chapitre 8

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Suan, guidée de Grenouille, avait déjoué la surveillance des gardes. Il mena sans encombre, mais avec une vive pression dans le cœur, Analoum et Trysol dans un bureau étriqué au premier étage. Ses jambes tremblaient de nervosité d’avoir marché si vite du jardin, aux couloirs en passant par la cuisine. Il avait à peine décroché son regard des éventuels dangers. Et ce fut sans prêter attention au bois laqué et aux fresques taillées dans les murs qu’il respirait à nouveau normalement. Il se laissa choir dans un renfoncement, entre deux buffets. En face de lui une bibliothèque dévorait toute la surface du mur. Elle le surplombait de son immensité comme détenant le savoir du monde et toute sa complexité. En l'admirant, Suan sentit un frisson s'étendre sur tout son corps. Il admirait tout le pouvoir de la connaissance qui se tenait en face de lui. Et pour une raison qu'il ne saisissait pas, il en eut peur. Que pouvait savoir tous ces livres et parchemins entassés dans un désordre monstrueux ? Jamais il ne saurait en déchiffrait une syllabe. Tous leurs secrets resteraient pour eux, pour ceux qui pouvaient les comprendre. Sans explication, il entendit sa voix intérieure. Pas celle de sa soeur. La sienne. Elle venait si rarement le tourmenter.

Ce mur de connaissances doit savoir bien plus de chose sur toi que tu ne parviendras jamais à connaitre. Il détient peut-être la clé de ton retour en bas. Peut-être même détient-il le pouvoir d'arrêter la pluie... de ramener la vie...

Suan resta interdit devant sa propre pensée. Qu'avait-il qui ne tournait pas rond pour songer ainsi ? Est-ce qu'il en avait vécu trop pour aujourd'hui... ou pour le reste de sa vie ? L'idée de faire cesser la brume s'invita en lui. Il regarda plus férocement les étagères. Si les pages gardaient pour elles la recette du bonheur ? Il commença à jalouser les lettrés qui, d'une simple lecture gonflaient leur esprit de ce savoir qu'il ne dévorerait jamais. Cela le désola. Encore une fois, il se sentit inférieur à tout. Incapable. Il n'avait jamais fait autre chose que ramasser le riz dans les rizières et écouté les histoires des autres dans la bouche d'autres. Quelle connaissance avait-il que celle qu'on lui avait rapporté ? Sa tête se baissa. Ses yeux figèrent un instant le seul tapis qui ornait le sol de la pièce. Il avait cette couleur vive qui ressemblait au han-fu des nobles qui promenaient parfois les longs des berges.

Involontairement, il se pencha sur sa sœur et sa tenue vert pomme. Est-ce que les gens qui savaient avaient tous de la couleur sur eux ? Xin-Shen avait beau être plus jeune que lui, elle devait en avoir vu des choses. Elle lui avait dit que le monde d'entre d'eux était différent du sien. Il y avait de la netteté.

Suan chercha pendant quelques minutes à déterminer ce qu'elle observait. Il n'y avait personne. Pourtant, il aurait juré que Grenouille ressentait la présence de quelqu'un.

Je sens l'aura de Nyim, le surprit-elle.

L'aura de la femme était présente autour d'eux, mais elle semblait invisible à l'œil nu. Suan hocha la tête, écoutant au loin des possible pas. Il resta à contempler sa sœur. Celle-ci contracta sa vision de fantôme. Ses pupilles se fendirent en deux, comme celles d'un chat et balaya son regard de droite à gauche. Elle se figea, fixa la bibliothèque. On aurait dit qu'elle cherchait à pétrifier une personne. Quand ses yeux retrouvèrent un soupçon d'humanité, elle se tourna vers son frère. Suan avait l'œil humide de fatigue. Il se redressa conscient que le repos était déjà terminé. Il soupira, serra ses mains l'une contre l'autre, tordit ses doigts. Ses méninges jouaient avec ses nerfs, à n'en pas y douter. Finalement, mourir aurait été bénéfique pour lui comme pour Grenouille.

Tous les deux se regardèrent longuement, sentant le malaise de l'autre et le sommeil qui infiltrait leur corps.

Xin-Shen lui pointa du doigt la corne d’un animal étrange figé dans un des piliers de bois. Il avait une stature étrange qu'on les animaux qui sont roi face aux hommes.

— Tire dessus ! Nyim est derrière. Il y a une femme avec elle. Dos à la porte. Elle ne bouge pas. On dirait qu’un morceau de métal la soutient.

Suan soupira encore. Quand aurait-il le temps de se caler et de remettre en ordre ses idées ? La fatigue lui réduisait l’esprit à rien. Il avait une terrible envie de se mettre en boule dans un coin et s’endormir sans la crainte de se réveiller une minute plus tard avec l’image d’une nouvelle sombreuté dans le décor. Tout allait trop vite depuis qu’ils avaient passé les fossés. Et pas seulement. Cela faisait moins d’une semaine qu’il se trouvait là - même si les jours et les nuits paraissaient plus longues qu’en bas -, et il regrettait la pluie de son village. Le gris n’était pas une simple pellicule sur le paysage, c’était un cœur battant et malade qui empoisonnait cette terre et ces habitants.

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