Chapitre 36. Sacré-Cœur
Monsieur K prit résolument le chemin de Montmartre.
Très vite, il se retrouva essoufflé, en grimpant les petites rues qui menaient vers le Sacré-Cœur.
Il songea, avec mélancolie, qu’enfant il jouait à grimper, le plus vite possible, les marches qui menaient au parvis.
Il improvisa un haïku, pour se donner le temps de reprendre son souffle et d’exprimer
sa mélancolie :
Quand ton corps ne cesse
de te rappeler qu'hélas
le temps a passé
La vue de la basilique lui inspirait des sentiments partagés. Certes, elle ne manquait pas d’allure, et puis Montmartre a toujours la saveur du « vrai » Paris, le Paris d’avant Haussmann et d’avant le tsunami bobo.
Mais son sang d’ouvrier parisien ne pouvait oublier qu’elle n’était là que pour expier la Commune.
Et ce sont les crimes des communards qu’il fallait expier, le sang des communards ne valait rien. Après tout, à l’époque, à l’exception notable d’Hugo et Rimbaud, tous les écrivains avaient craché sur les victimes.
Pour faire oublier ses origines « louches » (son sang noir) Dumas fils s’était surpassé.
Il avait accablé le fier Courbet, un de nos plus grands peintres, qui avait eu le malheur de rallier la révolte :
« De quel accouplement fabuleux d’une limace et d’un paon, de quelles antithèses génésiaques, de quel suintement sébacé peut avoir été générée cette chose qu’on appelle Gustave Courbet ? Sous quelle cloche, à l’aide de quel fumier, par suite de quelle mixture de vin, de bière, de mucus corrosif et d’œdème flatulent a pu pousser cette courge sonore et poilue, ce ventre esthétique, incarnation du Moi imbécile et impuissant ?
Mais sa réflexion historique fut interrompue, par un message sur son portable :
Elaine est en grave danger. Tu la retrouveras, cachée dans l’Hôtel des voyageurs.
Philippe se mit à courir vers la place du Tertre.
Annotations
Versions