Chapitre 33. Mars et Barbès
Sans trop comprendre ce qui lui arrivait, Monsieur K se retrouva au carrefour des cinq routes.
Il décida de continuer la rue Louis- Blanc et dépassa l’école de son enfance.
Monsieur K s’arrêta devant le square minuscule, où son père avait l’habitude de promener le chien.
Rien n’avait changé. Ah si, un lilas avait poussé !
Philippe s’approcha, puis improvisa un haïku :
Le papillon blanc
caresse furtivement
les fleurs du lilas
Le vibreur le tira de sa rêverie, il lut un énigmatique message :
Philippe, seul Mars pourra te sauver d’une mort certaine.
Puis, de nouveau le réseau disparut.
Intrigué, il continua son chemin vers La Chapelle.
Ses sentiments étaient partagés : retrouver les façades, les trottoirs de son enfance l’emplissaient d’une douce mélancolie,
Mais l’angoisse montait en lui, ce message le perturbait. La foule l’aurait rassuré, mais les rues étaient désespérément vides. Tout le monde s’était terré et il n’y avait aucune trace de l’habituelle foule bigarrée.
Il continua le chemin du métro, jeta un regard rapide aux lignes vides qui menaient à la Gare du Nord puis s’arrêta devant Lariboisière.
C’est là qu’il était né un glacial matin de Janvier, il y avait si longtemps.
Il choisit d’ignorer ses larmes et, à l’approche de Barbès, il chantonna ce tube d’Yves Simon qui avait percé sa première adolescence :
Au troquet du métro
Vin rouge ou menthe à l'eau
Les héros de Barbès
Recolorent leur détresse
Dans la rue d'Clignancourt
Des appels au secours
Les héros de Barbès
Lancent des SOS
Dans les souks du dix-huitième arrondissement
Y a des types troublants
Il allait entonner le troisième couplet, quand l’impensable se produisit.
Une foule interlope se précipita vers lui, sortant du métro.
Hommes, femmes, enfants tous couraient, criaient, hurlaient, les yeux exorbités.
Hélas, Philippe n’eut pas le temps de se pousser.
La foule le renversa et il eut le réflexe de se recroqueviller en position fœtale.
La fin, c’était la fin, il allait mourir, piétiné.
Il allait mourir là, seul, à quelques mètres de l’endroit où il était né.
Il vit sa vie défiler, le mariage avec Catherine, la naissance de Gustave, le squat de Notre- Dame des landes, le café avec Vincent et The End.
The end of laughter and soft lies...
Soudain une main vigoureuse le saisit et le mit hors de danger.
Philippe ouvrit les yeux et vit une fort belle jeune femme, brune aux yeux bleus, habillée d’un jean troué et de baskets éculées.
Elle sourit à Philippe et récita un haïku, avec un fort accent américain :
Paris tu méprises
petite pluie car tu vaux
bien un tsunami
- Cassandra, murmura Philippe.
- Non, moi c’est Sandra, dit l’américaine.
- Vous m’avez sauvé la vie !
- Je sais, c’était mon rôle dans cette histoire.
- Votre rôle, répéta monsieur K.
- Oui, j’ai reçu un appel qui m’ordonnait de prendre le premier avion, pour vous sauver. Je suis arrivée, right on time !
- Et c’est tout ?
- Non, poursuivit la jeune femme, il faut retrouver Elaine.
- Hélène ?
- Non, soupira Sandra, Elaine! Il faut faire vite !
- Et vous ?
- Moi, je vais bientôt partir pour Mars, toute la Terre est au courant sauf vous !
La jeune fille partit en courant, laissant Monsieur K, totalement décontenancé.
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