Mort dans la Jungle
Dan fuyait depuis des heures. Il n'en pouvait plus, il n'osait pas regarder derrière lui, tout ce qu'il savait c'est qu'il fallait fuir, fuir pour éviter la mort. Il s'enfonçait de plus en plus profondément dans la jungle luxuriante. Il ne savait pas si c'était une bonne idée, mais il n'avait plus la force de réfléchir. Il écartait brutalement les hautes fougères, bondissait par dessus les souches d'arbres. Il n'avait pas le temps de s’arrêter pour reprendre son souffle, il savait que toute perte de temps lui serai fatale. Pourtant ses poumons le brûlait, ses muscles lui faisaient mal.
De brèves images lui revenaient à l'esprit, comme des flashs. Il y avait tout d'abord eu la piste, le convoi avec ses véhicules, le soleil haut dans le ciel. Puis il y avait eu l'attaque, la surprise, les hurlements, les rugissements, les coups de feu. Tout était devenu jaune de feu, noir de cendre, rouge de sang. Le convoi n'avait pas tenu l'assaut. Les corps jonchaient la piste, les quelques survivants s'étaient regroupés avec un ultime espoir, repousser l'ennemi. Dan avait tout de suite compris que c'était inutile. Il n'était pas lâche non, bien au contraire, mais il avait déjà survécu à une telle attaque et il savait que tout était perdu. Il avait choisit de fuir. Abandonnant sur place tout son matériel il avait bondi dans la jungle bordant la piste et s'était mis à courir aussi vite qu'il pouvait pour s'éloigner du lieu de l'embuscade.
Dans un premier temps il n'avait entendu que le le bruit de sa fuite, les craquements de la végétation, le frottement de ses bottes dans les herbes hautes et puis dans le lointain il avait entendu des coups de feu, puis à nouveau ces terribles rugissement qu'il connaissait si bien. Il s'était mis à courir encore plus vite. Dans le lointain en direction de la piste on n'entendait plus aucun bruit. Dans savait que c'était terminé.
Depuis ce moment là Dan savait qu'ils allaient s'occuper de lui. Ils ne mettraient pas longtemps à retrouver sa trace, il avait forcement laissé des traces lors de sa fuite. A moins qu'une fois le massacre terminé ils s'en aillent sans chercher d’éventuels survivant? Mais il savait que cette idée était fausse. Ils allaient le traquer jusqu'à ce qu'ils le retrouvent. Retrouver sa piste avait du être un jeu d'enfant pour eux. A l'heure qu'il est ils étaient très certainement derrière lui, et connaissant leur rapidité de déplacement Dan savait qu'il serait bientôt rejoint. Son cœur battait de plus en plus fort, le sang cognait dans ses tempes, sa tête bourdonnait, il avait la gorge sèche, les jambes lourdes. Son corps réclamait un arrêt. Son esprit lui jouait des tours, sa courses effrénée à travers la végétation, produisait tellement de bruits qu'il ne savait pas s'il était suivit. Des craquements, des frôlements, était ce une brindille, une branche ou ses poursuivants? Dan n'osait pas se retourner.
Soudain un hurlement déchirant retentit dans la jungle. Dan sentit son cœur s’arrêter de battre pendant quelques instants. Le hurlement se reproduisit quelque part sur sa droite. Dan estima que ses poursuivants étaient encore un loin, les hurlements étaient sûrement destinés à l'effrayer et à lui faire commettre une erreur qui révélerai sa présence. Une lueur d'espoir s'empara de lui, il infléchit sa course vers la gauche. Sa stratégie était simple, s'éloigner le plus possible de la menace, car plus la distance était grande et moins il risquait de se faire repérer par le bruit de sa course. Tout à coup, un silence de plomb tomba sur la jungle, plus aucun bruit, aucun oiseau, aucun insecte, plus un souffle de vent.
Un nouveau hurlement retentit, mais cette fois ci c'était plus près, très près. Dan sentit son sang se glacer, ses jambes ne le portaient presque plus. Toute sa stratégie s’effondrait, ils ne les avait pas distancé, ils étaient là. Dan changea brusquement de direction, il se mit à slalomer parmi la végétation dense. La peur venait de s'emparer de lui, son cœur battait à tout rompre, sa vue se brouillait. Les herbes hautes autour de lui se mirent brusquement à frémir. Comme si la brise venait de se lever, la végétation semblait se balancer, caressée par un souffle invisible. De multiples hurlements éclatèrent autour de lui. Dan savait que c'était fini, il avait perdu. Ce n'était plus la peine de courir. Il s’arrêta.
Debout au milieu de la jungle, entouré de végétation luxuriante, il attendait haletant. Dans sa tête tout se bousculait, toute cette fuite pour rien, ils l'avaient eu. Ils l'avaient rejoint et l'avaient encerclé. Ils avaient su le rabattre dans le piège. Nul doute que le cercle infernal s'était refermé. Là quelque part, encore cachés par la végétation, ils attendaient. Dan savait que dès que le signal serait donné ils fondraient sur lui à la vitesse de l'éclair, il savait aussi qu'il n'avait plus que quelques instants à vivre. Il était résigné. Dan saisi l'arme qu'il portait à la ceinture. Il la soupesa. Elle était lourde et froide comme la mort. Le magasin était plein, elle était prête à servir. Dans un cliqueti métallique, il fit glisser une balle dans le canon.
Tout autour de lui la végétation frémissait de plus en plus, des craquements, des frottements étaient perceptibles. Le ciel était chargé de nuages, il allait bientôt pleuvoir sur la jungle. Dan sentit tomber les premières gouttes de pluie. Elles ruisselèrent sur son visage, comme autant de larmes. Un sentiment de tristesse s'empara de lui, il avait échoué. Soudain la jungle entière sembla entrer en éruption, L'air s'emplit de cris déchirants, les cris des chasseurs. Dan leva son arme et appuya le canon froid sur sa tempe. Il ferma les yeux. Ses tympans étaient déchirés par les rugissements, le sol semblait se soulever. Un souffle chaud passa sur sa nuque, son doigt se crispa sur la gâchette. Tout à coup une douleur fulgurante traversa son corps. Sa poitrine venait d'être traversée par de puissantes griffes. Dan se senti défaillir. Il se sentit partir en arrière. Le coup partit. La tête traversée par le puissant projectile, Dan s'affaissa. Aussitôt les rugissements cessèrent. La jungle cessa de frémir. Ils étaient partis aussi rapidement qu'ils étaient venus.
Allongé dans les hautes herbes, la tête baignant dans le sang, Dan était mort. Son corps couché sur le dos, on voyait encore le trou béant dans sa poitrine. La pluie venait de cesser, Le soleil se mit à percer au travers des nuages, progressivement la jungle reprenait vie.
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