Chapitre 2

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Le Lieutenant revint à lui lentement, cotonneux et brumeux, essayant tant bien que mal de faire le point sur ce qui venait de lui arriver, alors qu’au loin s’élevaient deux voix qui se disputaient. Se relevant en prenant appui sur le coude, il regarda autour de lui pour découvrir un appartement minimaliste et sobre. Essayant de tenir debout, il tituba avant de se retenir contre le mur et de porter une main à sa tempe, pour sentir quelque chose de chaud et poisseux coller à sa peau. Comprenant qu’il saignait, il grogna avant de s’avancer précautionneusement vers les voix de plus en plus nettes.

— Il est hors de question que je fasse ça !

— Tu n’as pas idée de ce qui se joue… Il faut que tu sois des nôtres, on a besoin de toi…

— Ce sont des pirates ! Tu es un pirate, bordel de merde !

— Non ! Enfin, si, mais parce qu’il nous faut du ravitaillement… Mais tu n’as jamais noté que le Briseur ne laisse jamais de victimes ? Sauf quand on n’a pas le choix… Comme les treize gardes… Enfin je m’égare…

— Tu as tué des gardes ?

— Oh non, pas moi… Je vomis juste en voyant les armes… Alors, faire feu avec…

L’Officier arriva dans ce qui servait de salon, et essaya de comprendre ce qu’il se passait. Un canapé, deux fauteuils, une table basse, aucun écran, et un homme et une femme se disputant. Essayant de se concentrer, il reconnut son guide et devina que la femme qui lui tenait tête était sa cible. Découvrant une poêle sur la table basse, il comprit ce qui lui était arrivé et comment il avait été mis KO, tout en continuant d’avancer vers le binôme.

— Hey… Vous pouvez parler moins fort ?

Les deux individus se tournèrent vers lui alors qu’il parvenait enfin à se maintenir droit sans s’appuyer sur le mur.

— J’ai comme une grosse gueule de bois… Alors on l’embarque et on s’arrache…

L’homme qui l’avait guidé le dévisagea avec de grands yeux.

— Elle ne veut pas venir…

— Je ne suivrais pas des pirates !

Le Lieutenant reprit.

— On suit le plan originel, on l’embarque et on s’arrache…

La jeune femme, brune et d’origines latines comme l’homme avec lequel elle se disputait, dévisagea le pirate en hurlant.

— Je ne viendrais pas avec vous !

L’Officier soupira en regarda sa main couverte de sang avant de s’approcher de sa cible qui convulsa en criant avant de tomber sur son épaule, tandis que le guide hurlait.

— Mais tu lui as fait quoi ?

Le pirate brandit un taser qui émit un arc électrique bleu.

— J’ai dit, on suit le plan originel. On ne lui demande pas son avis. Il n’a jamais été question de lui demander son avis. C’est pour ça qu’on a parlé de l’enlever. On se barre…

Sans un mot de plus, l’Officier fit demi-tour, la femme sur le dos, et retourna vers la plateforme, suivi de près par son guide, avant de redescendre au niveau auquel le commando l’attendait en essuyant un feu nourri. Lorsqu’il sortit du bâtiment, le pirate regarda ses hommes avant de hurler.

— On décroche !

Le commando recula lentement, pas à pas tout en ripostant, ajustant chaque tir pour qu’il n’y ait que des blessés et jamais de morts, jusqu’à avoir atteint le point d’extraction. La jeune femme fut jetée sans ménagement dans le vaisseau avant de s’y replier, et les câbles d’amarrage se détachèrent du béton blindé pour laisser filer l’engin, tandis que l’Officier donnait ses ordres.

— Mettez-là en cellule médicale. Je veux que le doc l’ausculte, mais aussi qu’elle soit entravée. Et je veux qu’on prévienne la passerelle dès qu’elle sera réveillée.

— Oui Mon Lieutenant.

Cinq hommes se saisirent de la femme, deux tenant les jambes, deux autres les bras et le cinquième la tête, et la transportèrent vers l’infirmerie, tandis que celui qui venait de donner les ordres repoussait le médecin de bord.

— C’est bon, ce n’est qu’un coup de poêle, je n’ai rien.

— Je dois m’assurer que tu n’as pas de commotion cérébrale. Ça nuirait à tes capacités de commande du vaisseau. Ce sera rapide…

Le Lieutenant de Vaisseau soupira.

— Vas-y…

L’officier médical porta un scanner au visage du barreur jusqu’à ce que l’appareil émette une série de bips alors qu’une ampoule verte clignotait.

— C’est bon, files, et quand on sera en sécurité, reviens que je m’occupe de ta plaie.

— Oui Papa…

Le Lieutenant repartit en courant tandis que le médecin soupirait. Même s’il prenait soin du personnel navigant, être surnommé Papa le fatiguait. Sans un mot de plus, il prit la direction de l’infirmerie pour s’occuper de leur captive.

Le Lieutenant de bord arriva devant une double porte sur vérin qui s’ouvrit en soufflant alors qu’un matelot annonçait.

— Lieutenant sur le pont !

Le Capitaine de Vaisseau se tourna vers lui avant de froncer les sourcils.

— blessé par un tir ?

— Accident de cuisine… Je vous expliquerais.

— Tu seras capable de piloter ce vaisseau ?

Le Lieutenant dévisagea son supérieur avant de répondre.

— Je suis ce vaisseau. Alors si je ne peux pas, personne ne le peut.

Sans un mot de plus, le jeune Officier s’assit sur son fauteuil et activa son panneau de contrôle avant d’enfoncer de nombreuses touches.

— Mon Capitaine, les chaloupes sont rentrées et amarrées ?

— Affirmatif. Et nous avons cent-vingt-sept nouvelles recrues. Allez, on part.

— Bien pris.

Le Lieutenant se saisit des commandes et lança le vaisseau pour filer de sa cachette pour retourner à l’air libre, contourner les épaves en flammes des navires et partir à vive allure alors que les canons de défense ne parvenaient pas à le cibler. Quand ils furent hors de portée de tir, le Capitaine ordonna.

— On va à l’oasis.

Opinant du chef, le Lieutenant enfonça quelques touches, et les chenilles sortirent de la soute pendant que les moteurs anti-grav ralentissaient lentement, tandis que les réacteurs se coupaient. Le contact avec le sol se fit en douceur, et le vaisseau reprit sa vitesse de croisière d’une centaine de kilomètres par heures. Faisant pivoter son siège, le Lieutenant dévisagea le Capitaine.

— Papa souhaite me voir pour s’assurer que je me porte bien. Permission d’activer le pilotage automatique ?

— Permission accordée.

Le jeune homme se leva en enfilant sa casquette quand le Capitaine reprit.

— Une fois que tu m’auras expliqué. Tu as fait un excellent travail sur place, tu n’as même pas vingt hommes blessés, vous avez tué moins de cinq pour cent de vos adversaires, et tu as eu un accident de… Cuisine ?

Le Lieutenant soupira avant de se rassoir en jetant sa casquette.

— Je me suis fait cueillir comme un bleu… Elle m’attendait derrière la porte et m’a assommé… Avec une poêle… Un accident de cuisine…

Pour la première fois depuis des années, le Capitaine sourit avant même de rire à gorge déployée, et le Lieutenant ne put lui-même s’empêcher de sourire. Se relevant enfin, il reprit sa casquette pour quitter le poste de commande quand le Capitaine ajouta.

— Néanmoins, faites attention. J’ai entendu dire que nous aurions des omelettes ce midi, ce qui signifie qu’il y aura beaucoup de poêles qui trainent en cuisine.

Le jeune Officier ne releva pas, malgré les rires de ses camarades, et quitta la passerelle en silence pour se rendre à l’infirmerie. À travers les coursives, il croisa plusieurs personnels qui rirent à son passage, mais ne put s’empêcher de sourire. Même si l’évènement était dur à encaisser pour son amour propre, il pouvait admettre sans difficulté qu’il aurait trouvé ça drôle envers n’importe qui d’autre.

Une fois à l’infirmerie, il tomba nez à nez avec Papa qui l’apostropha.

— Viens t’assoir ici. Je crois que je vais devoir recoudre…

Le Lieutenant s’immobilisa, et le médecin reprit.

— J… Je sais que tu détestes les piqures et tout ça, mais tu ne risques rien. Au pire, je dirais que tu aurais des bandes cicatrisantes. Et une cicatrice…

Le jeune homme s’avança pour s’assoir et le médecin lui manipula la tête sous tous les angles avec autant de délicatesse que possible.

— Ça va, tu n’as pas l’air en trop piteux état… Elle t’a juste arraché du cuir chevelu. Je désinfecte et c’est bon.

L’homme d’une quarantaine d’années fit ce qu’il avait à faire, et J vit le lit sur sa droite, ainsi que la jeune femme allongée et sanglée dessus.

— C’est… C’est notre cible ?

Le médecin soupira.

— Elle a une identité, je te rappelle.

— Tant que nous ne serons pas fixés sur ses intentions, je me refuse à toute forme d’attachement avec elle.

Le médecin soupira une seconde fois avant de répondre.

— Je sais que tu tiens à cet enseignement militaire et à cet univers… Mais il faut vraiment que tu comprennes que notre monde ne se limite pas à ça… Surtout celui que nous essayons de sauver…

J serra les dents.

— Je ne veux pas le sauver, je veux le restaurer.

— Je doute qu’on y arrive. La population est trop peu nombreuse pour tout remettre comme avant… Mais si déjà on pouvait repousser ces saloperies et les renvoyer chez elles. Rien que ça, ce serait extraordinaire.

Le jeune Officier foudroya le médecin du regard.

— Il faut avoir la foi !

— Tu en parles comme un taré aveuglé d’une secte. Tu as idéalisé le monde d’avant… De toute façon, tant qu’elle n’est pas réveillée, nous ne pourrons rien faire… Mais tu seras prévenu, de même que le Capitaine, rassure-toi. Maintenant, tu peux disposer.

J se redressa, visiblement contrarier, avant de saluer et de sortir d’un pas déterminé. Retournant à son bureau, papa arrêta l’enregistrement audio de la conversation et le fit suivre au Capitaine de Vaisseau par mail avec un petit mot. « Es-tu sûr de ton choix ? »

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