10
Sous la terre, Trysol relatait tout ce qu’il s’était dit au palais. Il n’était pas compliqué de voir combien ce rôle de rapporteuse l’ennuyait. Elle qui appréciait le silence et n’aimait pas s’étendre sur qui elle était, elle était devenue un lien d’information.
— Analoum est parvenue à imposer ces règles, ajouta-t-elle devant l’assemblé.
— C’est-à-dire ? demandèrent d’une même voix les triplets.
— Plus de meurtre, plus de vol de garçons pour au moins trois mois.
— Comment a-t-elle fait ? s’empressa de demander Ram, le plus grand des Onron.
Nap et Vic, ses frères, froncèrent les sourcils pour appuyer sur la question. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Les différencier était possible pour aucun d’eux. Adaman cherchait encore à les dissocier. C’était plus simple avec Ram, vu qu’il les dépassait d’au moins cinq centimètres et ses veines étaient plus épaisses, aussi. Plus épaisses que n’importe qui se trouvant dans ce souterrain.
— Elle a vendu l’emplacement de tribus barbare, se satisfit Trysol.
Elle l’avait encore mauvaise de l’attaque, il y a deux ans. La tribu Lotus avait raflé une bonne dizaine d’homme. Adaman se souvenait très bien de son visage quand elle avait tapé son poing sur la table. Sa tunique était tachée de sang. Son sang. Elle avait été blessée en protégeant ses frères. Les tribus barbares prenaient tout ce qui avait un pénis. Peu leur importait l’âge.
Tyaon fut le premier à se raidir en l’entendant, suivi de près par Palin, dont les yeux s’agrandirent derrière sa longue frange. Grisald hocha la tête avec un air de contentement. Un fin sourire victorieux ombrageait ses lèvres fines et pâles. Falm, lui n’avait pas réagie, même s’il avait très bien entendu. Leur façon d’agir prouver qu’ils appartenaient bien à ces tribus.
Adaman était certain que Tyaon venait du clan des Lotus. Il avait été marqué. Preuve qu’il était père. Les autres n’avaient pas de marque visible, mais peut-être l’étaient-ils aussi. En lissant sa tresse brune, Adaman se sentit chanceux du groupe d’où il provenait. Les hommes comme les femmes devaient avoir la majorité pour coïter.
— Que va-t-il advenir des garçons qui y vivent ? s’intéressa Tyaon en tortillant ses doigts.
L’inquiétude balafrait son regard de lave. C’était évident qu’un homme a qui il tenait été encore retenu là-bas. Un frère ? Un amant ? Un garçon ? Son enfant…
— Analoum a bien préciser : « tu iras le plus au nord de nos terres pour renouveler ce sang neuf. Pas d’hommes, mais des femmes. ».
Adaman sentit son cœur gonfler. Il ne pouvait ignorer l’admiration qu’il louait à sa sœur. Pourquoi avait-il douté de sa réussite ? Elle parvenait souvent à ses fins.
— Qu’est-ce qui nous attend ?
Shaeln se décolla du mur où il était adossé avec Galannys. Le blond fixait encore Elvonne. D’ailleurs, ils passaient plus leur temps à se regarder qu’à s’ignorer. L’un cherchait le pardon quand l’autre se questionnait sur ce qu’il ressentait.
Une chose était sûre, Adaman aimait beaucoup ce groupe qui s’était formé. Il ne restait presque plus personne et cela rendait la force des liens plus solide. Chacun avait son histoire, ses croyances, ses peurs et ses espoirs. Tous avait dans le cœur l’image d’un monde meilleur, même les réfractaires. Ceux qui n’arrivaient plus à y croire, mais dont le cœur persistait à briller de cette chance.
— Bonne question. Analoum et moi partiront de sûr chercher Füjin. Nous étions partie avec la conviction de mourir. Pour vous… Vous avez le droit de rentrer chez vous ou de suivre Adaman à notre campement.
— Sans toi et ma sœur ce serait la mort assurée. On nous enlèverait. Qui plus est, je ne compte pas rentrer. Comment le voudrais-je ? affirma Adaman.
— Tu penses que ta sœur te laissera risquer de monter Grydia ?
— Tu penses que je lui en laisserais le choix ? Nous ne sommes plus homme et femme, Trysol. Nous sommes l’espoir. Nous ne serons pas assez de seize pour réfléchir à la suite.
— Seize ? Tu es présomptueux. Qui te dis qu’ils veulent venir avec nous ?
Trysol observa l’assemblée. Et qui lui disait à elle qu’ils n’avaient pas envie de la suivre ?
— Tu as entendu quelqu’un se venter de sa vie paisible et de combien il était heureux avant les geôles ? se marra froidement Galannys.
Il ne bougea pas, la tête contre la pierre.
Adaman se tourna vers lui. En contemplant son sourire contrit, il lui trouva plus encore l’apparence d’un être solaire. À côté, Shaeln ressemblait une créature des ombres. Ils étaient sensiblement d’aspect très différent, mais ensemble, ils donnaient l’impression de se compléter. Ils étaient le jour et la nuit. Le silence et le bruit. La beauté lumineuse et la beauté ténébreuse.
Le silence engloba le groupe.
Tout le monde se regarda. Une alliance muette se créer entre chacun.
— Je n’ai rien à perdre et tout à gagner, annonça Grisald en plaquant sa main sur son poignet tailladé.
Il avait désiré la mort d’une force sans pitié. Les marques zébraient son bras comme des griffures animales. Mais Adaman distinguait les blessures faites par une lame. Il en avait déjà vue chez les semeurs de son campement.
— Je n’ai jamais eu d’espoir, continua Palin en tirant sur sa frange.
Sa voix était claire et franche contrairement aux murmures qu’il avait laissé échapper plutôt.
Les triplets hochèrent la tête après s’être consulté.
— Nous sommes de la partie nous aussi, affirma Vic.
Adaman remarqua enfin se qui le différenciait de Nap. Il avait la voix plus grave. D’ailleurs en s’attardant sur Nap, il remarqua que le garçon gardait toujours ses mains sous ses manches. Pourquoi ?
— On verra ça, quand les autres reviendront.
Trysol se tourna vers Nalet qui n’avait rien dit.
— Il n’est pas prudent de monter à découvert le Mont Grydia. Il y a des créatures mortelles. Et pas seulement. La roche est capricieuse.
— Que proposes-tu ?
— Rien en particulier.
Nalet baissa la tête nerveusement. La clarté qui dansait sous son étrange peau s’assombrie.
— Nalet, il est bien moins prudent de passer la roche que les souterrains, souligna Elvonne en s’avançant vers elle.
— Tu sais ce que les grydiens font aux Lianissiens. Leur proposer la mort ou l’esclavage à vie, trouves-tu cela réconfortant ?
— Tu dramatises. Mon clan prend soin de ses esclaves, s’énerva-t-il.
— Oui, les Lumions le font. Ils éduquent et échangent avec les leurs, mais toujours en les considérant comme inférieur. Que se passera-t-il sur le territoire de Reptilions ou pire, chez les Mactirions. Ils sont pris pour du bétails, violés, battues, mangés.
— Mangés ? souffla Ram en collant ses frères contre lui.
— Mangés, répéta Nalet. On les fait se reproduire entre eux. Les nouveaux nés solides sont gardés pour la main-œuvre et les prochaines reproduction, les autres, mangés.
Trysol grimaça, comme une bonne partie d’entres eux.
— Tu dramatises, Nalet. Pas besoin de passer dans leur secteur. On a des tunnels aussi.
— Plus utilisé depuis longtemps, Elvonne.
— Ne te sens-tu pas assez forte pour solidifier la terre ?
— Tu sais qu’il me faut du repos… Et sans, tu-sais-quoi, je pourrais ne plus être d’une aide très précieuse.
— Tu l’as trouvé ton âme sœur.
Il jeta un regard vers Trysol. Ta peau n’arrête pas de frémir et ton front a cette couleur rosée qui souligne ton lien d’âme. Il suffira d’un baiser, d’une accolade et de…
— Elvonne ! gronda Nalet. Un peu de respect ! Tu penses tout savoir, gamin. Je ne suis pas ton peuple. Je ne fonctionne pas comme ça. Nous ne fonctionnant pas comme ça.
Tout le monde les regarda, intrigué par leur échange et le haussement de voix.
Galannys bouillonnait. Shealn posa une main réconfortante sur son épaule. Le blond la bascula de son épaule.
Adaman sentit les étincelles crépitant sous la peau du grand blond.
Personne d’autre le vit se lever et approcher à pas furieux vers Elvonne.
La surprise fut sciante pour l’adolescent, retourné et attrapé au col.
— Tu respect personnes ! Esclaves… Alors qu’on te demande de l’aide pour être libre. Et là ! Tu insinues quoi ? Que Nalet saute Trysol pour plus de vitalité ? T’as vécu dans un putain de confort, pas vrai ? Une vie sans problème. Une enfance facile ! Personne n’a jamais posé la main sur toi. On ne t’a pas brisé ? Hein !
Elvonne tremblait plus de honte que de peur. Il venait de sentir combien ses mots avaient blesser l’assemblée.
— Je … Pardon… je…
— Ferme ta bouche avant de dire de la chiure… avant que je te bouffe la langue pour ne plus jamais t’entendre parler !
Galannys projeta Elvonne au sol d’une force non mesuré. Le garçon aux yeux bleu tapa la tête sur la terre et resta allongé quelques instants, avant que Nalet ne le tire vers elle.
Quand il sentit la créature, ses yeux s’humidifièrent et des larmes coulèrent sur ses joues. Il s’excusa auprès d’elle. Elle lui pardonna. Ils se connaissaient ou du moins, Nalet entendait le cœur d’Elvonne. Adaman avait déjà comprit que le garçon ne réfléchissait pas toujours avant de parler et qu’il n’avait pas un grand savoir sur le royaume de lianes ou sur les émotions. On lui avait appris l’égoïsme ou bien l’avait-on trop gâté… Il n’avait pas bataillé pour sa survie.
Galannys entreprit de faire les cent pas pour se calmer. Shealn se positionna entre lui et le reste du groupe. Le blond était volcanique. Un visage doux mais un cœur sous tension.
— On avisera, conclu Trysol. On verra se qui est le moins périlleux et le plus rapide. En attendant les autres, je vous demande du calme.
Nalet installa Elvonne à côté d’elle, tout en guettant le signal de Trysol pour aller chercher le reste du groupe.
Fin du premier tome !
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Je vais essayé de commencer les premiers chapitres du tome deux, mais je promets rien sur la qualité.
J'espère que tu géres avec l'aspect de chacun.
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