— Salvatoun ! Ne manquait plus que ça ! Vous me faites quoi tous les deux ? C’est le moment de faire des frayeurs comme ça ? C’est le moment de se mettre sur la gueule !

Analoum baissa son arme encore tremblante. Elle avait failli y passer.

— Vous aviez tout le temps de craquer avant qu’on arrive ici. Maintenant, faut absolument garder votre sang-froid ! Bordel !

Elle porta une main à sa tempe, frotta une douleur imaginaire. La créature de feu lui passa au-dessus de la tête. Elle était focalisée sur Trysol. Comment avait-elle pu passer à côté de ça ? Son amie : une guerrière de brume ! Elle n’en avait entendu parler que dans les histoires. Le pouvoir qu’elles possédaient s’était éteint en même temps que leur créature.

Analoum resta en arrière. Elle ne se résolut pas à rentrer son épée. Sa vulnérabilité face à ses compagnons se lissa dans son esprit. Désormais, il lui faudrait faire attention à chaque mot pour éviter un drame.

Comme s’ils n’y en avaient pas assez, grommela-t-elle dans sa bouche.

Les cheveux à éliminer.

Les hommes à sauver.

Son frère et Shaeln à récupérer.

Et maintenant ça. Un Hàng Xiè et sa guerrière .

Elle fixa Tartanne d’un air mauvais. La poisse avait encore frappé. Encore tremblante, la jeune femme s’éloigna de la forêt, elle passa entre Trysol et Suan vigilante.

— Je sais que ça devient compliqué de gérer nos émotions, mais on me pas se permettre de se sauter à la gorge à chaque contrariété. Je vous propose de parler au lieu de garder les choses pour vous. Ça nous évitera au moins de mourir connement.

Elle jeta un œil à sa rouquine. Trysol resta là, les bras ballants, choqué de ses nouvelles capacités.

— Try, on n’a pas le temps de se laisser submerger. Reprends-toi. J’ai besoin que tu restes avec moi, avec nous.

Analoum ne chercha pas spécialement à la consoler. Elle n’oubliait pas qu’elle avait failli finir en lambeau sous l’attaque de Suan. Elle avait encore du mal à réaliser la chose qu’il était devenu ; ce corps difforme à mi-chemin entre le chien, l’homme et le dragon et dont la chevelure se mélangeait à l’air… brumeuse. Elle retint ce regard rouge, sans expression. Le vide. Qu’est-ce qu’un être vide commandé par la colère pouvait faire ? Un chapelet de frisson parcourut sa chair.

Elle se tourna enfin vers le jeune homme. Il était perdu dans sa tête, collé au chat, les mains crispées à son pelage. Un instant, elle se demanda pourquoi Tartanne était resté si calme face à la scène. Cinq mille ans ? Il devait en savoir des choses. Ça compenserait peut-être la poise.

— Try, essaie de le dérider. J’imagine que tu peux communiquer d’âme à âme avec lui maintenant. Il ne peut pas rester dans le flou comme ça. Je suis désolé pour ton frère. Pour n’avoir rien dit. C’était par pur égoïsme. J’avais peur en te le disant que tu décides d’en finir. On a besoin les uns des autres plus que jamais. Si Suan ne revient pas, on n’saura pas si Xin-Shen est de retour. Le temps a été clément avec nous, on a eu de la chance depuis un moment. Avec Tartanne auprès de nous, ce ne sera plus aussi évident. Réagis. C’est toi qui veux un Nouveau Monde pour tes frères.

La rouquine inspira et lui lança un regard froid.

Analoum se raidit, serra le manche de son arme.

— Tu comptes être ainsi tout le temps maintenant ?

— Com’quoi ?

— Comme une femme prête à se défendre de la moindre ombre ?

Elle pointa son doigt sur l’épée. Analoum humidifia ses lèvres en décrispant sa mâchoire.

— N’m’en veux pas. J’pas envie de mourir sous les griffes de Suan. J’suis consciente qu’j’vais encore te faire du mal. T’sais comment j’suis.

— Tu as peur de moi ?

Un silence passa entre elles.

— J’aimerais t’dire que non. Sincèrement. Laisse-moi le temps.

Il était tous à fleur de peau. La moindre contrariété pouvait mettre les feux aux poudres.

Déçue, Trysol baissa la tête, pinça les lèvres.

— Ne le prends pas pour toi. T’en es consciente toi aussi. On peut se tuer sous un excès de fatigue et de trop-plein d’émotions. Faut qu’on reste prudent, même entre nous. D’accord ? ça n'change pas qui tu es pour moi.

—Ne me mens pas ainsi… ça change tout. Je ne voulais pas, s’excusa-t-elle.

— J’sais.

Analoum se détourna de Trysol avec la conviction qu’elle ne chercherait plus sa chaleur.

Tartanne la fixait sagement. Cela ne dura qu’un instant avant qu’il ne reprenne un air neutre. À ses côtés, Suan était de retour dans le monde réel. Son visage était plus pâle encore que les jours précédents. Ses veines prenaient une couleur plus bleuâtre, le rendant moins effrayant. Caché sous le poil du chat, il récupéra les lambeaux de ses vêtements. Il n’en ferait plus rien. Préoccupé par sa santé, Analoum retira la veste, puis la chemise en dessous. Elle lui jeta cette dernière et, avant de remettre la veste, elle se laissa surprendre par le regard de Suan sur son corps. Il semblait impressionné. Quoi d’plus normal, pensa-t-elle. Sa carrure faisait deux fois et demie celle de cet homme.

— Comment un gars si petit peut contenir un Hàng Xiè ?

Elle haussa les épaules, regarda Suan enfiler la chemise. Ça lui faisait une robe, s’arrêtant aux genoux.

— Noue les lambeaux entre eux. Ça te fera une écharpe.

Suan s’exécuta, tout en jetant de vite coups d’œil à Trysol. Elle l’ignorait.

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J'écris le début du chapitre 13 demain. Normalement c'est supposé être le dernier. "supposé être"...

On va se recentrer sur la quête, donc : les garçons a sauver, et savoir ce que cache cette satanée chevelure.

Une idée ?