Vive les mariés !
Un jeune marié
Tout endimanché
Assiste
Contrarié
A l’enterrement
De sa vie de garçon.
S’il est contrarié
C’est pas pour la défunte
– Qu’a tout d’même vécu –
Mais c’est plutôt
Parce qu’aujourd’hui
On est samedi.
Il verse une larme
De circonstance
Un peu de terre
Dans le caveau
Puis il s’en va
Retrouver la mariée
Qui n’attend plus que lui
Pour dire « oui »
Devant monsieur le curé
Que plus rien
Ne saurait étonner
Vu qu’il a tout entendu
Dans sa vie de curé
Et qui est plutôt pressé
D’aller regarder
Le match à la télé.
« Oui » donc.
Et voilà qu’en cinq secs
Et voilà qu’en cinq set
L’affaire est entendue
Les Dupont sont mariés
Et martin a gagné.
Hourra ! Hourra !
Vive les jeunes mariés !
Vive le sport français !
Et M. Dupont
(Car c’est bien comme cela
Désormais
Qu’il faudra l’appeler)
Prend sa femme
(Car c’est bien comme cela
Désormais
Qu’il faudra l’appeler)
Par la taille
Et
Comme on s’y attendait
Lui r’file un d’ces baisers
Comme on n’en voit jamais
Qu’à Hollywood – L.A.
Et puis
Tout l’monde s’échappe
D’la maison du Bon Dieu
Non sans sacrifier
Aux jets de riz d’usage
Dans ce genre de kermesse
Pour se dépêcher
D’être parmi les premiers
A s’asseoir à la table
Des jeunes mariés.
Miam donc.
Et toute l’assemblée
De bailler aux discours
Du père de la mariée
Du maire de la pariée
De l’amère du marié
Et du curé
Qui
Sans vouloir s’en vanter
Est tout d’même bien content
D’êt’ français.
Et toute l’assemblée
De s’empiffrer
En toute allégrité
En toute liberté
En toute cochonceté
Au grand DAM
Du père de la mariée
Qui
Voyant s’envoler
Ainsi ses espoirs
D’austère frugalité
Compte les unités
Les dizaines
Les centaines
Les milliers
Et les dizaines de milliers
Que cela va coûter.
La pilule est dure à avaler…
Si dure
Qu’elle lui reste coincée
En travers du gosier.
A moi ! Je meurs empoisonné…
Heureusement pour lui
Le docteur de famille
Fait partie des invités.
C’est la dot
Confie-t-il à la famille
Qui lui reste
En travers de la gorge.
Sauvez-le
Supplie la mère de la mariée
Pour l’amour de moi !
Pour l’amour de lui !
Et pour l’amour aussi
De notre sainte patrie !
Alors
Le docteur
Administre l’anti-dot
Et le tour est joué :
Le père de la mariée
Est désempoisonné.
Hourra ! Hourra !
Vive le docteur de famille !
S’écrie l’assemblée
Qui commence à s’sentir
Des fourmis dans les pieds.
Si on dansait…
Entend-on par ici
Quand est-ce qu’on danse ?
Entend-on par là
D’où venons-nous ?
Entend-on encore et
Où allons-nous ?
En avant la zizique !
Lance soudain la mère du marié
Qui n’entend pas grand chose
A la métaphysique.
Le chef d’orchestre
Vu qu’y y est obligé
Se réveille subito
Et obtempère allegro
Ma non troppo.
Musique donc.
Alors
Vu qu’y’z’y sont obligés
Les épousaillés
Se mettent à danser
Pour ouvrir le bal.
Dans la salle
On applaudit
A tout rompre
Mais rien ne rompt
Sauf la cadence
A un moment donné
Parce que le chef d’orchestre
A le hoquet.
Qu’as-tu dit ?
S’enquiert le marié
Auprès de sa moitié
(L’appellation est contrôlée).
Oui
Répond l’amariée
J’ai dit oui
Et sans m’gourer.
Que n’as-tu pas dit là…
Soupire le marié.
Demande voir au curé
Renchérit la moitié
Ce qui fait hilarer
L’assistance
Qui
Non contente d’assister
A saoulé le curé
Comme ça
Pour rigoler.
T’excite pas !
Rétorque l’endimanché
J’te crois, j’te crois…
Mais l’intéressée
Qui n’entend pas d’une oreille…
Je veux dire
Qui ne l’entend pas de cette oreille
Monte sur ses grands chevaux
Et joue la fille de l’air
Et joue les cuillers…
Je veux dire
L’écuyère
Et change de cavalier.
Hourra ! Hourra !
Vive la mariée !
S’écrie l’assistance
Qui n’attendait que ça
Pour se mettre à danser.
Hue donc.
Et chacun de chercher
La chaussure à son pied
Et la chaussette qui va avec
Pour ne pas déparer.
Et chacun d’insinuer
Des paire de mains
Entre des paires de fesses
Des paires d’yeux
Entre des paires de seins
Et des paires de tas d’choses
Entre des paires de tas d’choses
En tout bien tout honneur
Cependant.
Y’a des paires de claques
Qui se perdent !
Ronchonne le grand-père du marié
Qui voudrait bien en faire autant
Mais qui peut pas
Dans son fauteuil roulant
Dans son fauteuil croulant
Sous son omni-potentat
Sous son omni-potentation
Sous son omni-impotentation.
Tais-toi donc
Vieux cochon !
Versifie la mère du mariée
Qui se plaît à songer
Que son garçon chéri
A tout d’même dégoté
Un fort joli parti.
Soudain
Les danseurs s’immobilisent
La musique s’arrête
Et le temps suspend son vol
De 17 h 45 pour Paris (Orly).
Chut donc.
Que s’passe-t-il ?
Couine le grand-père
Qui ne voit rien
Vu qu’tout l’monde est debout
Et qu’lui
De facto comme dirait l’autre
Il est assis.
Ce qui se passe
C’est que quelqu’un
Est entré sans frapper
Voilà c’qui s’passe
Crénom d’un chien !
Et ce quelqu’un
Ca n’est pas n’importe qui
Ou plutôt si
C’est n’importe qui justement
Une bohémienne
Une bonne à rien
Une fille de rue
Portant son enfant dans les bras
Pour apitoyer les z’honnêtes gens
Et sale
Par dessus le marché
C’est un scandale !
Qui l’a laissée entrer ?
Vi(tu)père l’assistance
Pas contente d’assister
Qui a osé la laisser entrer ?
C’est moi !
Rugit le marié
C’est moi qui l’ai laissée entrer
Parce que dehors
Il a commencé à geler
Et parce que cette enfant
N’a rien mangé
Depuis deux jours entiers
Voilà pourquoi
Je l’ai laissée entrer
Que celui qui trouve
Quelque chose à redire
Redise
Sans tarder.
Alors
Chacun parmi tous
Cherche quelque chose à redire
N’importe quoi
Histoire de montrer
Que tout d’même
Faut pas exagérer
Mais
Comme chacun parmi tous
Est plutôt bien élevé
Nul n’ose se manifester
De peur de contrarier
Le futur cocu.
Eh bien ?
Lance ce dernier
Rien à redire ?
Dans ce cas
Dansez, dansez, dansez
Sans plus jamais vous arrêter !
Et la musique reprend
Le cours des événements
Où elle l’avait laissé
Et tout le monde
Se remet à danser
Sans entrain toutefois
Contraint, forcé
Avec un arrière goût
De « la fête est gâchée »
Sur l’air de « Ca irait ».
A l’écart
Réchauffée
Rassasiée
Réconfortée
La bohémienne
N’en finit pas de remercier
Ce bienfaiteur inopiné
Ce noble cœur à reprendre
A reprendre et à garder…
Elle lui saisit la main
La baise et la rebaise
Et puis
Comme de juste
Se met à lire
Ce qui y est écrit :
Amour, Richesse, Santé…
Tout l’arsenal
Des bonnes nouvelles
Y est passé.
Mais le marié
N’est pas dupe.
Sais-tu lire entre les lignes ?
Demande-t-il.
Alors
La bohémienne
Lui dit la vérité
Toute la vérité
Rien que la vérité.
La vérité
C’est qu’elle l’aime
En secret
Depuis toujours
D’un noble et grand amour
Comme on n’en voit jamais
Ni ici ni ailleurs
Et surtout pas
A Hollywood L.A.
La vérité
C’est que sa petite fille
Si frêle
Qu’elle serre dans ses bras
De peur qu’un coup de vent
Ne la lui ravisse
Ne sourit
Que parce qu’elle dort…
Lorsqu’elle est éveillée
Elle pleure
– Que pourrait-elle faire d’ailleurs ?
Lorsqu’elle dort
Elle rêve
Qu’elle a un vrai papa
Qui les aime
Elle et sa maman
Qui ne leur tape pas dessus
Quand il a bu
(C’est à dire tout le temps)
Quand il n’a pas bu
(C’est à dire rarement)
Et le reste du temps
Et qui lui raconte
Des contes de fées
Ou des histoires
De Princes Charmants.
Toute vérité n’est pas bonne à dire…
S’excuse la bohémienne
En tournant les talons.
Puis elle s’en va
A pas de brebis galeuse
Retrouver sa misère
Qu’elle avait laissée
A la porte en entrant.
Alors
Les danseurs
Ne sachant sur quel pied danser
S’immobilisent
La musique s’arrête
Et le temps suspend son vol
De 18 h 00 pour New York (U.S.A).
Sur la petite joue sale
De la bohémienne
Coule une larme
De désespoir
Et cela émotionne
L’assistance
Qui est bien contente
D’assister
A un spectacle
Aussi émouvant
Aussi apitoyant
Aussi larmoyant
Comme on en voit tout l’temps
A Hollywood L.A
Dans les films
De série B
De série C
De série D
De série E
De série F
Et aussi
De série G.
Et puis
Comme elle est apparue
La bohémienne
Disparaît.
THE END donc.
Eh…
Inquisitionne la ½
Qu’est-ce qu’elle te racontait
Cette diseuse d’aventures
Cette moins-que-moins-que-rien
Cette mal-élevée
Et mère-fille
Par dessus le marché ?
Mais le jeune marié
Ne l’entend pas
– Ni de cette oreille
Ni de l’autre d’ailleurs.
Il a fermé les yeux.
Il rêve…
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