Verdict
Le capitaine Tipek n’en menait pas large. Tandis que Palpoutine le sermonnait, il réfléchissait aux terribles sanctions disciplinaires des forces armées de la Cellule. La désertion n’était pas tellement le genre de plaisanterie qui amusait la cour martiale, et l’évocation des épouvantables peines encourues lui coupa le souffle.
- ... et tout ça pour quoi ? ... Tipek ! Je vous ai posé une question !!! brailla le Chancelier.
- Hein euh bin euh...
- J’aime mieux vous dire, capitaine, que si votre journal de bâbord ne révèle rien d’intéressant, même le plus petit fait qui pourrait éventuellement justifier ce long voyage – presqu’un an, excusez du peu –, vous allez passer un certain temps à l’ombre.
Le Chancelier avait retrouvé son calme, ce qui était plutôt mauvais signe. La sentence allait tomber d’un instant à l’autre. Tipek eut toutefois une petite pensée pour son équipage, qui serait probablement relâché sous peu. Il ne savait s’il devait remercier ou maudire l’organisation de la Cellule, extrêmement autocratique, qui désignait un capitaine comme seul responsable de la plupart des exactions commises sous son commandement, mais qui du coup permettait à un supérieur de décider seul du sort des subalternes. En effet, le Chancelier était plus ou moins le supérieur de Tipek, et celui-ci ne pouvait espérer un procès de type civil.
- Ah, voici l’adjuvant Prouprou, qui a décrypté votre journal de bâbord.
Un petit être chafoin pénétra dans la pièce. Il portait un uniforme bleu nuit, et son visage était souligné d’un collier de barbe broussailleuse. Son crâne, presqu’entièrement dégarni, laissait libre cours à l’imagination des mouches qui le suivaient. Il déposa sur le bureau du Chancelier un boîtier noir, composa un code sur la clavier qu’il portait au cou, puis disparut. Tipek commençait à avoir mal aux jambes, à force de rester debout, et envia l’adjuvant Prouprou qui menait probablement une vie bien paisible. Au-dessus du boîtier noir, une image en trois dimensions se forma lentement, imparfaite, révélant une carte spatiale constellée de symboles de navigation. Lorsque l’image fut stabilisée, le Chancelier s’en approcha avec un sourire mauvais.
- Alors... Voyons voir...
Le Chancelier déglutit péniblement. Sa main tremblante agrippa le dossier de la chaise monobloc destinée d’ordinaire aux invités des basses castes. Il tourna vers Tipek un visage incrédule mais terrifié, duquel toute trace de moquerie avait disparu. Tipek soutint ce regard un moment, puis hésita à poser la question qui lui brûlait les lèvres. Le Chancelier chancela, ce qui ne surprit pas vraiment le capitaine, puis contourna son burlingue pour s’asseoir et se servir un grand verre d’une liqueur parfumée.
- Vous êtes conscient de ce que cela implique, capitaine ?
S’abstenant de répondre, celui-ci pensa qu’il ferait mieux de ne pas montrer qu’il ignorait totalement de quoi parlait le Chancelier. Histoire de garder un avantage, à tout hasard.
- Capitaine, vous avez exploré plusieurs mondes, mais aucun de ceux-ci n’est répertorié sur notre système BABAR de reconnaissance des mondes. Savez-vous pourquoi ?
Tipek l’ignorait, mais il savait en revanche que Palpoutine était Chancelier non seulement en raison de ses étonnantes capacités psychiques mais également à cause de sa compréhension innée des sciences et autres techniques modernes. Il avait ainsi une autorité sur la plupart des problèmes de la société actuelle.
- Je l’ignore, Chancelier.
- Parce que, d’après votre journal, ces mondes n’appartiennent pas à notre dimension. Les éléments du puzzle s’assemblèrent soudain dans l’esprit de Tipek. L’absence de communication, les rencontres étranges sur des mondes inconnus... Une question restait sans réponse : pourquoi ? Une avarie de l’Introducton avait sans doute été la cause de leur premier saut d’une dimension à l’autre, mais comment diable avaient-ils pu regagner leur dimension d’origine ?
Un seul nom lui vint à l’esprit.
Maïkeule.
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