Qui craint le grand méchant loup ?
14 juin 1966
Depuis quelque temps déjà j'ai repéré les allées et venues d'une charmante blondinette dans les bois. Toujours accompagnée de ses parents, je ne peux me risquer à aller l'aborder, alors je l'épie de loin, dissimulé dans l'ombre.
Elle semble délicieuse et, derrière elle, flotte toujours une agréable odeur de vanille et de sucre. J'aimerais beaucoup plonger mon museau dans cet effluve, avant de goûter à sa peau, et me délecter de sa chair.
18 juin 1966
Elle s'est approchée de ma cachette aujourd'hui. Si près que j'aurais pu tendre le bras et la toucher. Je l'ai observée quelques instants. Sa peau n'a aucune imperfection, ses joues sont un peu rondes, elle doit être bien nourrie, et sa belle chevelure, retenue par quelques barrettes, a laissé une douce senteur tout autour de moi. J'en suis encore tout étourdi.
Elle a l'air si douce, si jeune. L'innocence rend la chair plus tendre et l'extase inégalable. J'attends le moment propice pour l'aborder. J'aimerais entendre le son de sa voix, j'aimerais voir ses yeux me regarder, moi. Me dévisager. Me sourire peut-être. J'aimerais que sa jolie bouche me déclame quelques mots. Rien qu'à moi.
23 juin 1966
Je me suis approché d'elle. L'air de rien.
Ses parents m'ont regardé en coin, mais j'avais alors pris l'apparence d'un chien inoffensif. Ils ne se sont doutés de rien. Pour preuve, j'ai récolté leur sourire.
Mais elle. Blondinette aux yeux de biche, elle m'a regardé. Elle m'a vu. Sa bouche s'est étirée en un sourire.
Cette première approche m'a donné faim. L'envie me tord les entrailles. Je m'imagine déjà la déguster, petit à petit, pas trop vite pour ne gâcher aucune partie de son corps encore fragile.
30 juin 1966
J'attendais, caché comme à mon habitude, lorsque je l'ai vue s'aventurer toute seule dans les bois. Le temps s'est arrêté, je croyais saisir ma chance jusqu'à ce que sa mère la rappelle auprès d'elle. On venait encore une fois de m'arracher mon diamant d'innocence. Cette perle sacrée. Cette douce friandise dorée délicatement emballée dans sa robe rouge.
Ne dit-on pas que le rouge est la couleur de la passion et de l'amour ? J'aime passionnément cette petite fille, si belle, si gracieuse au caractère aventureux. Plus le temps passe, plus j'ai besoin de la voir, de la sentir, de la toucher. De la dévorer. Un besoin viscéral. Elle m'enivre, me fait perdre la tête. Je deviens fou. Il faut qu'une occasion se présente.
Vite !
4 juillet 1966
Enfin ! Ma chance est là, à portée de main... Est-ce pour bientôt ? J'ai si faim... J'ai appris ce matin qu'elle se rendait chez sa mère-grand. Toute seule. Quelle chance... ! J'attends...
Le corps de la vieille est caché sous le plancher.
Ma faim sera bientôt assouvie. J'en ai l'intime conviction. Assis sur une chaise, j'attends. Elle va bientôt entrer. Bientôt, oui... Bientôt je vais pouvoir assouvir mon envie irrépressible. Croquer sa peau, m'enivrer de son odeur, cueillir cette fleur encore fraîche et délicate.
Bientôt. Il me suffit d'attendre...
4 Juillet 1966
Quel délice. Quelle saveur. Mes sens sont encore en émoi après ce que je viens de vivre. Parfaite. C'était le mot. Parfaite et exquise. J'ai encore sous ma langue le goût onctueux de sa nuque, la fine saveur sucrée de ses lèvres, et l'odeur de son corps chaud flotte toujours autour de moi. Lorsque je tends la main, je sens encore son corps se débattre un peu, puis abandonner et s'incliner sous le toucher de mes dents.
Je suis repus. Rassasié. Pourtant, je ressens déjà un manque. Oui. Son manque. Mais la fleur est à présent fanée.
Quel dommage qu'elles ne soient qu'éphémères, je m'y serais bien attaché. J'aimerais me reposer un instant, mais je dois fuir à présent. De part les bois, je trouverai bien de quoi épancher ma faim une nouvelle fois...
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