Environs

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- Klebz ? Comment va le vaisseau ?

- Nous n’avons pas subi de dommages internes ni externes, mon capitaine, tout semble opérationnel mais rien ne fonctionne. C’est incompréhensible.

- Wall-ID ?

- Mo ka pa savé.

- Ok, merci. Brossard ? Avez-vous une explication ?

- C’est très étrange mon capitaine, l’Introducton à variateur démultiplié aurait dû prendre le relais, mais la diode de commutation n’a pas…

- Commuté, oui bon. Yababoua ? Où sommes-nous ? Quelle est notre position ? Donnez-moi du concret, mon vieux !

- Et bien, tout semble indiquer que les vecteurs champs liés à la carlingue du vaisseau ne sont pas constants ni même uniformes, et la plupart des matrices d’inertie (réduites en bases simples, s’entend)…

- Oui bon, faites plus simple car… car Klebz est largué, là !

- Je… non ! protesta ce dernier.

- Et bien, pour être franc… L’Amérion bouge, mon capitaine. Nous dérivons lentement vers une planète qui n’est pas répertoriée dans ma mémoire interne. La position des étoiles, leur configuration, n’a jamais été observée par quiconque depuis… (il émit un faible chuintement qui signifiait l’accès aux données système) depuis toujours. Nous ne savons pas où nous sommes pour la bonne raison que personne n’est jamais venu ici.

- En clair, nous sommes perdus ?

- Hmmmm… oui.

- Bien. Klebz, préparez les nacelles de survie. Je ne veux pas que nous nous trouvions coincés dans un gros tas de ferraille sans possibilité d’évacuation. Von Dutch ?

- Capitaine ?

- Allez faire à bouffer, j’ai faim. Et laissez tomber les poules et le chocolat. Caporal Lumi, effectuez dès que possible une analyse transitionnelle  des facteurs de surface de cette foutue planète. Vérifiez si elle est habitable. Nous nous trouverons peut-être dans l’obligation de débarquer. Brossard, démerdez-vous pour rétablir l’alimentation en énergie de l’Amérion. Yababoua, trouvez où nous sommes, et faites moi un rapport sur la dernière émission du QG tutuvien. Je veux savoir ce que nous foutons là, bon sang ! Faites-vous aider par le caporal Lumi si besoin est. ET RÉTABLISSEZ MOI CETTE PUTAIN DE PESANTEUR ! cria-t-il en évitant de justesse une godasse importune qui croisait au large du panneau de contrôle.

Le caporal Lumi se mit immédiatement à la tâche. Elle prit appui sur le sol carreulé, s’élança vers son pantalon qu’elle enfila en un front-flip élégant – non sans faire front-flipper le regard de l’ensemble de l’équipage –, puis elle se dirigea vers les commandes du vaisseau. Comme elle s’y connaissait plutôt bien en cinématique, et qu’elle avait une connaissance encyclopédique de l’Amérion, elle parvint à remettre en marche les mini-impulseurs anti-moukmik du vaisseau. Ces moteurs ne servaient principalement à rien (c’était d’ailleurs l’unique raison pour laquelle ils étaient encore en service), mais dans ce cas précis elle put les incliner d’un angle de précession suffisamment retorse pour faire tourner l’Amérion sur lui-même, et à une vitesse angulaire suffisamment potable pour ramener un semblant de gravité. Bon, d’accord, le vecteur n’était pas constant, il évoluait même de manière fortement non-linéaire depuis le centre de la salle des commandes jusqu’à la cale, écrasant les poules dans leur tas de foin, mais c’était le seul moyen de limiter le bordel sur le pont principal. Klebz se brêla le caisson d’une hauteur de 3 mètres, ce qui n’était pas beaucoup pour lui, mais il reçut un Brossard sur la tête. Il le prit avec une philosophie toute relative, lâchant une flopée de jurons tout ce qu’il y a de plus canins.

- Bien joué, caporal Lumi, éructa Tipek qui s’était emmêlé dans le dispositif anti-vomi que Yababoua avait laissé retomber sur sa gueule. Maintenant, allez me scanner cette foutue planète de mes deux !

- Yes, sir ! répondit-elle.

Lumi rejoignit les commandes de scan au pas de course. Elle s’installa confortablement, essayant de ne pas coller ses gros nibards sur le clavier de la console. Elle entra quelques lignes de code connues d’elle-seule, probablement du Tepacap/++, enclenchant ainsi la procédure de scan de la planète. Encore une chance que le scan n’ait pas été coupé en énergie. Tout l’équipage était venu se coller derrière Lumi, certains pour regarder l’écran, d’autres pour… eh bien, autre chose, manifestement. Enfin bref.        

Sur l’écran défilaient un maximum d’infos plus ou moins bitables. Klebz tenta de lire la teneur en côtelettes de la planète, mais il fut noyé dans un vocabulaire technique pour le moins abscons. Les capteurs de flux à induction variable pouvaient renseigner sur le nombre de rongeurs à la surface de l’objet céleste, tandis que les sondes infra-rouge retournèrent la teneur en oxygraugène de l’atmosphère.

- C’est pas bon, fit Lumi. L’atmosphère est irrespirable.

L’échec, pensa Klebz. Sans atmosphère respirable, il n’y aurait probablement pas de cautelettiers (animal pouvant servir à refaire le stock de côtelettes). Les infos continuaient de défiler. Les transducteurs à effet chtonk indiquèrent une possible présence de vie, en raison de teneurs élevées de composés carbonés et silicatés dans l’atmosphère verdâtre de la planète.

- Si c’est une vie à base de silicium, on n’est pas dans la merde, maugréa Brossard. Et sans oxygraugène, en plus ! Ça va encore nous donner de sacré bestioles !

Lumi ignora la remarque, et braqua les antennes à rémanence inertielle sur l’équateur de la planète, y recherchant d’éventuelles émissions radios, principaux signes de l’existence d’une civilisation digne de ce nom. Il n’y en avait pas. Et puis… plus rien. L’écran de scan tomba en rade en émettant un râle poussif. Une émission radio inhabituellement puissante avait-elle pu griller les antennes ? Probablement pas, pensa Lumi. C’était plus probablement une panne générale de l’Amérion. Elle décida de ne rien dire au reste de l’équipage. C’était déjà suffisamment le bordel comme ça.

Tipek resta un long moment, prostré devant l’écran devenu désespérément noir. Après de longues minutes, il demanda :

- Eh bien ? C’est tout ? Pfff ! P’tit scan !

Lumi n’osa pas trop la ramener. Tipek rompit de nouveau le silence.

- Yababoua ?

- Oui, mon capitaine ?

- Pouvez-vous poser l’Amérion sur cette foutue planète ?

- Ça s’annonce chaud, sir. Klebz devra remettre les inverseurs de poussée en service. Au minimum.

- Pas forcément, coupa Brossard.

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