6 - Frisson
Le vampire n’avait jamais frissonné ainsi. De toute sa longue vie séculaire, il n’avait jamais connu cette sensation, cette nuance subtile qui électrisait ses nerfs. Il avait certes connu les frissons de froid, il y avait longtemps, très longtemps, lorsqu’il était encore mortel. Au moment de sa transformation, il avait été envahi de frissons de peur qui s’étaient vite mués en une terreur sans nom face aux deux créatures de la nuit qui le dévoraient et le vidaient de son sang.
Une fois devenu l’un des leurs, il avait découvert les frissons du prédateur en chasse, cet instant où l’appel du sang le faisait vibrer et qu’il savait sa proie condamnée, à sa merci, dont les artères allaient bientôt déverser leur liquide carmin dans sa gorge et lui apporter vigueur et bonheur.
Mais ce frisson-là, non, jamais il ne l’avait ressenti. Il avait été transformé trop jeune, avant l’âge des premiers émois, avant de pouvoir connaître l’amour. Le monstre qu’il était devenu n’avait pas cherché à connaître ces stimuli nés du doux contact de la peau d’une femme contre la sienne.
Anelka n’avait fait que poser sa main contre sa joue, dans un geste innocent, plus bienveillant que séducteur. Et le vampire en avait frissonné, non pas par faim, ni par peur ou de froid. C’était un frisson de sensualité. Elle l’avait involontairement séduit. Et il en voulait plus.
Pas la dévorer. Pas la tuer. Pas la transformer. Pas la faire passer par les mêmes souffrances que lui. Il souhaitait seulement que le contact ne se brise pas, que sa main continue de caresser sa joue et que son sourire continue de l’illuminer sans le blesser comme le ferait le soleil.
Rien qu’à cette idée, le vampire frissonnait de joie.
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