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Les iris orange vif de Suan et la fissure qui zébrait la roche au-dessus d’eux indiquèrent à Tartanne que le pouvoir de Fadone, une sorcière née sur le mont le plus haut du royaume de Gridya, circulait dans ses veines. De toutes les personnes que Suan avait été, c’était l’une de plus puissante avec Adom et Talkma (le Hàng Xiè, aux yeux de lave). S’il continuait à s’énerver contre Trysol, Tartanne ne donnait pas cher de sa peau. Avec Fadone, un mot suffisait pour réduire une vie à néant. S’il n’intervenait pas, Suan le regretterait après coup. Son corps avait beau être résistant, son cœur commençait à se fissurer à force d’ingurgiter les informations. Il en avait vu beaucoup des comme Suan, des hommes et des femmes avec le cœur bon consumés par les pouvoirs et les souvenir des trois phénomènes. Et il avait eu le temps de s’entraîner. Et Suan avait vécu plus d’un drame au cours de sa vie.
Tartanne enroula ses deux autres queues autour du jeune homme. Il lui parut si fin, qu’il avait peur de le briser s’il impulsait trop fort les vibrassions qui découlaient de son corps.
— Elle comprendra avec le temps. Il y a des personnes plus lentes que d’autre. Et Trysol est ce que j’appelle un être tendre emmuré par la vie. Elle se protège pour ne plus ressentir. Elle a peur de toi parce qu’elle ne comprend pas ce que tu es. Mais elle a encore plus peur de ses sentiments, ses émotions. Elle a peur de craquer et de devenir folle. Tu as été un jour elle. Et je n’ai pas su t’aider. Ça a été mon premier échec d’une longue liste. Je sais que tu veux du soutient et je suis là pour toi.
Les vibrassions s’étendirent sur tout le corps de Suan, mais pas seulement. Ils rejoignirent la terre et se hissèrent sur celui de Trsyol. Elle ne réagit pas, car elle ne le sentait pas de la même façon que Suan. Tartanne n’était pas relié à la jeune femme et le lien entre elle Suan était trop faible pour que le chat puisse lui procureur le même traitement. Tartanne imaginait comme une musique douce et murmurante se répandre creux de son cœur. Il s’efforçait de l’apaiser elle aussi. Et cela fonctionna. Elle baissa les yeux et les posa sur Analoum dont les paupières bougeaient par intermittence. Elle ne mettrait plus longtemps à se réveiller. Cette femme avait le caractère d’une battante et un frère à récupérer coute que coute.
Tartanne redirigea ses yeux sur Suan dont le visage était revenu à la normal. Avait-il entendu tout l’amour fraternel qui lui dédiait ? Sans doute que oui, car le jeune homme caressait ses queues qu’il desserrait autour de lui. Merci, murmura le jeune homme intérieurement.
— Je ferais tout pour te garder serein. Sois en assurer.
— Si mes pouvoir augmentent trop vite et trop fort, même toi, tu n’y pourras rien. J’ai peur de m’écrouler ou d’exploser.
Une larme coula sur la joue de Suan comme le peu de confiance dans laquelle il nageait encore. C’était dur et Tartanne sentait le cœur de son frère se serrer trop fort dans sa poitrine. Il retenait un flot de larme. Tôt ou tard, sa peine céderait. Plus il prenait conscience de ses anciens lui, plus il se sentait petit. Sa vie en tant que Suan lui paraissait tellement insignifiante, il y a encore quelques jours. Comment se voir autrement en si peu de temps ? C e dire qu’on était une multitude d’autre ? Et que dans le lot, il y avait eu des rois, des mages, des sorcières et des créatures incroyables avec des pouvoirs qu’il ne pouvait pas imaginer avant. Il revenait sans cesse à penser à Shi-Huan et leur mère. C’était pour elle qu’il avait commencé ce périple, mais aujourd’hui, il ne savait plus grand-chose. Il avait conscience de sa puissance, mais ne pas savoir l’utiliser l’inquiétait. L’envie de retourner chez lui s’installa dans son cœur. Il ne voulait plus que la caresse protectrice de sa mère.
— Est-ce que je suis tailler pour tout ça ? expira-t-il.
Trysol capta les deux autres larmes qui glissaient sur les joues de Suan, confuse de savoir s’il s’adressait à elle ou à lui.
Tartanne apercevais de la honte dans les prunelles de la rouquine. C’était à peine perspective, même une personne qui la connaissait bien ne pourrait le voir. Mais l’Akota était passé maître dans les mouvements de l’âme et les secrets des cœurs. Les siècles auraient dû lui figer les émotions mais la proximité avec Adom et ses multiples vies le rendait meilleur. Il avait la sagesse de l’âge, mais gardait secrètement au fond de lui, les travers de ses années de rébellions, de cette fois où il avait abandonné un des réincarnés pour vivre par lui-même, être autre chose qu’un réceptacle de la mémoire.
Le silence retomba. Trysol et Suan s’ignoraient. Parviendraient-ils à se comprendre ? Il n’en était pas convaincu. Le temps le lui apprendrait. Patient, Tartanne se coucha au pied de Suan qui fourragea ses doigts au sommet de son crâne. Une longue houppette commençait à s’y former. Une habitude qu’avait Adom. Tartanne prit conscience que Suan était le dernier. Qu’il ressemblait à cet homme découpé dans la lumière la plus pur. Leur cœur et le magma de solitude qui y régnait était à peine différent. Leur inquiétude, leur bouleversement, leur impression de ne pas en faire assez. La sensibilité qui dévalait d’eux était si semblable, comme la manière dont il le caressait. Même sans les six doigts d’Adom, Suan avait la puissance douce et possessive de sa première vie. Son odeur avait cette même fragrance que portait le premier roi des nuages.
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