La folie comme une évasion
Le DSM* n'a qu'un but : la classification des troubles mentaux. Elle définit à travers des observations cliniques des statistiques et des comportements dit spécifiques les contours d'un schizo, d'un parano, d'un borderline, d'un bipo, d'un psychotique... Espérant ainsi donner des outils permettant aux psy de tous bords d'établir un diagnostic Voilà le soignant en mesure, grâce aux illustres professeurs qui l'ont précédé, de soigner leurs patients.
Le terme de fou ayant disparu du vocabulaire des détricoteurs des traumatismes.
Parce qu'un fou est nécessairement le résultat d'une ou plusieurs causes liées à son environnement affectif, à la construction psychiques des mille premiers jours.
Si je pose ce postulat réducteur c'est parce qu'il me semble que le fou, conduit à cet état par sa biologie ou sa génétique, n'est pas pris en charge de la même manière. Au mieux l'on espère le contenir ou l'emmener vers une forme d'autonomie.
Le fou dont on s'occupe a une raison d'être, une histoire à démêler, un chemin possible vers la raison.
Il me semble que cette approche écarte d'emblée quelque chose de l'humain, de l'identité. Le dysfonctionnement vu à travers des stéréotypes chosifie l'individu.
Or on ne dit rien de la poésie, des peurs qu'on apprivoise, du regard singulier porté sur le monde et qui feront toujours partie des personnes considérées comme disfonctionnantes, déséquilibrées, anormales -s'il vous plaît dites moi les normes-.
La folie est une façon de quitter un monde complètement dingue. De fuir la souffrance, l'hypersensibilité, de construire du sens là où il n'y en a pas. De nier une réalité sans issue.
Les stratégies qu'utisent les gens secoués par la vie et considérés comme fous, sont une forme de résilience. Pour le meilleur ou pour le pire, ils quittent notre réalité. Ils franchissent le miroir et voient ce que nous n'osons regarder en face, notre malveillance, nos maltraitances et la mort qui guette chacun de nos pas et ceux des gens qu'on aime.
Ils voient les diables, le passé qu'ils réinventent dans les reflets. Ils comptent et vérifient qu'ils sont en securité. Ils défient la mort. Ils savent, eux que les monstres existent car ils les voient.
Alors ils nous racontent leurs mondes. À travers tous les supports possibles, la peinture, des poésies déconcertantes, la sculpture... À travers leurs litanies, leurs gémissements, ils nous parlent de nous, autant qu'ils parlent d'eux-mêmes. Et aux derniers degrés de leur déconnections, lorsque leur propre corps leur devient étranger, je voudrais connaître ce monde impossible abrité au fin fond de leur esprit.
Mais je dois être folle.
*Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux
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