Chapitre 4. Une madeleine en caoutchouc
Monsieur K glissait sur les interminables escaliers mécaniques de Montparnasse.
Il pensait que les touristes ne voyaient dans ces derniers qu’un simple désagrément passager.
Pour lui, c’était tout autre chose, comme un parfum d’enfance.
Quand, il était petit, il y avait si longtemps ! il courait avec son père sur ces mêmes escaliers. Il était impatient de prendre le train de Chartres, puis d’Illiers. Sa grand-mère se demandait bien pourquoi ce bourg insignifiant s’appelait, maintenant, Combray !
Les escaliers et leur odeur de caoutchouc c’était sa madeleine. Mais, maintenant, c’était lui qui revenait à Paris, comme un couillon de saumon.
Une femme jeune et belle le regarda passer. Il se posa la question : si je commence à jouer au ping pong, et que la balle parcourt, pour moi un mètre, quelle sera, pour elle, la distance parcourue ?
La théorie de la relativité était une chose bien étrange.
Soudain son portable se mit à vibrer :
« - Papa ?
- Gustave, cela ne va pas ?
- Oui et non, disons que…
- Tu t’es disputé avec Anne-Sophie ?
- Comment as-tu deviné, demanda Gustave, interloqué ?
- Bah c’est souvent le cas ! Quel est ton problème ?
- Non, je viens de découvrir une super application pour découvrir Paris : Actualités et circuits touristiques de votre ville !
- Bof !
- Si tu verras, elle est super !
- Si cela peut te faire plaisir… «
Le métro était aussi triste et sale qu’avant. Il se dit que pour débarrasser sa ville natale de tous ses touristes, il suffirait de les plonger, en réalité virtuelle et olfactive ! dans le métro.
Mais la station Louis-Blanc approchait et l’émotion commençait à étreindre Monsieur K.
Il pensa, non sans honte, qu’il allait pleurer : impensable, pour un homme de son âge !
Alors, pour se détendre, il récita le poème qu’il venait de rédiger en hommage à Debussy : après-tout Paris n’était-elle pas la plus belle des sirènes ?
Le grand Debussy
Composa avec minutie
Tendre et douce nocturne
Au milieu de l'enfer
De la grande guerre
Mélancolie taciturne
Envoûtée par le chant irréel
De belles sirènes enchanteresses
Quand le cruel militaro- industriel
Semait sans cesse la détresse
Et pourtant sur scène sopranos
Et altos se répondent en fol écho
Vient la lancinante coda du cor anglais
Et l'orchestre qui navigue entre la majeur
Et si majeur tonalité principale de ce faux ballet
Qui invoque le rusé Ulysse l'enchaîné auditeur
Sirènes évoquent le va et vient de la redoutable mer
Tandis que l’Europe meurt dans les tranchées sous terre
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