Le sniper américain était accroupi dans un immeuble inhabité de Paris. Il avait dans son collimateur le dictateur Frédéric Butcher, auquel la Troisième Guerre Mondiale était largement due.
Un seul tir suffirait à mettre fin à ces deux entités. Le sort de la guerre reposait sur ses épaules – lesquels, d'ailleurs, étaient particulièrement douleureuses depuis quelques semaines ; à force de transporter de lourds sacs contenant des munitions et des armes, le soldat avait fini par avoir un dos courbaturé...
Le souffle court, la poitrine serrée et le coeur battant comme les signaux sonores répétés d'une bombe à retardement sur le point d'exploser, l'Américain était prêt à tirer, mais il n'en avait pas envie.
Un bon chrétien ne devait pas tuer. Ainsi étaient-ce les commandements de Dieu. Et voilà qu'il se trouvait en direct confrontation avec ses croyances dans une situation qui lui apparaissait irréelle, presque dystopique. Est-ce que le Seigneur lui pardonnerait ce grave péché ? Est-ce que, pour le salut de tout un peuple, voire de toute une planète, son crime pouvait faire l'objet d'une rédemption ? Ou est-ce que les portes du Paradis ne lui seraient à jamais fermés pour ce simple geste à la limite de la moralité ?
Il ne le savait pas. Mais ce qu'il savait, c'est qu'il n'avait plus le choix. Le soldat devait prendre une décision, ou espérer que Dieu s'en charge pour lui. L'ennemi était dans la mire, le sort de la guerre entre ses doigts et le sable, dans le sablier, en train de s'écouler.
Du revers de sa main, le soldat essuya à la hâte son front, puis il replaça son arme devant sa lentille, anticipa la position du général et appuya sur la gâchette.
L'arme eut un léger recul et la crosse de cette dernière vint se coller douilletement contre l'épaule du tireur, puis elle retrouva sa position initiale, là où elle pouvait retrouver repos. Comme un bébé naissant, la cartouche pointa le bout de son nez hors du canon, comme si elle voulait seulement observer le monde extérieur avant de l'affronter. Puis, elle s'y extirpa farouchement, contrairement aux flamèches rebelles qui venaient de décoller avant elle. Finalement, déterminée à connaître sa destinée, la munition abandonna complètement son refuge, enhardie par le goût de l'aventure.
Nue, seule et timide, la balle fit ses premiers pas dans ce vide immense en suivant une trajectoire droite. Elle aurait certainement voulu reculer, revenir en arrière, retourner dans l'ombre là où elle était sortie, mais c'était impossible pour elle. Elle était condamnée, par la force des choses, à avancer, sans qu'elle ne put y faire quoique ce soit, et c'était parfait ainsi.
La balle rencontra d'abord une fenêtre, qui se fissura en un petit trou pour la laisser passer, puis cette dernière se craquela sur toute sa surface avant de se briser en milles morceaux de verres, aussi tranchants que des lames. Certains étaient gros, d'autres plus petits, mais tout ce que l'on pouvait vraiment dire, c'était que chacun d'entre eux était unique.
La balle progressait, autant en distance qu'en confiance, sous les réfléchissements lumineux des éclats de vitre. Elle n'avait aucune crainte et elle se laissait désormais transporter librement par le feu qui la poussait gentiment derrière elle, éprouvant un plaisir évident à évoluer dans cet espace inconnu et à savourer ce moment qui s'annonçait comme une libération.
Après avoir entendu une détonation vers les habitations délabrées au loin, la tête de Monsieur Butcher se tourna doucement vers la droite. Sa bouche s'ouvrit légèrement, des sueurs froides et salées perlèrent sur son crâne dégarni et ses pupilles s'agrandirent, tout comme le reflet de la balle dans ces dernières.
La cartouche, qui avait parcouru des mètres et des mètres de distance, finit son long et épuisant trajet entre les deux yeux de l'homme pour se loger confortablement dans sa cervelle.
Frédéric tomba au sol et ses gardes du corps se précipitèrent vers lui. Furieux, l'un deux déversa toutes ses munitions de son pistolet vers le sniper se trouvant dans les bâtiments lointains.
Le soldat américan se jetta au sol, les deux mains sur ses oreilles. Il n'avait pas été touché, et pourtant, son corps tout entier se contractait à intervalle régulier, comme pris de spasmes.
Il pleurait bruyammant, tel un bébé, comprenant enfin qu'il venait de commettre l'irréparable...
Table des matières
En réponse au défi
Décrire un ralenti
Salut !
Alors voilà, je trouve les ralentis au cinéma et dans les jeux-vidéos bien stylés. Du coup, je me demandais si c'était possible de le retranscrire à l'écrit.
Pas de contrainte particulière excepté que votre texte doit comporter un moment où le temps se dilate dans l'esprit de l'un des protagonistes (peut être un duel de cow-boy, une scène romantique, un but lors d'un match de foot, etc.)
Au boulot !
Commentaires & Discussions
Le sniper | Chapitre | 2 messages | 5 ans |
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