Chapitre 7

6 minutes de lecture

Le lendemain matin, la scientifique prit possession de ses locaux, et entreprit de rencontrer chaque membre de son équipe sous le regard haineux de son guide peinant à se maintenir droit. Il n'en avait rien dit à de Lafayette, mais les femmes avaient beaucoup bu avant de se mettre en tête de lui épiler le torse. Répugnant à se battre avec une personne du sexe opposé, il avait fini par se faire immobiliser et badigeonner le torse de cire chaude avant de hurler de douleur quand celle-ci lui était retirée bande par bande. Au petit matin, il supportait difficilement son uniforme et se tenir droit était un supplice. Le déjeuner lui valut de nouvelles railleries mais contre toute attente Carla prit sa défense, allant jusqu'à dire qu'il semblait prêt à payer sa dette de sa chair. Eux seuls comprirent l'allusion, mais J la remercia d'un léger mouvement de tête pour avoir gardé ce secret pour elle.

À la fin de la semaine, le duo parvenait même à communiquer sans agressivité, et le Capitaine les surprit un soir à parler des améliorations potentielles sur le navire alors qu'il les rejoignait au mess.

— Et bien... Notre barreur qui accepte l'idée que son précieux bâtiment soit amélioré... C'est bientôt l'Apocalypse...

J baissa la tête.

— Ce navire est le vôtre, Mon Capitaine.

— Et tu es ce navire. Tu comprendras peut-être mieux la sanction que je t'ai donnée, maintenant... Alors, qu'envisagez-vous d'améliorer ?

Carla répondit avec empressement.

— Vos systèmes de connexion sont vieux, et votre logiciel se fait obsolète. J'avais pensé profiter que nous soyons amarrés à l'Oasis pour changer les câblages et upgrader le logiciel avant de le calibrer. Ça devrait durer une grosse semaine.

Le visage d'Armant s'assombrit.

— Pendant laquelle le Briseur d'Essaims serait inopérant ?

Carla se pinça les lèvres.

— Uniquement en relais synaptiques. Les commandes analogiques et numériques fonctionneraient toujours.

Long-Shot réfléchit quelques instants avant de répondre.

— Si vous diminuez le délai de moitié, je suis d'accord. Je pense que les Cités-Pilotis ont compris ce que nous nous apprêtions à faire, et notre trajet ne se fera pas au calme. Pire encore, s'ils contactent les flottes pirates pour leur expliquer que bientôt leur mode de vie sera obsolète parce que nous avons réglé la situation, j'ai bien peur que nous ayons la terre entière à nos trousses. Ou alors... Vous pourriez commencer maintenant avec les câbles que nous avons volés aux douze dernières Cités que nous avons attaquées...

Les yeux du binôme s'illuminèrent, et ils quittèrent la table précipitamment, laissant le Capitaine de Vaisseau seul face à son assiette. Dans les jours qui suivirent, les scientifiques, mécaniciens et manutentionnaires furent tous réquisitionnés pour remplacer les câbles à travers tout l'engin, déployant des kilomètres de gaines de caoutchou pour relier le poste de commande à tous les organes du Briseur d'Essaims, tandis que Carla téléchargeait les versions les plus récentes des logiciels et protocoles même si pour les installer il fallait attendre de pouvoir totalement couper l'alimentation du navire et donc attendre d'arriver à l'Oasis. Néanmoins, le changement des câbles et connectiques avaient permis d'amener le ping de la connexion synaptique à un niveau quasi inexistant, et J passa de nombreuses heures connecté à savourer les nouvelles sensations et perceptions qu'il recevait du navire.

À deux heures d'atteindre l'Oasis, Pablo se redressa de sa console de transmission, paniqué.

— Mon Capitaine, je viens de recevoir un message de l'Oasis.

Le Capitaine de Vaisseau fronça les sourcils. Ce qu'il craignait semblait se réaliser. D'un mouvement de la main, il bascula les communications sur les haut-parleurs.

— Oasis, ici le Capitaine de Vaisseau de Lafayette. Que se passe-t-il ?

Une voix de femme terrorisée lui répondit.

— Mon Capitaine, dieu merci vous êtes proches. Une armada forte de plus de cent bâtiments vogue vers nous à pleine vitesse. Ils devraient être à portée de canon d'ici trente minutes, et capables de nous aborder sous une heure... Mon Capitaine... Nous n'avons pas les moyens physiques d'en repousser autant d'un coup, et vous le savez... Nous avons besoin de votre aide... Je vous en conjure...

Long-Shot dévisagea Carla qui opina du chef, et il répondit.

— Nous arrivons aussi vite que possible.

La voix de la femme se chargea de gratitude alors que ses pleurs se faisaient entendre.

— Merci. Vous nous sauvez la vie.

Le Capitaine coupa les transmissions avant de regarder son équipa. Inspirant profondément, il alluma les communications internes du navire et prit la parole.

— Équipage du Briseur d'Essaims, nous partons au secours de l'Oasis qui va être assaillie par une armada forte de cent bâtiments. Je ne vous cacherais pas que je suis assez pessimiste quant à nos chances de succès. Mais nous sommes le Briseur d'Essaims, nous étions le Dernier Secours. Nous avons connu tout au long de ces derniers cycles lunaires tant de dangers que nous sommes prêts pour ce combat. Je sais que vous donnerez le meilleur de vous-même, que vous soyez les originels du navire ou les dernières recrues en date, et nos dernières améliorations nous aideront à prendre le dessus. Si nos adversaires connaissent notre puissance de feu, notre blindage et les légendes nous concernant, ils ignorent tout de notre nouvelle manœuvrabilité et de notre réactivité. Je ne sais pas dans quel état nous finirons ce combat, et la moindre avarie sera pour chacun de nous synonyme de défaite, mais qu'importe, nous emporterons tous leurs bâtiments par le fond ! Car si nous sommes des pirates, ils ne sont que des marins d'eau douce.

Les cris de guerre commencèrent à monter à l'unisson à travers le navire quand Long-Shot coupa les transmissions avant de se relever.

— Barreur, pleine puissance sur terre, économisons l'énergie pour l'assaut. Responsable d'artillerie, aux canons, toutes armes prêts et Dragon en œuvre. Infanterie aux postes de combat, c'est parti !

Les réponses positives furent immédiates et chacun gagna son poste en vitesse. J et R coiffèrent leurs casques environnementaux tout en laissant les briches de connexion synaptique pénétrer leurs tempes et leurs nuques, puis R enfila ses gants de contrôle des tourelles et canons alors que J basculait son fauteuil en avant pour passer en pilotage dynamique.

— La réactivité des canons est extraordinaire... Et d'une sensibilité. Merci Carla.

— De rien Rodolph.

Se tournant vers J, elle ajouta.

– Tout le monde n'a pas été aussi poli avec moi.

Désignant un siège à ses côtés de la main, de Lafayette intervint.

— Laisses tomber, il n'est déjà plus avec nous.

Les moteurs des chenilles montèrent dans les tours et le Briseur d'Essaims parti à sa vitesse terrestre maximale tandis que le Major Garful annonçait.

— Entre notre vitesse et celle de l'Oasis, nous serons à ses côtés avant un possible abordage de l'armada.

Pablo enchaina.

— Les rapports transmis par l'Oasis annonce un rassemblement sous plusieurs pavillons. Pirates et Cités.

Les bras croisés sur le torse, Armant répondit.

— Parfait, on peut donc s'attendre à ce que leur attaque soit désorganisée parce qu'ils n'auront pas l'habitude de travailler ensemble. Si déjà la quantité de navires est un désavantage parce qu'ils vont se gêner dans leurs manœuvres, nous pouvons espérer qu'ils vont même se percuter, se tirer dessus involontairement voir s'énerver assez pour se retourner les uns contre les autres. Barreur, reste-t-il de la puissance détournable vers les moteurs ?

—Non Monsieur. En revanche, si nous coupons les lumières pour ne garder que celles de sécurité et de l'infirmerie, nous pourrions gagner une dizaine de batteries supplémentaires d'autonomie pour le mode anti-grav.

— Parfait, faites donc ça.

Dans la seconde, les lumières s'éteignirent, et Long-Shot se leva.

— Barreur, je vous laisse seul maitre à bord. Je vais aller à la tête de proue. Je veux que nos adversaires nous voient, et comprennent que nous ne les craignons pas.

Tous se redressèrent dans leurs sièges pour se tourner vers l'Officier Supérieur.

— Mais Monsieur...

— J. C'est un ordre. Tu es capable d'être le Capitaine de ce navire, je t'en laisse les commandes, sauve l'Oasis, c'est un ordre.

Serrant les mains sur les commandes à s'en faire blanchir les phalanges, J respira lentement plusieurs fois avant de répondre.

— Oui Monsieur. Ce sera un honneur pour moi de vous suppléer.

— Et au besoin de me succéder.

Sans laisser le temps à quiconque de répondre, l'homme quitta le poste de commandes avant de se vouter et de toucher dans sa main. Quand il regarda sa paume, il découvrit sa peau recouverte de sang et sorti son transmetteur.

— Papa.

— Oui Armant.

— C'est aujourd'hui...

— Tu en es sûr ?

Les yeux toujours rivés sur sa main, Long-Shot répondit.

— Plus que jamais. Prépare-le, j'arrive le signer avant d'aller me placer derrière la tête de proue.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sebastien CARRÉ ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0