et la boîte. Je leur en accordai quelques-unes pour le premier, mais concernant la seconde, je préférai garder ça pour le moment où il la verrait. Dès que nous franchîmes la double porte, Akasha lança.


  — Est-ce qu’il est mort ?


 Elle n’avait pas bougé depuis mon départ pour l’infirmerie, toujours à fixer les consoles avec concentration.


  — Oui, ça aurait été insuffisant.

  — Ce n’est pas faut, admit-elle haussant les épaules.

  — Médée tu en es où de la préparation du comité d’accueil ?

  — C’est presque fini Sahiane.

  — Parfait il ne manque plus que l’Alliance.


 Je consultai les scanners longue portée aux côtés d’Akasha.


  — Tu comptes engager le combat ? s’enquit Styx préoccupé.

  — Je leur laisserai une chance de faire demi-tour.

  — Ça attirera l’attention sur nous si tu fais exploser trois vaisseaux à côté de la planète, me fit remarquer Risha en pointant les nombreux satellites que l’on voyait par la large baie.

  — Je m’en fiche totalement ! Au contraire, ça pourrait même nous servir.

  — J’ai les plus grandes difficultés à te suivre, m’informa Styx affichant un air inquiet.

  — L’essentiel c’est que moi j’y arrive, le narguai-je.

  — Moi je serais ravie d’avoir un peu d’action ! Surtout si l’Alliance en paye les frais, jubila Akasha.

  — Un peu d’action ! articula Jules avec colère.


 Enfin, il avait donc repris consistance et se tenait debout devant le divan, une expression de fureur sur le visage. Nicolas le tira par la manche pour le ramener sur le canapé, sans succès.


  — Vous trouvez ça amusant d’exploser des vaisseaux et de nous mettre en danger comme ça ?

  — Quel danger ? pouffa Akasha.


 Jules s’avança vers elle, rubicond.[sg1]


  — On a été attaqué par une malade avec une claymore ! J’ai été pris en otage, poignardé, traumatisé, enlevé dans un vaisseau spatial qui va se faire laminer par trois autres, énuméra-t-il en crescendo. Et vous demandez quel danger ?

  — Ils n’ont aucune chance face au Thémis, et puis vous allez plutôt bien…


 Le haussement de sourcil d’Aka fut certainement de trop pour Jules.


  — Plutôt bien ! hacha-t-il avec hargne. J’ai pris un couteau en plein cœur, j’ai cru mourir, et tout ça à cause d’elle ! cracha-t-il en me pointant du doigt. Mais vous ne devez pas savoir ce que ça fait !


 Risha en resta bouche bée et Akasha éclata de rire, perturbant encore davantage Jules.


  — Par les tous les dieux, j’aurais bien aimé que ma chair n’ait rencontré que des sokars ! Non mortel et plus aucune douleur dès que la lame est retirée. J’ai été empoisonnée, poignardée, étranglée, mutilée, brûlée… Et je ne suis pas la seule dans ce cas. Contrairement à toi, je me souviens de chacune de mes morts.


 À présent, il la regardait comme si elle était folle à lier. Après quelques instants, il préféra oublier Akasha et reporta sa colère contre moi.


  — Tout ça, c’est ta faute ! On était bien tranquille, en train de discuter, elle est venue pour toi et la soirée s’est transformée en cauchemar ! C’est encore ta faute si je me suis retrouvé avec une lame sous la gorge, parce que je ressemblais à je ne sais qui d’important pour toi ! Mais le pire c’est qu’au lieu de m’aider tu as incité ce dingue à me tuer ! Et comme il ne m’égorgeait pas assez vite à ton goût, tu m’as poignardé toi-même !


 Il commençait sérieusement à me taper sur les nerfs à crier comme un imbécile. Ne se rendait-il pas compte que la situation ne se prêtait pas à un psychodrame personnel infondé ? Était-il stupide au point de ne pas avoir compris qu’il ne vivait que grâce au sokar que j’avais employé ? Croyait-il être le seul perturbé par la soirée ?

 Comment pensait-il que les autres se sentaient ? Sérieux ! Pourtant eux restaient tranquilles et patients. Il continuait de crier après moi sans que je prête attention à ses propos, je sentais juste la moutarde me monter au nez au fur et à mesure que lui et ses postillons se rapprochaient. Soudain, Styx se plaça entre nous deux le faisant taire instantanément.


  — Tu as bien assez parlé pour aujourd’hui, il suffit ! Retourne t’assoir, et garde le silence, l’admonesta Styx avec calme, mais dont le ton demeurait menaçant.

  — Il n’est pas question que je me taise ! commença Jules reprenant à peine contenance.

  — Ça n’a pas le moindre intérêt. Je me fiche complètement de tes états d’âme, et c’est pareil pour mes confrères. Vu ce qui est en jeu, tu n’as pas la moindre importance. Tu ne dois la vie qu’à ce sokar. Ce que tu crois savoir sur Sahiane est faux. Ce que tu penses qu’elle ressent pour toi n’existe pas, tu n’as donc aucun droit de t’adresser à elle de la sorte. Alors je te laisse le choix, où tu retournes à ta place et la fermes, ou je te colle dans une cellule insonorisée où tu pourras hurler à ta guise, acheva Styx glacial.


 Moi je me questionnais sur ce qu’il avait pu dire quand je ne l’écoutais plus pour que Styx mentionne mes sentiments. Je me garderais bien de demander ! Jules, lui, perdit toutes couleurs. Il déglutit avec difficulté puis retourna s’assoir à reculons, les jambes flageolantes.


  — Judicieux choix, commenta Akasha.

  — Pouvons-nous faire sans eux, s’il te plaît ? m’interpella mentalement Risha.

  — On ne va pas s’interrompre chaque fois qu’il y en a un qui craque nerveusement, rajouta Akasha à la conversation.

  — On verra après avoir réglé cette histoire avec l’Alliance. Si certains préfèrent oublier, on effacera leurs mémoires, ils s’en porteront mieux plus longtemps.

  — Comme tu veux, soupira Akasha, elle n’appréciait pas la temporisation.

  — Juste un sort d’oubli ne suffira pas, il faut créer un souvenir identique pour tous.

  — D’accord.

  — Médée, tu en es où ? demandai-je à haute voix pour couper court à toute éventuelle reprise de dispute.

  — Je suis prête ! claironna-t-elle.

  — Formidable, on va pouvoir avancer. Les vaisseaux de l’Alliance ont-ils déjà réactivé le satellite ?

  — Pas pour le moment. Ils doivent sans doute négocier cette autorisation.

  — J’imagine que ça ne va pas tarder, ils vont avoir besoin d’une liaison sûre s’ils veulent tenir informés leurs superviseurs et demander des renforts.


 Je pris place dans un des fauteuils de commandement.


  — Ça fait beaucoup de suppositions, souligna Médée.

  — Je sais, mais Martin a sans doute préparé une excuse dans le cas ou son plan réussirait. Elle est peut-être valable pour son échec.

  — Certainement une histoire amusante, commenta Risha.

  — Quoi qu’il en soit aussitôt qu’il est réactivé, envoie le virus afin qu’il se répande rapidement dans le reste de la galaxie.

  — Tu veux diffuser quoi ? m’interrogea Styx curieux.

  — Le discours de Martin. Surtout la partie où il admet prendre plaisir à manipuler ces imbéciles du conseil.

  — Les marionnettes ne vont pas aimer, apprécia Akasha.

  — C’est vaguement l’idée, je veux donner matière à réfléchir à ces chers diplomates. Cela devrait suffisamment les occuper pour que nous ayons plus de champ ici.

  — Tu prévois quoi exactement, Sahiane, parce qu’on pourrait en faire part à tout le monde ? réclama Lilian.


 Le tapotement de son index sur le moniteur à son côté marquait bien son impatience.


  — Ma chère, puisque tu y tiens, et que vous insistez tous pour les détails… Je veux organiser une réunion avec les membres de la communauté magique qui ont échappé à la boîte.

  — Ah bon ?

  — Oui, ceux qui se trouvaient dans les havres. Ils ne doivent pas en sortir tous les jours, il nous faudra dénicher les portes actives et les convier. Ainsi que les démons qui rôdent.

  — Qu’est-ce qui te fait croire que des démons ont survécu au coffre ? demanda Risha avec surprise.

  — Les derniers cas de combustions humaines spontanées n’ayant pas trouvé d’explication.

  — Ça peut effectivement être une hypothèse plus que valable. Cependant, l’idée de réunir deux factions relativement opposées ne me semble pas la meilleure chose dans l’immédiat.

  — Vous avez rejeté sans appel ma première idée, fis-je valoir en m’enfonçant davantage dans le siège. Je vous l’ai dit, je vais ouvrir ce coffre. Un accord préalable nous permettrait d’éviter de nous disperser en chasse. Si les ramenés sont guidés par des rescapés, nous pourrions en tirer avantage.

  — Tu crois que des démons vont gentiment se rallier à notre cause, s’amusa Lilian.

  — Entre ça et la perspective que je les traque tous pour les massacrer. Je devrais pouvoir en convaincre certains.

  — Des menaces de mort… C’est un moyen de négociation comme un autre, ça peut marcher même contre des entités maléfiques, concéda-t-elle.

  — Et on prévoit cette joyeuse réunion pour quand ? se renseigna Styx.


 La tension que son corps affichait, démontrait que la perspective le dérangeait.


  — Le plus tôt possible.

  — Je m’occuperai des préparatifs, déclara Akasha en s’asseyant près d’un clavier tout en se frottant les mains.

  — Merci.

  — On a manqué quoi ? questionna Sveï en reparaissant sur la passerelle.

  — On vient de programmer une petite fête de retour ; avec pour convives quelques habitants du Tartare.


 Il regarda Risha d’abord avec bienveillance, attendant la fin de sa plaisanterie, puis ses sourcils commencèrent à se froncer. Il se tourna enfin vers moi :


  — Rish ne blague pas ?

  — J’aurais préféré, souffla Styx.

  — Vous avez ramené la boîte ?

  — Oui Sahiane. On a passé quelques embûches, mais rien de grave. Par contre, ça ne ressemble plus trop à un coffre ! Un container est plus proche de la réalité.

  — Elle est à bord en sécurité et vous aussi. C’est tout ce qui compte.

  — Merci de ta sollicitude.

  — Le satellite vient d’être réactivé, je commence le transfert.


 L’intervention de Calypso rendit son sérieux à tous.


  — Calypso, combien de temps ?

  — Entre trente et quarante minutes Sahiane.

  — J’en deviendrais presque impatiente qu’ils arrivent, histoire que ça passe plus vite, grommela Akasha.

  — Tu en demandes beaucoup.

  — Est-il possible de profiter de ce délai pour nous expliquer un peu la situation ? s’écria Claire ne tenant plus du tout.

[sg1]Juste pour toi Caracal

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