Chapitre 1

6 minutes de lecture

 - Tu sais que j’ai raison.

 - Betty, j’ai dit non.

 Et pourtant, elle savait que Betty avait raison. Ben Zaipers n’arrêtait pas de la regarder depuis leur premier cours. Il ne l’avait jamais remarquée avant. Elle avait peut-être quelque chose sur le nez. Mais avouer à sa meilleure amie, son attirance pour lui, le jeune homme de dix-sept ans typique : grand, sportif, sûr de lui, faisant craquer toutes les filles du lycée, était impossible.

 - Tu sais tout comme moi qu’il te plait Ehlys.

 - Mais… dit-elle en rougissant, non, il doit regarder le mur derrière moi.

 Tout en se rendant compte de l'idiotie de sa remarque, Ehlys savait qu'il la fixait intensément et ça la perturbait énormément. En fait, elle ne pensait pas aux garçons. C’était un léger mensonge puisque le bal d’Hiver approchait et qu'elle n’avait toujours pas de cavalier. Et pourtant, Ehlys rêvait que Ben lui demande de l'accompagner. Après tout, elle n’était pas si moche, mais sortir avec le capitaine de l’équipe de Gymnastique Artistique Masculin, le plus populaire du lycée, il ne fallait pas être « pas si moche », il était d'indispensable d'être la beauté naturelle, celle qui ferait tourner toutes les têtes. Et Ehlys, elle, n’était connue que pour retrouver tout ce qu’on lui demandait de chercher, un peu comme un détective. C'était sa façon de se démarquer, ce qui la rendait fière.

 Comme pour l’enlever de ses pensées, la sonnerie de la fin du cours retentit. Ehlys se leva, prit son sac et se dirigea avec la sortie. Il était l’heure de manger.

 - Ehlys ! Ehlys, attend s’il te plait.

 Elle devait rêver, mais c’était bien lui qui l’appelait avec ses grands yeux bleus, Ben la regardait timidement.

 - Euh… Excuse-moi de te déranger mais je pourrais te parler quelques minutes à l’écart ?

 - Bien sûr Ben. Que se passe-t-il ?

 Il paraissait presque angoissé alors qu’ils se dirigeaient vers la sortie.

 - Ecoute, dit-il en passant sa main derrière son cou, c’est assez…

 - Oh, ne sois pas gêné avec moi je peux tout accepter, espérait-elle.

 - Quoi ? Non en fait j’ai perdu quelque chose et je voudrais que tu le retrouves.

 Il lui fallut quelques instants pour saisir que c’était seulement pour son travail qu'il lui parlait. Evidemment. Ehlys avait bien trop espérer qu'il pourrait l'inviter au bal.

 - Oui, oui, je t’écoute, ajouta-t-elle sans conviction.

 Il fallait qu’elle reste professionnelle, sa réputation de détective était en jeu.

 - En fait, tu vois, j’avais quelque chose hier, et après le cours de sport, il avait disparu. Ce n’était pas à moi, je n’arrive pas à me souvenir… débitat-il.

 - Ben, tu as l’air très stressé… calme-toi, respire… murmura-elle en posant une main sur son bras, mais cette proximité ne la laissait pas indifférente, et expire. Voilà maintenant, raconte-moi.

 - Ça va mieux, merci, murmura-t-il. Bon, tu sais que je vis avec mon père, mais ma maman, avant de partir, m’avait donné une broche en forme de papillon et je ne sais pas où j’ai bien pu la mettre.

 Ehlys savait que la mère de Ben était morte il y a cinq ans dans des circonstances douteuses. D’après le rapport, Marie Zaipers avait eu un accident en rentrant chez elle à vingt et une heures alors qu’elle finissait sa garde à l’hôpital. Les freins de sa voiture auraient accidentellement lâché malgré la récente révision. Il fallait avouer qu’avoir un père chef de la police aidait beaucoup. Elle n’avait pas réellement accès aux fichiers mais Ehlys connaissait tous ses mots de passes. Donc lire un dossier verrouillé sur son ordinateur était chose facile. Elle avait aussi lu dans la presse que le père de Ben avait gagné des millions contre le garage au procès. Mais à la façon dont Ben en parlait, Ehlys remarqua qu’il n’avait pas vraiment fait son deuil.

 - Je pense que je peux t’aider, répondit-elle. Montre-moi à quoi elle ressemble et je ferai mon possible pour que tu puisses la récupérer.

 Ben retrouva le sourire instantanément.

 - Tu ferais ça ? Oh merci ! Tiens, je t’envoie une photo de la broche.

 - Super, alors raconte-moi ta journée d’hier.

 Elle sortit son bloc-notes blanc à pois rouges, de son sac. C’était son favori.

 - C’était un Jeudi banal, à huit heures j’avais option Gym, après Maths à dix heures, et les quatre heures de sport de l’après-midi. Le midi j’ai mangé au self et je suis parti trente minutes en salle d’études.

 - Je vois, et quand as-tu remarqué sa disparition ?

 Ehlys était toujours très précise quand il était question d'une affaire.

 - Hm… Je dirai après la quatrième heure je pense, j’ai fouillé partout, tu es mon dernier espoir Ehlys.

 - Ne t’inquiète pas Ben, je vais tout faire pour la retrouver.

 - Ah oui, si tu vois que c’est quelqu’un qui l’a, tu pourras me dire qui c’est, c’est important.

 Ehlys ne comprenait pas vraiment pourquoi ça l’était mais peut-être croyait-il à un vol.

 - Bien sûr, dès que j’en sais plus, je te tiens au courant. Bon, il faut que je retrouve Betty sinon je vais déjeuner seule.

 - Ah oui, désolé, je ne voulais pas prendre de ton temps.

 Ehlys sortit son téléphone pour appeler Betty pendant que Ben partait en direction de son groupe d’amis. Finalement, elle se ravisa, préférant manger seule afin de mieux réfléchir à son enquête. Elle savait pertinemment que Ben ne l'inviterait jamais au bal, un sentiment de déception émergea mais il fallait chasser ses mauvaises idées. L’espoir lui avait fait croire que tout était possible. Mais son travail passait avant tout. Et elle devait s’y remettre.

 Par où commencer l’enquête ? Avec son sandwich thon crudités, Ehlys entreprit d’aller voir à la salle de gym. Sur le chemin, elle se demanda si l’un des amis de Ben pouvait faire une blague avec sa broche. Mais l’idée disparut aussi vite qu’elle était arrivée, il fallait penser aux faits. Tout en se tenant devant la porte du gymnase, la sonnerie de son téléphone retentit pour la troisième fois. Ce devait être Betty qui la cherchait. C'était sa meilleure amie depuis la maternelle. Un jour, Betty lui avait dit que son amoureux de l’époque avait une autre "copine à bisous" et elles étaient devenues inséparables. Les deux se complétaient sur beaucoup de points. Ehlys était plus réservée et discrète alors que Betty était confiante et sûre d’elle. Elle avait fait tourner la tête de tous les garçons du lycée avec la longue crinière blonde et parfaitement ondulé, sa taille svelte et ses mains manucurées. Ehlys, quant à elle, était brune avec ses cheveux lisses, très souvent attachés en queue de cheval accompagnée d’une frange, plutôt grande avec quelques tâches de rousseurs et des lunettes. Pas si moche pensait-elle.

 Un groupe de jeunes sortit alors du bâtiment ce qui la tira de ses pensées. Il fallait se dépêcher. Ehlys poussa alors la porte en verre et se retrouva dans la grande salle. Elle se dirigea vers le vestiaire féminin pour y déposer ses affaires. Cette sensation de ne pas être seule était encore présente. La proximité du vestiaire masculin en était surement la cause.

 Après quelques minutes, elle décida d’aller voir dans les vestiaires des garçons. Ce n’était jamais facile de commencer une enquête, mais il fallait trouver une piste. Elle entra alors dans le local voisin et se dirigea instinctivement vers une place. Ehlys savait que Ben laissait toujours ses affaires ici.

 - Ehlys ?

 Tout en rougissant, elle se retourna pour trouver Ben qui la dévisageait. Trente minutes les séparaient de leur dernière conversation.

 - Qu’est-ce que tu fais là ?

 - Eh bien, je commence mon enquête, il faut bien que je démarre quelque part.

 Ben avançait vers elle.

 - Ah oui, et tu viens souvent ici ?

 - Jamais, je dirai que je suis plutôt une fille donc… je préfère les vestiaires féminins...

 Il continua de se rapprocher, Ben se trouvait maintenant bien trop proche pour qu'elle respirer correctement.

 - Non Ehlys, je parlais du gymnase, dit-il en la taquinant.

 Elle aimait la façon dont Ben disait son prénom, mais Ehlys rêvait, il ne flirterait jamais avec elle.

 - Nous sommes seuls ici... Tu sais, il faudrait que tu sortes.

 - Pourquoi ? Ce n’est qu’un vestiaire, répondit-elle sans réfléchir.

 - Premièrement, parce que d’autres personnes vont entrer ici, et deuxièmement, il faut que je me change et tu es devant ma place… Et à la différence de tout à l'heure, il n'y a personne pour nous voir.

 Ben parlait avec une voix mielleuse et plus Ehlys l’entendait, plus ses joues rougissaient. Mais elle avait raison sur un point. Ben s'installait toujours ici. Sa déduction était comme d'habitude parfaite.

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